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Echec d'un essai clinique sur un microbicide

C’est par un appel téléphonique que le docteur Roshini Govinden a été mise au courant d’un sérieux coup porté cette année à la recherche sur les microbicides. L’essai clinique qu’elle dirigeait –dans la province du KwaZulu-Natal, sur la côte est du pays – devait être interrompu après que les résultats eurent démontré qu’il pouvait augmenter les risques d’infection au VIH.

Lorsque des essais cliniques sont menés sur un produit censé protéger les femmes contre une infection au VIH, le scénario idéal voudrait que ces essais soient concluants dès le départ, qu’ils ne présentent aucun risque pour la santé des participantes et qu’ils soient efficaces le plus rapidement possible, les femmes étant bien plus exposées à un risque d’infection que les hommes.

Mais la réalité se révèle bien plus complexe. La recherche d’un microbicide efficace –qui pourrait se présenter sous forme de gel, film ou éponge– pouvant prévenir la transmission du VIH ou d’autres maladies sexuellement transmissibles, a été un processus long et peu concluant.

En 2000, de nombreux tests avaient démontré que le spermicide nonoxynol-9, vendu sans ordonnance et considéré comme un microbicide potentiel, s’était révélé dangereux en ce sens qu’il augmentait les risques d’infection au VIH chez certaines femmes participant à l’étude.

Sept ans plus tard, la recherche sur le microbicide connaissait un nouveau revers lorsque CONRAD, un organisme américain de recherche en santé génésique, a annoncé l’interruption prématurée des essais cliniques d’un gel microbicide à base de sulfate de cellulose, après la révélation par le comité de suivi des données et de la tolérance de l’étude d’un nombre plus important d’infections au sein du groupe actif, par rapport au groupe placébo.

La déception avait été grande et inattendue, d’autant plus que les données des essais précliniques du gel microbicide ne laissaient entrevoir aucun risque potentiel ; seuls quelques effets secondaires négligeables étaient constatés lors de l’application du produit dans le vagin, mais ces effets semblaient être bien tolérés par les femmes.

CONRAD avait mené ces essais au Bénin (Afrique de l’Ouest), en Inde, en Afrique du Sud et en Ouganda. Au Nigeria, les essais menés par Family Health International, un organisme américain, sur des produits à base de sulfate de cellulose avaient eux aussi été interrompus suite aux conclusions de CONRAD.

Mme Govinden, directrice de recherche de l’étude sud-africaine, et le docteur Gita Ramjee, directrice de l’Unité de prévention sur le VIH/SIDA au Medical Research Council (MRC) et responsable des essais cliniques, s’étaient retrouvées au cœur d’une vive polémique lorsque la presse les avait accusées d’avoir utilisé les participantes comme des cobayes en les encourageant à avoir des rapports sexuels non protégés avec des hommes rencontrés dans des bars.

Près de 10 mois après l’arrêt des essais, Mme Govinden est encore sous le choc de ces allégations qui laissaient croire que les essais cliniques avaient été menés sans aucune préoccupation éthique. « Cela m’a beaucoup affectée … ça a été très difficile ».

Que s’est-il passé ?

En juillet 2007, le docteur Lut Van Damne, directeur de recherche des essais cliniques menés par CONRAD, a affirmé aux délégués présents à la quatrième Conférence de l’International AIDS society sur la pathogenèse, le traitement et la prévention du VIH/SIDA à Sydney en Australie, que les raisons de l’augmentation significative des nouveaux cas d’infections au VIH, suite aux essais sur le gel microbicide à base de sulfate de cellulose, n’étaient pas totalement claires.

Les raisons de l’augmentation significative des nouveaux cas d’infections au VIH, suite aux essais sur le gel microbicide à base de sulfate de cellulose, n’étaient pas totalement claires.
Selon M. Van Damne, les réactions inflammatoires ou les irritations des muqueuses vaginales dues à une utilisation fréquente du sulfate de cellulose pourraient expliquer cet accroissement des risques d’infection au VIH chez les femmes. CONRAD mène actuellement d’autres tests pour trouver une explication scientifique satisfaisante aux nombreux cas de séroconversion (infection au VIH) constatés dans le groupe de femmes ayant utilisé le gel microbicide à base de sulfate de cellulose.

L’un des principaux problèmes de la recherche en matière de microbicide est que le seul moyen de tester l’efficacité du produit est de prendre comme critère le nombre de nouveaux cas d’infection au VIH.

L’efficacité d’un traitement est la plupart du temps évaluée à partir de marqueurs indirects tels que la charge virale (la quantité de VIH dans le sang) et le taux de CD4 (l’état de résistance du système immunitaire du malade), qui permettent d’étudier l’évolution de la maladie et par là-même l’efficacité du traitement. Grâce à ces marqueurs, les chercheurs peuvent établir un diagnostic avant l’apparition de maladies opportunistes ou le décès du patient.

Quant aux essais relatifs à la prévention au VIH, ils doivent impliquer un nombre important de femmes de milieux défavorisés, exposées elles aussi aux risques d’infection au VIH. Les chercheurs les placent alors dans un groupe placebo et attendent ce que tout le monde veut finalement éviter : que quelques-unes d’entre elles se retrouvent infectées par le VIH.

Dans tous les tests de prévention, certaines participantes risquent d’être infectées –indépendamment de toute intervention– et faire comprendre cela à l’opinion publique n’est pas chose aisée, a indiqué. Mme Govinden.

« Notre but n’est pas de rendre les gens séropositifs, ou encore d’augmenter les risques d’infection ; nous nous assurons que toutes les participantes sont conseillées et bien informées, qu’elles ont des préservatifs en quantité suffisante et qu’elles disposent d’autres moyens de prévention », a-t-elle indiqué à IRIN/PlusNews.

Les différents écueils

Une semaine après l’annonce de CONRAD, l’opinion publique a été scandalisée par le battage médiatique fait autour des essais cliniques et la ministre de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang, a diligenté une enquête sur ces essais auxquels avaient participé un peu plus de 600 femmes de la province du KwaZulu-Natal.

« Ce qui rend le problème encore plus pénible, c’est que les personnes interrogées [dans l’article] n’avaient même pas participé à nos essais – même pas à un seul des essais que nous avions eu à réaliser […] C’était tout simplement de la diffamation et de la désinformation », a commenté Mme Govinden.

Ce qui est déplorable, a-t-elle ajouté, c’est que le ministère de la Santé et le comité consultatif national d’éthique « ont choisi de croire » la version des médias, malgré toutes les évidentes aberrations ; le ministère de la Santé avait été informé régulièrement des résultats de nos essais et de leur interruption avant que la nouvelle ne soit rendue publique.

« En tant que directrice de recherche du site de Durban, vous pouvez penser que je ne suis pas objective, mais je peux vous assurer que les essais ont été menés de la meilleure manière possible », a-t-elle souligné.

Néanmoins, il est toujours possible d’apporter des améliorations. Dans un rapport portant sur l’interruption des essais cliniques menés en Afrique du Sud, Mmes Govinden et Ramjee ont suggéré que des réunions trimestrielles entre le ministère de la Santé, les différents organes gouvernementaux et les chercheurs « soient organisées plus souvent », car la fréquence de ces réunions « était nettement insuffisante ».


Photo: IRIN
Tout le travail réalisé par les ONG pour mobiliser les communautés et les inciter à participer à des essais cliniques est désormais réduit à néant.

Le volet éthique des essais cliniques doit être renforcé également afin que les résultats des essais ne suscitent « aucun doute », s’ils étaient « contraires aux attentes ». Selon le rapport, de nombreux organes de contrôle approuvent les essais cliniques, mais ne font pas assez de visites de site parce qu’ils manquent de personnel.

A en croire Ntokozo Madlala, un conseiller du Forum Genre et sida, une organisation non-gouvernementale qui contrôle les essais cliniques des microbicides en Afrique du Sud, « ils [le MRC] ont effectué un travail remarquable en nous communiquant les résultats des essais cliniques et en assurant le suivi des participantes », mais ils ont sous-estimé le pouvoir des médias et n’ont pas collaboré assez étroitement avec les conseillers communautaires.

De nombreux Sud-africains ont pensé que les accusations de la presse pouvaient être fondées car elles semblaient conforter de vieilles suspicions sur la médecine occidentale ; malgré le souci de voir les vrais résultats de ces essais cliniques publiés, l’opinion publique est bien plus réceptive aux informations sensationnelles.

« Je pense que la plus grande leçon que nous devons retenir des essais cliniques du gel microbicide à base de sulfate de cellulose est que lorsqu’on s’embarque dans une recherche aussi importante, les communautés, les médias, les chercheurs et la population impliqués doivent s’attendre à tout », a indiqué le docteur Khatijah Ahmed, directrice de recherche sur les essais du gel microbicide ‘Carraguard’, en Afrique du Sud, menés par Population Council, une organisation à but non lucratif.

Recoller les morceaux

Après les dégâts causés par la mauvaise publicité faite à l’interruption des essais cliniques, tout le travail réalisé par les organisations pour mobiliser les communautés et les inciter à participer à des essais cliniques est désormais réduit à néant.

« Il est très important que les gens soient éduqués, en particulier la presse […] L’interruption des essais a été une déception, mais la plus grande déception a été la manière dont la presse a couvert l’événement », a indiqué Mme Ahmed dont les résultats des essais devraient être publiés à la fin de l’année. Pour elle, il « sera très dur » de remobiliser les communautés autour d’essais cliniques sur les microbicides.

Selon Mme Govinden, de nombreux membres des communautés avec lesquelles elle travaillait avaient la fausse impression que le ministère de la Santé avait demandé l’arrêt des essais sur les microbicides, et pensaient même que le gel même était infecté par le VIH.

Nomusa (nom d’emprunt), 33 ans, une participante aux essais sur le gel microbicide à base de sulfate de cellulose a terminé en novembre 2006 ses 12 mois d’essais cliniques. Educatrice, Nomusa qui a recruté de nombreuses femmes pour ces essais, a indiqué qu’elle était souvent arrêtée dans la rue et qu’on lui demandait d’expliquer pourquoi elle avait convaincu tant de femmes d'utiliser « un gel contenant le VIH ».

Cette mère de quatre enfants a dit à IRIN/PlusNews qu’elle n’inciterait plus aucune autre femme à participer à des essais sur les microbicides, car il serait trop difficile de les motiver à nouveau pour qu’elles y participent. « Les gens me demandent toujours si je vais bien, ils pensent que j’ai attrapé le virus […] ils ne me croient pas, ils croient encore ce que les journaux disent ».

kn/he/jk/sm/ads/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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