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Les petites associations contre le sida luttent pour la transparence

‘Fictive’, ‘fantôme’ ou ‘mallette’ sont quelques uns des termes qu’emploient les habitants du bas quartier Kawangware à Nairobi, la capitale kényane, pour désigner les organisations suspectes, créées soi-disant pour améliorer leurs vies, mais qui finissent le plus souvent par remplir les poches de leurs fondateurs.

Freda Njeri, surnommée Mama Joseph, anime un groupe de soutien pour les personnes vivant avec le VIH/SIDA au cœur de Kawangare. Elle a travaillé pour plusieurs organisations communautaires (CBO) et dit avoir été témoin de beaucoup de corruption.

« Certaines CBO aident peu et gardent d’importantes sommes d’argent pour elles-mêmes », a-t-elle dit.

Mme Njeri, qui est elle-même séropositive, a raconté comment le fondateur d’un des groupes pour lesquels elle a travaillé, Alice Kiragu (nom d’emprunt), a rédigé plusieurs propositions afin d’obtenir d’importantes sommes d’argent qui devaient aller aux plus de 150 personnes séropositives membres du groupe de soutien.

« Alice a reçu 350 000 shillings (5 000 dollars) du gouvernement en 2001 et 520 000 shillings (plus de 7 400 dollars) du Plan Kenya [une agence de développement] en 2004, mais les membres [du groupe de soutien] n’ont jamais vu l’argent » a dit Mme Njeri.

Quand les membres du groupe se sont finalement rendus compte que les fonds étaient détournés, Mme Kiragu avait déjà quitté Kawangware. Selon Mme Nieri, Mme Kiragu a apparemment mis en place un autre groupe de soutien aux personnes séropositives ailleurs à Nairobi.

« Détournement de fonds, mauvaise gestion, manque de bonne volonté et de transparence, faux livrets de compte ont été habituels pendant longtemps » a dit Lucky Ndugi, un travailleur social dans une autre CBO de Kawangware. « Trop souvent, nous ne savons pas comment l’argent a été utilisé. »

Depuis décembre 2006, les registres gouvernementaux de Kawangware comptent 73 groupes d’entraide, six CBO et au mois cinq grandes organisations non gouvernementales (ONG).

Le taux de prévalence du VIH au Kenya est juste en dessous des six pour cent, mais selon Hussein Bahola, un fonctionnaire au service de dépistage du VIH du centre médical Riruta de Kawangware, le taux d’infection dans le quartier pourrait être aussi élevé que 17 pour cent.

Conditions de vie misérables, surpopulation, alcoolisme, toxicomanie et des taux élevés de tuberculose et de VIH dans cette zone font de ces petites organisations un outil vital pour fournir une réponse face à l’épidémie. Leurs services vont de l’aide psychologique et la distribution de nourriture à l’aide financière et les soins à domicile.

« La plupart des personnes séropositives reçoivent une aide bénéfique de la part des groupes d’entraide, des CBO et des ONG à Kawangware » a souligné M. Ngudi.

Des contrôles inefficaces dès le début

Le nombre d’ONG au Kenya continue de s’accroître- aujourd’hui il y a environ 4 800 ONG dans le pays, alors qu’il n’y en avait que 100 en 1990 ; 40 pour cent des ONG sont basées à Nairobi.

En réponse à la multiplication des petites organisations, le gouvernement a formé deux corps pour les réguler : le Conseil national des ONG et le Comité public de coordination des ONG.

Mais tandis que les nouvelles ONG- financées par le gouvernement, par des ONG internationales ou par des bailleurs individuels- prospéraient, les mesures de contrôle strictes et les exigences de transparence et de gestion impeccable traînaient derrière.

Selon Aquilino Aciita, fonctionnaire pour le Conseil National des ONG, les abus continuent sans faiblir et de nouvelles réglementations doivent être établies.

« Nous rapportons environ 20 cas de corruption dans les ONG au Kenya par an, mais au moins 100 ne sont pas rapportés », a-t-il dit.

En 2003, quand le gouvernement a vu à quel point les abus s’étaient généralisés, il a arrêté de financer les activités des ONG et des CBO.

« Le NACC [Conseil National de lutte contre le Sida] a retiré [des fonds] parce qu’il ne parvenait pas à contrôler la destination de son argent » a dit M. Ndugi. « Il lui fallait du temps pour mettre en place un meilleur moyen de contrôle et pour rendre le système plus transparent ».

Le NACC a été créé en 1999 pour coordonner toutes les activités du pays en rapport avec le VIH/SIDA, mais a lui-même été décrédibilisé par des accusations de corruption.

En 2005, un rapport réalisé par une cellule (EMU) de la présidence pour évaluer l’efficacité du NACC a révélé un mauvais usage de fonds généralisé et un détournement de fonds. Le NACC a été accusé d’utiliser la plus grande partie des fonds des donateurs pour le fonctionnement administratif et pour les frais de personnels, alors que seulement six pour cent de la somme allaient au programme contre le sida.

Une enquête faite par l’EMU sur les ONG financées par le NACC a révélé qu’au moins la moitié de l’argent distribué était gaspillée et quelques ONG avaient été mises en place uniquement pour bénéficier des fonds du NACC.

Promesses de contrôles plus stricts

Après le rapport EMU, le gouvernement a promis d’instaurer des contrôles pour lutter contre la corruption et la mauvaise gestion de fonds, parmi lesquels la poursuite judiciaire des ONG et du personnel du NACC coupables de fraude, la surveillance des contrats et le renforcement du système de suivi et d’évaluation.


Photo: Keishamaza Rukikaire/IRIN
Le fait que quelques associations soient corrompues sème le doute dans l'esprit des bailleurs de fonds et pénalise les organisations honnêtes
La plupart des autres bailleurs de fonds ont depuis instauré des critères beaucoup plus stricts pour sélectionneur les futures ONG bénéficiaires.

« Avant c’était facile, il suffisait de créer un groupe, de l’enregistrer, de montrer un certificat, d’écrire une proposition et vous pouviez avoir accès aux fonds », a dit Timothy Kiarie, travailleur local pour une CBO à Kawangware. « Mais les donateurs sont devenus stricts de nos jours, ils veulent savoir où va leur argent ».

Aujourd’hui, des formulaires détaillés à propos d’un projet doivent être envoyés avant qu’une proposition soit examinée, et plusieurs directeurs d’ONG apprennent à rendre compte de leurs dépenses correctement ainsi qu’à accorder de l’importance à cette responsabilité.

Pour devenir membre du Consortium kényan des ONG conte le sida (KANCO), par exemple, les ONG doivent fournir « une copie du certificat d’enregistrement de l’organisation, avec une autorisation de la part du gouvernement concerné, deux lettres de références rédigées par des fonctionnaires spécialisés, ainsi que le dernier rapport de progression de l’organisation », a dit Elizaphan Ogechi, assistante au centre de financement de KANCO.

KANCO est un réseau national d’ONG, de CBO et d’organisations d’inspiration religieuse impliquées dans des activités liées au VIH/SIDA au Kenya et son directeur exécutif est membre du comité de direction du NACC.

Plus de contrôles ou de meilleurs contrôles ?

Malgré les nouveaux contrôles, de nombreuses personnes considèrent que le détournement de fonds est encore répandu et qu’il reste beaucoup à faire pour s’assurer que l’argent atteigne ses bénéficiaires.

« Il y a encore tant de tentations. Le problème principal est la pauvreté. La plupart des gens voient le secteur des ONG comme un biashara [business en Kiswahili] » a dit M. Ndugi. « Obtenir un poste dans une ONG est toujours principalement considéré comme un moyen sûr de s’assurer des revenus, même si vous restez honnêtes. »

Selon certains membres du personnel des ONG à Kawangware, même quand les fonds sont obtenus de façon légale, leur distribution est injuste- les habitants de Kawangware obtiennent une petite portion des budgets des ONG tandis que les directeurs gagnent des salaires importants, habitent de belles maisons et conduisent des véhicules tous terrains, grâce aux fonds fournis par les donneurs.

M. Kiarie a dit que surveiller et évaluer les projets qu’ils finançaient était important pour les bailleurs eux-mêmes. Des accusations de corruption n’ont servi qu’à dissuader les donateurs, causant ainsi du tort aux ONG honnêtes, a-t-il regretté.

« Au lieu de faire plus de contrôles, ils devraient faire de meilleurs contrôles ; de nos jours les bailleurs sont paranoïaques et il n’y a plus d’argent pour que nous aidions la communauté, alors qui paye la facture ? » a-t-il dit.

Le Conseil national des ONG et le Comité public de coordination des ONG estiment tous deux que de meilleures procédures administratives et légales sont nécessaires pour combattre les abus; au lieu de créer un nouveau corps administratif, qui augmenterait la bureaucratie, il faut améliorer les outils qui existent.

Des fonctionnaires du Conseil et du Comité pensent aussi que leurs tentatives pour contrôler les opérations des ONG ont été freinées par leur manque de pouvoir, car ils ne peuvent pas faire grand-chose pour pénaliser les organisations qui ne jouent pas le jeu.

« La principale fonction du Comité est d’enregistrer, de coordonner et de faciliter les opérations des ONG », a dit David Isoe, directeur du Comité de coordination des ONG. « Nous n’avons pas le pouvoir de les arrêter : la police a ce pouvoir. »

re/kr/kn/mj/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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