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Penser aux coûts invisibles du sida

Lorsque Wilfried Allogni, économiste à l’Institut international d’agriculture tropicale, IITA, à Cotonou, au Bénin, pense au poids des coûts non chiffrés des ravages de l'épidémie de VIH/SIDA sur les personnes infectées et sur leurs ressources, notamment en milieu rural, il en a presque le vertige.

« Pour être efficient dans la détermination des coûts réels du sida, il faut tenir compte des coûts d’opportunités », a-t-il analysé, lors de la conférence « De la recherche à l’action : réduire l’impact du VIH/SIDA sur l’agriculture et la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest », organisée du 1 au 4 octobre à Cotonou, au Bénin.

Les coûts d’opportunités, ce sont entre autres les pertes de temps, la durée de la maladie, le nombre de personnes mobilisées autour du malade, les pertes de revenus en temps normal des personnes mobilisées et celles du malade.

« Une caractéristique de la maladie du sida est qu’elle tue lentement mais sûrement son hôte en épuisant tout le stock économique de ce dernier » a souligné Bénoît Daoundo, coordonnateur sida de IFAD-ONG au Bénin, une ONG qui lutte pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA.

Or « les politiques ne tiennent pas encore compte de ces coûts, ce qui peut fausser les résultats en ce qui concerne les impacts réels de la maladie au niveau de l’individu, du ménage, du village et de son pays », a regretté M. Allogni, alors que « l’intégration des coûts indirects [permettrait] aux gestionnaires des ONG et autres structures travaillant sur le VIH/SIDA de cerner les coûts réels et de mesurer la portée des actions à entreprendre ».

Dans certaines communes du département du Couffo, dans le sud-ouest du Bénin, les taux de prévalence dépassent près de sept fois la moyenne nationale qui tourne autour de deux pour cent, et 95 pour cent de la population vit de l’agriculture.

Dans la mesure où 85 pour cent des personnes vivant avec le VIH/SIDA au Bénin sont âgés entre 15 et 49 ans, ce sont donc les forces productives qui disparaissent, entraînant une baisse de la productivité déjà insuffisante pour nourrir une population toujours plus importante –les coûts indirects sont donc particulièrement ressentis dans les secteurs qui nécessitent une forte main d’oeuvre, comme l’agriculture.

« En attaquant une personne productive, le sida amène les autres membres de la famille à délaisser leur travail pour s’occuper des soins au malade, puis à pleurer sa mort et à observer les rites d’enterrement et de veuvage qui durent plusieurs mois, voire des années dans ce département, privant l’agriculture d’une partie de la main d’œuvre », a rappelé un rapport de IFAD-ONG, qui travaille avec les agriculteurs de Couffo.

Les coûts indirects sont « plus élevés que les coûts directs », a estimé M. Allogni.

Ces coûts sont parfois tellement lourds que le malade doit trouver des solutions, même désastreuses pour sa santé, pour les limiter, comme dans le cas des frais engagés par les patients pour se déplacer jusqu’au centre de traitement, souvent éloigné lorsque le malade vient d’une région rurale isolée.

« En 2005, nous avons acheté des [bicyclettes] pour des associations de personnes vivant avec le VIH, car nous avons constaté que des malades au retour de l’hôpital allaient parfois vendre les vivres qu’on leur avait donnés, afin d’honorer des dettes contractées pour assurer le déplacement », a expliqué M. Daoundo.

Il faudrait que « les partenaires mettent désormais l’accent sur les coûts indirects en termes de traitement [du VIH/SIDA] et de lutte contre les effets socio-économiques de la maladie, en prenant en compte toutes les dimensions », a-t-il plaidé.

En Côte d’Ivoire Aman Marie Louise, point focal VIH au Centre national de recherche agronomique à Abidjan, la capitale économique, a également regretté l’absence de prise en compte des coûts indirects dans les politiques de lutte contre le sida jusque là mises en oeuvre.

« Je pense que ces coûts sont plus élevés qu’on ne le pense. Il faudrait réussir à les quantifier », a-t-elle affirmé.

Cette insuffisance est remarquée dans beaucoup de pays. Des travaux réalisés par des chercheurs de l’IITA dans une dizaine de pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre permettent actuellement de mettre en route une approche devant conduire à une évaluation économique des effets du VIH/SIDA sur les ménages.

« Il suffit de considérer l’activité menée par l’individu, soit le malade ou le garde-malade dans le milieu. On évalue le coût de l’activité menée... ce qui permet de dégager de façon estimative... les coûts indirects », a expliqué M. Allogni.

Le défi est d’arriver à apprécier les niveaux d’importance de ces coûts dans le manque à gagner général dû à l’épidémie, pour pouvoir orienter les politiques, a-t-il estimé.

L’évaluation du coût réel de l’épidémie de VIH/SIDA est une question que se pose souvent les économistes, et qui suscite des débats. Mais s’en tenir à une évaluation chiffrée risquerait de passer sous silence des « coûts » qui ne sont pas quantifiables, a analysé Abdou Ibrahima, conseiller technique Sida à la GTZ, l’agence de coopération allemande, au Bénin.

Par exemple, il est « difficile d’évaluer vraiment ces coûts lorsque la personne ne mène aucune activité avant sa maladie », a-t-il noté. « Les coûts indirects entrent dans les coûts sociaux qui sont majoritairement psychologiques. On tomberait dans la spéculation si on se mettait à les évaluer ».

gc/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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