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Une bonne alimentation ne peut remplacer le traitement ARV

D’après un récent rapport, il n’existe aucune étude prouvant qu’une bonne alimentation peut remplacer un traitement antirétroviral (ARV). Ces conclusions pourraient sembler banales partout ailleurs dans le monde, sauf en Afrique du Sud où la question de l’alimentation a été biaisée par un débat regrettable tendant à la proposer comme alternative à ce traitement.

Les déclarations de la ministre de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang, laissant croire que la consommation d’ail, de betteraves et d'huile d’olive pouvait retarder la prise d’ARV, a créé une grande confusion dans ce pays qui compte le plus grand nombre de séropositifs au monde.

Un panel pluridisciplinaire composé de 15 membres de l’Académie des sciences d’Afrique du Sud (ASSAf), un corps statutaire indépendant considéré comme l’académie nationale des sciences du pays, a passé près de deux ans à analyser quelque 2 000 études sur le rôle de l’alimentation dans les pandémies du VIH et de la tuberculose (TB).

Après avoir consulté de nombreux documents scientifiques, et fort d’une longue expérience pratique dans le domaine, le panel est arrivé à la même conclusion sur le rôle de l’alimentation. En outre, il a passé en revue toutes les directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du ministère sud-africain de la Santé et de l’Association des cliniciens du VIH/SIDA d’Afrique du Sud pour voir dans quelle mesure ces directives correspondaient à des faits scientifiques.

Le rapport a donc conclu qu’aucune preuve scientifique ne peut soutenir l’affirmation selon laquelle seule une bonne alimentation peut permettre de guérir du sida ou de la tuberculose – à plus forte raison juguler ces pandémies. D’ailleurs, ces affirmations avaient amené de nombreux Sud-africains à douter des grands engagements en faveur de l’accès aux ARV et de leur distribution à l’échelle nationale.

« Ni la pauvreté, ni la malnutrition ne sont la cause du VIH ou de la TB », a affirmé le professeur Este Vorster, membre du panel et directeur du Centre africain de recherche transdisciplinaire en santé publique (Africa Unit for Transdisciplinary Health Research, en anglais) à l’Université de NorthWest.

« Lorsque vous avez été testé positif et que vous connaissez votre statut sérologique, il faut savoir qu’aucun complément alimentaire ne peut remplacer une alimentation saine, mais aussi qu’une alimentation saine ne peut remplacer un traitement ARV ».

De nombreuses études ont montré une amélioration de l’état de santé des patients séropositifs qui avaient une bonne alimentation et étaient sous traitement ARV. Par exemple, la prise de macronutriments comme les hydrates de carbone, les lipides et les protéines sont de très bons indicateurs de l’évolution du sida chez les personnes séropositives suivant un traitement ARV, a indiqué Jimmy Volmink, un clinicien-chercheur à l’Université de Stellenbosch ; mais les études sur le rôle de l’alimentation dans le traitement du VIH et la TB sont rares.

Parmi les quelques études disponibles, M. Volmink a noté que la plupart d’entre elles avaient été réalisées dans des pays à hauts revenus, où la population était généralement mieux nourrie et mieux soignée. Aussi, il convient de se demander si les résultats de ces études sont applicables dans des pays à faibles revenus ou même dans des pays comme l’Afrique du Sud, où la situation socio-économique est très complexe.

« Nous sommes peut-être un pays, mais nous ne sommes pas encore une nation », a fait observer M. Volmink. « Il faut tenir compte des disparités entre nantis et pauvres, et voir ce qui est applicable dans certains contextes spécifiques ».

« Personne n'a envie d'être maladroit et de critiquer la tradition de la  majorité de la population. Il est donc très difficile de réglementer une pratique traditionnelle à laquelle la majorité des gens croient »
Outre le fait qu’il a mis en évidence l’absence d’étude sur l’alimentation, en Afrique du Sud, le rapport a souligné la confusion à propos du rôle de l’alimentation dans le traitement du VIH, une confusion exacerbée par un double système de réglementation des médicaments qui soumettent les médicaments ‘occidentaux à des contrôles plus rigoureux que les médicaments alternatifs tels que les produits censés renforcer le système immunitaire ou les compléments alimentaires.

« Lorsque vous concoctez un produit, le mettez en bouteille et le vendez à 300 rands, il n’est jamais contrôlé », a fait observer Wieland Gevers, directeur exécutif de l’ASSAf et membre du panel.

En conséquence, les personnes séropositives, les familles, les agents de soins à domicile et les membres des communautés étaient non seulement confus à propos de l’efficacité des médicaments et de l’alimentation, et des rôles qu’ils jouaient dans le traitement du VIH, mais ils doutaient aussi de leurs médecins et des traitements qu’ils prescrivaient, a noté le rapport.

L’instauration d’un double système de réglementation trouve son explication dans la différence entre la pratique médicale occidentale, avec toute la rigueur scientifique des tests, et la médecine traditionnelle appuyée par une politique très ancrée dans la culture sud-africaine.

« Dans la médecine traditionnelle, l’approche est différente : c’est une sorte de transmission de la sagesse. En un mot, l’expérience par la pratique », a indiqué M. Gevers. « Les tradipraticiens pensent que la guérison du patient repose en partie sur la foi que ce dernier a dans le pouvoir mystique du remède qui lui est administré, ce qui est très difficile à vérifier dans une étude rationnelle et contrôlée ».

« De même, il faut tenir compte des conditions particulières des transitions historiques », a-t-il ajouté. « Personne n'a envie d'être maladroit et de critiquer la tradition de la majorité de la population. Par exemple, 80 pour cent des Sud-africains consultent systématiquement un tradipraticien ; il est donc très difficile de réglementer une pratique traditionnelle à laquelle la majorité des gens croient  », a précisé M. Gevers.

Bien que le rapport ne porte pas sur la réglementation de la médecine traditionnelle par rapport à la médecine occidentale, il souligne cependant la nécessité d’un meilleur contrôle des médecines dites ‘traditionnelles’ ou ‘alternatives’, et une meilleure information pour les personnes qui y ont recours. Pour M. Gevers, le ministère de la Santé et le Conseil de la recherche médicale sont engagés dans cette voie.

Ce rapport a été publié à un moment difficile pour Mme Tshabalala-Msimang et son ministère. En effet, la vice-ministre de la Santé, Nozizwe Madlala-Routledge, qui avait été limogée moins de deux semaines auparavant, avait elle aussi eu quelques accrochages avec sa ministre de tutelle à propos de questions liées à l’alimentation, aux ARV et aux autres problèmes de santé publique qui touchent le pays.

« Je tiens à préciser que le rapport n’a rien à voir avec ces querelles politiques ; c’était un projet indépendant », a affirmé M. Gevers, soulignant que la date de publication du rapport de l’ASSAf n’était qu’une simple coïncidence.

« Nous avons estimé que ce rapport était nécessaire ; dans le domaine très controversé de l’alimentation, tout le monde peut se dire expert, encore faudrait-il être sûr de ces sources ».

L’OMS, le ministère sud-africain de la Santé et l’Association des cliniciens du VIH/SIDA d’Afrique du Sud, dont les directives ont été examinées, n’ont pour l’instant fait aucun commentaire, mais à en croire l’ASSAf, il est encore trop tôt pour avoir une réponse de ces instances.

Mme Tshabalala-Msimang a, pour sa part, déjà reçu une copie de ce rapport.

«Le ministère de la Santé a probablement d’autres priorités actuellement, mais nous espérons faire une présentation détaillé de ce rapport pour voir dans quelle mesure nous pouvons lier les travaux de nos recherches aux interventions actuelles », a conclu M. Gevers.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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