1. Accueil
  2. Southern Africa
  3. South Africa

Les remèdes non prouvés contre le sida, un marché lucratif

« Renforcez votre système immunitaire » proclame un grand panneau publicitaire dans la devanture d’une pharmacie du centre ville de Johannesburg, en Afrique du Sud. Le produit, Qina, se vend à 120 rands [17 dollars], dans des bouteilles dont l’étiquette indique « prouvé scientifiquement ». Le VIH/SIDA figure en haut de la liste des maladies que ce produit affirme soulager.

« Non seulement le Qina peut empêcher quelqu’un de développer le sida, mais les patients avec un très faible taux de CD4 [qui évalue la résistance du système immunitaire] et une charge virale élevée [la quantité de virus dans le sang] connaîtront une amélioration presque immédiate de leur état, avec une réduction des nausées et des diarrhées, une hausse de l’énergie et de l’appétit et un taux de [CD4] qui continuera à augmenter longtemps, assurant ainsi une qualité de vie normale », clament les prospectus disponibles dans trois langues et sur un site internet.

Chris Vorster, qui s’est autoproclamé chercheur scientifique et qui a créé Qina, soutient qu’il a trouvé un traitement efficace et non toxique contre le VIH/SIDA.

« Cela marche » a-t-il affirmé à IRIN/PlusNews, « Nous utilisons quatre différents extraits de plantes afin d’obtenir un mélange spécifique qui amplifie la réponse immunitaire naturelle du corps ».

Après avoir cité des études sur les effets secondaires que certains patients subissent à cause des médicaments antirétroviraux (ARV), M. Vorster a dit que la Qina n’avait aucun effet comparable.

« Je n’ai jamais encouragé les gens à arrêter les antirétroviraux » a-t-il dit, « Mais s’il s’agissait de moi, je ne toucherais pas à un ARV même si on me le donnait gratuitement ».

Les ARV sont disponibles gratuitement en Afrique du Sud, mais selon le pasteur Abel Govendar, secrétaire du Forum des pasteurs africains, qui représente un réseau d’églises indépendantes, il n’y a pas à chercher longtemps pour savoir pourquoi une personne séropositive dépenserait de l’argent à acheter une bouteille de Qina à la place.

« Je pense qu’il y a un manque d’information sur les ARV » a dit M Govendar, qui donne le produit de M. Vorster aux enfants de l’orphelinat dans lequel il travaille à Johannesbourg. « Si vous allez dans les régions rurales les gens ne savent pas ce que sont les ARV, ils vont plutôt prendre du Qina qui est mieux connu ».

« Ce n’est pas un bon système»

Tant que le gouvernement ne fera pas plus pour éduquer les gens sur le traitement ARV, a-t-il ajouté, « il ne doit pas s’opposer à ce que d’autres produits viennent faire de la compétition aux ARV ».

L’entreprise de M. Vorster, Phend Pharmaceutiques, n’est pas une compagnie pharmaceutique enregistrée, elle n’est pas non plus membre de l’Association des produits de santé, une association qui réunit des membres de l’industrie des médecines complémentaires, mais M. Vorster a affirmé que le Qina était enregistré auprès du Conseil de contrôle des médecines (MCC) comme médecine complémentaire.

Le label ‘complémentaire’ l’a dispensé d’avoir à fournir des preuves scientifiques de l’efficacité du Qina, mais il a justifié l’indication « scientifiquement prouvé » sur la bouteille en citant des essais cliniques qui auraient été conduits au Brésil, en Argentine et en Espagne.

« Malheureusement, ils n’ont pas de valeur en Afrique du Sud », a-t-il dit, ajoutant que les autres essais « probants » avaient été conduits sur des enfants de l’orphelinat du Pasteur Govendar avec l’aide de deux autres organisations non gouvernementales à Johannesbourg.

M. Vorster a en même temps estimé que le processus d’enregistrement des médecines complémentaires en Afrique du sud n’était « pas un bon système ».

« Nous sommes en compétition avec une multitude de produits qui ne devraient pas être en rayon » a-t-il dit. « Et l’homme de la rue n’en sait rien du tout ».

M. Govendar a dit ne pas être inquiet du manque de preuves scientifiques des résultats promis par le Qina.

« Nous avons observé des résultats positifs et c’est pour cela que nous croyons en ce produit », a-t-il affirmé.

Il a parlé d’un garçon séropositif de l’orphelinat qui était resté malade malgré un traitement ARV. Selon lui, son état de santé s’était considérablement amélioré au bout de deux mois de prise de Qina. « Au bout de trois mois, nous avons mis fin à son traitement ARV », a dit M. Govendar.

La visite à l’orphelinat n’a rien donné, les enfants étaient tous absents, apparemment partis passés les vacances scolaires avec des membres de leur famille. Une affiche publicitaire pour le Qina pendait sur la porte d’entrée.

Lutter pour des pratiques éthiques

M. Vorster a reconnu que les tentatives de distribution du Qina dans les cliniques s’étaient soldées par des échecs, mais que depuis qu’ils avaient commencé à en vendre dans des points de vente au détail en septembre dernier, 7 000 personnes environ en avaient acheté chaque mois.

Ce chiffre pourrait augmenter bientôt si les projets de M. Govendar, qui consistent à l’utiliser comme une source de revenus pour les pasteurs en difficulté, était réalisé.

« Nous avons un problème en ce qui concerne les financements réguliers, et avec le Qina tout le monde est gagnant » a-t-il expliqué. « Nous [le forum des pasteurs africains] pouvons nous en procurer à un très bon prix auprès des manufactures, et ensuite ils [les pasteurs] ajoutent 10 ou 15 pour cent au prix, devenant ainsi des distributeurs dans leurs zones et l’argent sert à leur subsistance ».

Mandisa Hela, greffière pour le MCC, a dit ne jamais avoir entendu parler du Qina, ajoutant que les inspecteurs du Conseil enquêtaient sur toutes les affirmations des manufactures qui n’étaient pas corroborées.

Nathan Geffen, de la Treatment action campaign, un groupe influent de lutte contre le sida, a dit que son organisation avait envoyé une plainte concernant les remèdes non testés contre le sida huit mois plus tôt et que le MCC n’avait pas agi.

Le professeur Nicoli Nattrass, directrice de l’unité de recherche sur la société et sur le sida de l’Université de la ville du Cap, dans le sud du pays, a estimé que le MCC avait été « privé des ressources dont il a besoin pour bien fonctionner ».

Mme Nattrass et M. Geffen font partie d’une coalition informelle de médecins, de militants contre le sida et d’universitaires, qui sont inquiets de ce qu’elle appelle « le nombre croissant de charlatans et d’escrocs qui semblent pouvoir opérer en tout impunité ».

« Alors que le MCC a mis fin à ce genre d’opérations dans le passé, il semble aujourd’hui incapable de donner suite aux plaintes », a-t-elle déploré.

La coalition projette de mettre en lumière les fausses affirmations et de faire pression sur le gouvernement pour qu’il fasse adopter des lois qui viseront à empêcher la promotion de pratiques médicales contraires à l’éthique.

ks/he/mj/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join