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Bibles et préservatifs

En Zambie, toutes les chambres d’hôtel disposent de deux exemplaires de la Bible, en revanche, on y trouve rarement des préservatifs ou des distributeurs de préservatifs, alors que bon nombre de ces établissements accueillent des professionnels du sexe et leurs clients.

Près d’une personne sexuellement active sur cinq, soit 1,6 million de Zambiens sur les 10 millions que compte le pays, sont porteurs du VIH/SIDA. Selon les responsables de la santé, tout comme les bibles, des préservatifs devraient être distribués gratuitement dans les hôtels et autres lieux d’hébergement publics.

Cette initiative risque certainement de se heurter à une forte opposition dans ce pays largement conservateur, où la sexualité demeure un sujet tabou et où plus de 80 pour cent des habitants affirment être des chrétiens pratiquants, ou du moins intégrer des aspects du christianisme dans leurs pratiques religieuses africaines.

« Nous exhortons le gouvernement à élaborer une politique visant à obliger tous les hôtels du pays à mettre gratuitement à la disposition de leurs clients des préservatifs, comme ils le font déjà avec les bibles », a dit Nkandu Luo, consultant en matière de VIH/SIDA et ancien ministre de la Santé.

Cette initiative « doit être considérée à la fois comme une politique et une mesure de prévention. En outre, les établissements ne se conformant pas à cette nouvelle politique ne doivent pas obtenir de permis d’exploitation. Nous avons trop tardé et le temps est venu de faire appliquer cette mesure », a-t-il ajouté.

« Je rencontre beaucoup de professionnels du sexe et tous s’accordent à dire qu’ils ne travaillent pas toujours au domicile de leurs clients et qu’ils finissent dans des hôtels. En conséquence, si des préservatifs étaient disponibles dans ces établissements, les individus seraient encouragés à avoir des rapports sexuels à moindre risque », a estimé M. Luo.

Au début des années 90, l’ancien président de la Zambie, Frederick Chiluba, a déclaré la Zambie une « nation chrétienne ». Depuis, la promotion des préservatifs comme moyen efficace de lutter contre le VIH/SIDA s’est heurtée à l’opposition du gouvernement.

Lorsqu’il était en fonction, Godfrey Miyanda, le vice-président de M. Chiluba, avait interdit tout spot publicitaire sur le préservatif à la télévision. Bien que de nombreux leaders religieux considèrent désormais les préservatifs comme un outil de prévention contre la propagation de l’épidémie, ces derniers sont toujours associés à des pratiques sexuelles illégales, « commerciales » et « publicitaires ».

« Il est immoral, mais également impie, de proposer que les lieux publics, qui plus est des hôtels, deviennent des dépotoirs à préservatifs. Cela revient à dire : ‘Voici une arme qui protège votre vie physique, utilisez-la pour pécher contre le Seigneur et pour détruire votre vie spirituelle’ », s’est insurgé Peter Chisanga, pasteur à l’Eglise évangélique Calvary Highway, à Lusaka, la capitale.

« Nous devons enseigner aux individus que seul le Seigneur peut sauver la vie des gens et protéger contre le VIH, et non un préservatif. Dieu attend une chose de nous, il nous demande de ne commettre aucun péché, nous devons donc pratiquer l’abstinence pour la grâce de Dieu », a-t-il poursuivi.

Le sida, un « jugement de Dieu sur la perversion sexuelle »

De nombreuses brochures religieuses, souvent imprimées par des organisations chrétiennes basées aux Etats-Unis, sont distribuées dans les hôtels en Zambie.

Par exemple, dans un hôtel de Lusaka, un correspondant d’IRIN a récemment trouvé un dépliant, sur la table de nuit, sur lequel était écrit : « Le sida est un jugement de Dieu sur la perversion sexuelle » et « Tout comme il n’a pas permis aux villes de Sodome et Gomorrhe de s’en sortir, Dieu ne sauvera ni l’Amérique, ni les autres nations. »

Malgré l’importante opposition des mouvements religieux à l’encontre de la promotion du préservatif, le gouvernement du président Levy Mwanawasa a reconnu que les Zambiens négligeaient l’usage du préservatif et qu’il était nécessaire que la situation change.

« Peu de gens utilisent des préservatifs, notamment des préservatifs féminins... De toute évidence, une plus grande promotion de ce moyen de protection est nécessaire », a déclaré récemment Lwipa Puma, vice-ministre de la Santé, aux media locaux.

Clementine Mumba, porte-parole de Treatment and Advocacy Literacy Campaign, un groupe engagé dans la prévention du VIH/SIDA, a rappelé que la promotion du préservatif comme outil immoral avait entravé la lutte nationale contre l’épidémie.

« Des Zambiens meurent, et d’autres mourront tant que nous ne changerons pas nos attitudes à l’égard de la sexualité. Ne nous voilons pas la face, nous lisons tous la Bible en tant que chrétiens, mais il est également vrai que des gens se rendent dans les hôtels pour différentes raisons – certains y vont pour avoir des rapports sexuels », a-t-elle dit à IRIN.

« Si [les propriétaires d’hôtel] ne peuvent distribuer des préservatifs dans les chambres, il doit y avoir un moyen pour que les clients puissent s’en procurer dans les salles de bains ou les toilettes, car nous en avons besoin pour notre survie », a plaidé Mme Mumba, qui vit avec le virus depuis cinq ans.

Sylvia Eneke, de l’Association des hôteliers et des restaurateurs de Zambie qui regroupe les propriétaires d’hôtels et d’autres membres de l’industrie du tourisme d’accueil, a expliqué que les mesures visant à assurer un plus grand accès aux préservatifs dans les établissement avaient été entravées par un manque de préservatifs gratuits.

« Il n’existe aucune politique visant à obliger nos établissements à distribuer des préservatifs », a-t-elle reconnu. « Cependant, nous avons conscience que cela est devenu nécessaire, et certains de nos membres ont en effet déjà commencé à distribuer des préservatifs, dans tous les bars publics, contre une petite contribution. Le problème est que rares sont les organisations qui veulent bien fournir gratuitement des préservatifs et que beaucoup de clients ont des exigences en matière de préservatifs ».

nm/go/he/cd/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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