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L’image de la stratégie de prévention du VIH mise à mal

En excluant les utilisateurs de drogues injectables de ses programmes de prévention et de traitement du VIH/SIDA, la Thaïlande compromet les stratégies efficaces pour rompre la chaîne de transmission du VIH et sauver des vies, selon une étude.

Le document, compilé par l’organisation internationale de défense des droits humains Human rights watch (HRW) et le Groupe thaïlandais d’action pour les traitements du sida, a estimé que le taux élevé de prévalence du VIH parmi les utilisateurs de drogues –inchangé à 50 pour cent depuis près de deux décennies- « entache la réputation de la Thaïlande comme étant un exemple de succès dans la lutte mondiale contre le sida ».

De nombreux responsables thaïlandais sont fermement opposés aux programmes d’échange de seringues et d’aiguilles, les taxant d’« immoraux » et d’encouragement à l’usage de la drogue, même s’il a été prouvé que ces programmes permettaient de réduire la transmission du VIH parmi les consommateurs, selon l’étude.

Les pairs éducateurs engagés dans des efforts discrets d’échange de seringues –et qui constituent souvent l’unique source d’information sur le VIH des consommateurs de drogues- sont soumis à un harcèlement policier, avec « un impact direct sur la santé et la vie des utilisateurs de drogues ».

En conséquence à la fois de cette politique et des pratiques, de nombreux hôpitaux et cliniques publics divulguent leurs informations sur les cas suspects d’utilisateurs de drogues aux autorités, a dit le rapport. Cela dissuade ces utilisateurs de reconnaître ouvertement leur dépendance, ce qui compromet leur accès aux soins et les expose potentiellement à la « dangereuse interaction entre les drogues et les médicaments ».

Partager les seringues est un moyen extrêmement efficace de transmettre le VIH. Le rapport a exhorté le gouvernement à développer une stratégie nationale claire de programmes d’échange d’aiguilles et de seringues pour réduire le risque de transmission du virus, parallèlement à des programmes de traitement à la méthadone, un opiacé de synthèse recommandé par l’Organisation mondiale de la santé pour aider les consommateurs d’héroïne à ‘décrocher’ de leur dépendance.

Double risque

« C’est une horrible histoire de droits humains », a dit Rebecca Schleifer, de HRW. « On a un groupe de personnes qui, depuis le début de l’épidémie [de VIH], a été le plus touché, et rien n’a changé pour eux ».

Le docteur Patchara Siriwongrangsan, directrice du département Sida, tuberculose et infections sexuellement transmissibles au ministère thaïlandais de la Santé, a contesté que la Thaïlande ait ignoré l’épidémie parmi les consommateurs de drogues injectables.

La prévalence du VIH parmi ce groupe a baissé à 33 pour cent en 2006, en dessous des 50 pour cent annoncés dans le rapport, a-t-elle affirmé.

« Je pense que le gouvernement thaï a fait aussi bien qu’il a pu », a-t-elle estimé. « Nous avons de nombreuses limites en ce qui concerne les utilisateurs de drogues –c’est une population difficile à atteindre ».

A Bangkok, la capitale, les centres de santé ont une politique qui intègre la méthadone à la thérapie antirétrovirale (ARV). Des responsables de la ville ont indiqué qu’entre 600 et 700 consommateurs de drogues étaient à la fois sous ARV et sous méthadone fin 2006. Mme Siriwongrangsan a expliqué que les autorités sanitaires étaient à la recherche de fonds supplémentaires pour élargir ces programmes.

La Thaïlande est souvent décrite comme un pays modèle dans la lutte contre le sida. Dans les années 1990, la reconnaissance pragmatique par le gouvernement de l’existence d’une importante industrie du sexe, en principe illégale, a ouvert la voie à des programmes de distribution massive de préservatifs, auxquels on attribue l’inversion de la courbe de l’épidémie et la prévention de centaines de milliers de nouvelles infections.

Le gouvernement s’est aussi engagé à fournir des ARV et à élargir les programmes de distribution de ces médicaments à quelque 180 000 personnes vivant avec le virus –environ 80 pour cent des personnes en attente de traitements. Il s’est aussi assuré que près de 90 pour cent des femmes enceintes séropositives avaient accès à la thérapie de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant.

''...On a un groupe de personnes qui, depuis le début de l’épidémie [de VIH], a été le plus touché, et rien n’a changé pour eux...''
Criminaliser la dépendance

Cependant, lorsqu’il s’agit de la consommation de drogue, les politiciens ont eu historiquement tendance à la considérer comme un fléau criminel à éradiquer, plutôt qu’à traiter.

Cette tendance a atteint un pic pendant la « guerre contre la drogue » controversée mise en place par le Premier ministre Thaksin Shinawatra en 2003, au cours de laquelle environ 2 600 personnes accusées d’être consommateurs ou revendeurs de drogue ont été tuées en trois mois, ce que les organisations de défense des droits humains ont assimilé à une vague d’assassinats extra-judiciaires.

Le massacre, très populaire parmi les électeurs Thaï, a cessé depuis, mais l’administration actuelle considère toujours la dépendance à la drogue comme un problème à éliminer.

« La guerre contre la drogue n’a pas été menée à terme selon beaucoup de gens à qui nous avons parlé », a dit Mme Schleifer. « Peut-être n’y a-t-il plus ces opérations armées actives comme il y en a eu, mais les villageois gagnent de l’argent en dénonçant les utilisateurs de drogue ».

Même aujourd’hui, selon l’étude, « la police interfère régulièrement avec les efforts des consommateurs qui cherchent des soins en harcelant les clients en dehors des centres de traitement et en utilisant la détention de seringues stériles ou la présence dans une clinique de méthadone, comme éléments à charge de consommation de drogues ».

Patrick Brenny, le coordinateur pays du Programme commun des Nations Unies sur le sida, ONUSIDA, en Thaïlande, a indiqué que les organisations internationales, y compris la sienne, avaient exprimé leur inquiétude à propos de l’inadéquation des programmes de prévention et de traitement pour les consommateurs de drogues aux autorités, qui avaient reconnu ces manquements.

Agir rapidement

Des responsables thaïs ont admis que la prévalence du VIH parmi les utilisateurs de drogues s’était « maintenue à un niveau inacceptable » et que le pays devait « agir rapidement » pour remédier à ces faiblesses en élargissant les services de prévention et de traitement ciblant les citoyens dépendants des drogues, a noté l’étude.

Mais les choses n’ont pas beaucoup changé. « Les discours officiels sont toujours ‘oui, oui, oui, nous sommes d’accord’ mais l’action ne suit pas nécessairement », a dit M. Brenny. « Ils parlent, mais maintenant, il faut que ces paroles soient aussi suivies d’actes ».

Le gouvernement a commencé à lever certains obstacles dans l’accès au traitement médical : en 2004, une politique qui permettait d’exclure les utilisateurs de drogues du programme national de traitement a été révisée.

Cependant, l’étude a découvert qu’en particulier en dehors de Bangkok, les utilisateurs de drogues étaient toujours confrontés à « de sérieux obstacles pour obtenir des soins », y compris la discrimination par les travailleurs sanitaires, qui leur refusaient souvent des traitements –même s’il y avait des programmes de méthadone- en se fondant sur leur conviction que ces patients étaient « peu fiables ».

En même temps, des professionnels de la santé se sont plaints qu’ils n’avaient pas reçu assez d’information ou de formation sur la manière dont les ARV pouvaient interagir avec de la méthadone ou des drogues illicites, a souligné l’étude.

Des travailleurs de la santé, réticents à l’idée de fournir des informations aux autorités sur un patient consommant des drogues, pratiquent une politique de « ne pas demander, ne pas dire », lorsqu’ils fournissent des ARV à des patients qu’ils soupçonnent être des consommateurs de drogue.

ak/oa/he/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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