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Des toxicomanes toujours à la merci du VIH

On dit du quartier de Tanjung Priok, où se trouve le port, à Jakarta, la capitale de l’Indonésie, que trois soleils rayonnent au-dessus de lui, et non un seul, car il y fait une chaleur torride, dans une ville où la température est déjà élevée. Outre le climat, ce quartier est également connu pour son taux élevé de criminalité, et en particulier pour son trafic de drogues.

Eep*, 24 ans, a commencé à consommer de l’héroïne lorsqu’il était au collège ; quant à Fendi*, 21 ans, il pouvait s’en procurer aisément, car son oncle était dealer et consommait de la drogue dans le salon, chez ses parents.

Ici, les histoires de ce type ne manquent pas. Il y avait auparavant peu de programmes s’adressant aux toxicomanes à Tanjung Priok, les activistes estimant souvent qu’il était trop dangereux d’opérer dans ce quartier, mais ces dernières années, des programmes de distribution de seringues stériles y ont été mis en place, et une clinique de traitement à la méthadone [drogue de substitution employée pour le traitement des héroïnomanes] y a ouvert ses portes en 2007.

En Indonésie, la drogue est un problème de taille et l’injection de drogue est particulièrement endémique.

En 2006, le ministère de la Santé estimait le nombre de consommateurs de drogue par injection (CDI) entre 190 000 et 247 000.

L’injection de drogue est également la cause principale d’infection par le VIH : le ministère de la Santé estimait que près de la moitié des 10 384 cas de VIH/SIDA déclarés au mois de septembre 2007 étaient des CDI.

Dans les « points chauds », comme la capitale, 72 pour cent des patients VIH/SIDA sont des CDI ; à Java Ouest, ils sont pas moins de 80 pour cent.

Selon Inang Winarso de la Commission nationale pour la lutte contre le sida (NAC), le gouvernement a intensifié ses efforts de prévention du VIH chez les CDI, essentiellement en adoptant une stratégie de réduction des risques.

De manière générale, la notion de réduction des risques englobe de nombreuses méthodes différentes, du conseil en matière de protection sexuelle à la distribution de préservatifs, mais dans le contexte asiatique, cette stratégie consiste généralement à mettre en place des programmes de distribution de seringues stériles et de drogues de substitution.

Un nombre d’infections en hausse

Si les programmes de distribution de seringues stériles n’ont pu aider que 20 pour cent des CDI en 2004, à en croire la NAC, ils approvisionnent désormais 80 pour cent d’entre eux.

Vingt-quatre centres offrent des traitements d’entretien à la méthadone (TEM) dans les hôpitaux, les centres de santé communautaires et les prisons des quatre coins du pays, et il est prévu que d’autres ouvrent leurs portes dans un avenir proche.

Selon une étude réalisée par l’université de Padjadjaran, à Bandung, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Jakarta, à Java-Ouest, la méthadone est efficace pour prévenir la consommation d’héroïne et la criminalité chez les toxicomanes.

Toutefois, malgré le renforcement des mesures de lutte, le nombre d’infections par le VIH chez les CDI ne cesse d’augmenter. Des recherches, menées dernièrement, ont révélé que les taux de prévalence du VIH chez les CDI indonésiens se situaient entre 40 et 90 pour cent, suivant la région.

Dans le cadre de son étude menée auprès des CDI adolescents, la Faculté de santé publique de l’université d’Indonésie a également découvert que 62 pour cent des adolescents interrogés réutilisaient leurs seringues, une même seringue pouvant être partagée par 18 personnes.

M. Winarso a admis que les efforts actuels n’étaient pas suffisants : son infrastructure, ses ressources humaines et ses réserves de méthadone (qui doit être importée) étant limitées, un centre de TEM ne peut traiter que 150 patients au maximum.

Autre difficulté : le manque de traitements disponibles pour les CDI séropositifs. Selon M. Winarson, de nombreux médecins refusent de soigner les CDI qui continuent de s’injecter de la drogue.

Du matériel d’injection souillé

Pourtant, d’après Joyce Djaelani Gordon, activiste à la Fondation Harapan Permata Hati Kita, qui dirige plusieurs programmes de désintoxication, ces médecins sont au contraire rares.

« Le problème des médecins est une vieille histoire », a-t-elle affirmé. « Le [gros] problème, [aujourd’hui,] ce sont les CDI qui continuent de s’injecter de la drogue avec des seringues usagées, dans des endroits crasseux [...] ceux-là sont facilement exposés aux infections et autres maladies, telles que l’hépatite C. C’est pour cette raison que la progression vers le sida se fait rapidement ».

Pour Djaelani Gordon, il est essentiel d’intensifier d’urgence les programmes de distribution de seringues stériles et d’informer les CDI sur la manière d’éviter la transmission sexuelle.

« Nous sommes confrontés à un constat alarmant : les CDI sont jeunes et sexuellement actifs, certains ont même des enfants ; on ne peut donc plus se contenter de se focaliser uniquement sur les seringues propres ou la méthadone, et ne leur parler que de cela ».

Selon les estimations de l’UNICEF, des milliers de femmes indonésiennes ont été infectées par le VIH par contact sexuel avec des hommes consommateurs de drogue par injection.

Sekar Wulan Sari travaille à la Fondation Stigma, une organisation communautaire mise sur pied pour autonomiser les consommateurs de drogue et lutter contre la stigmatisation et la discrimination ; elle critique vivement la politique du gouvernement, qui s’intéresse aux toxicomanes plutôt qu’aux dealers.

« Des programmes ont été mis en place, des campagnes ont été organisées et pourtant le taux d’infection au VIH chez les CDI continue d’augmenter parce que ces programmes sont arrivés tard et ont été sporadiques », a-t-elle dit.

Le gouvernement a adopté sa politique de réduction des risques sans réaliser d’évaluation convenable au préalable pour déterminer les disparités en matière de taux d’infection dans différentes zones, a indiqué Mme Sari.

« Il faudrait réaliser une évaluation approfondie et mettre en place des règlements adaptés avant de poursuivre tous ces programmes et toutes ces campagnes », a-t-elle également suggéré.

*des noms d’emprunt

hd/ks/he/nh/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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