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« Nous tirons le diable par la queue »

Les acteurs de la lutte contre le sida au Togo pallient comme ils peuvent la suspension d’une subvention du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, en espérant pouvoir obtenir de nouveau le soutien de l’institution lors du prochain appel à proposition, en novembre.

En janvier 2006, le Fonds mondial a décidé de geler l’une de ses deux subventions VIH/SIDA, accordée au Togo en 2003 pour un montant de 14,1 millions de dollars sur trois ans, suite à l’incapacité du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), bénéficiaire principal des financements dans le pays, à rassurer l’organisme international de financement sur certaines « irrégularités » constatées dans la gestion de ces fonds.

Les irrégularités relevées par le Fonds mondial concernaient principalement la « qualité des données » qui lui avaient été fournies ainsi que des écarts de 20 pour cent entre les objectifs fixés et ceux atteints, mais pas de « maladresse ni de détournement avéré de la part [du PNUD] », a précisé en novembre à IRIN/PlusNews Rosine Coulibaly, représentante résidente du PNUD à Lomé, la capitale togolaise.

Même si le Fonds mondial, principal bailleur de la lutte contre l'épidémie au Togo, continue à soutenir les 3 280 personnes séropositives qui recevaient déjà des traitements antirétroviraux (ARV) dans le cadre de cette subvention, aucun nouveau patient n’a pu avoir accès à ces médicaments qui prolongent la vie des personnes vivant avec le VIH.

Le gel du financement a contraint les acteurs de la lutte contre le sida sur le terrain à se débrouiller comme ils peuvent pour venir en aide aux personnes dont la vie dépend de ces traitements.

« Nous tirons le diable par la queue et on s’amuse avec la vie des gens », a déploré Augustin Dokla, président du Réseau des associations de personnes vivant avec le VIH/SIDA, RAS+.

Les ONG, nationales et internationales au Togo soutiennent environ 3 000 personnes vivant avec le VIH, notamment sur le plan nutritionnel, éducatif et psychologique, mais aussi pour la distribution d’ARV.

« Aujourd’hui, nous ne pouvons plus faire de prise en charge », a dit M. Dokla, dont le réseau a bénéficié de l’appui du Fonds mondial, à hauteur de 300 millions de francs CFA (près de 620 000 dollars) jusqu’à la suspension de la subvention. « Nous ne faisons que du saupoudrage. Imaginez que nous avons un médicament pour 10 patients ! »

D’après les Nations Unies, 110 000 personnes vivent avec le VIH au Togo, qui affiche un taux de prévalence du VIH de 3,2 pour cent, et plus de 18 000 d’entre elles auraient besoin d’ARV, selon les associations.

Au total, d’après le Conseil national de lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles (CNLS/IST), moins de 6 000 personnes sont actuellement sous ARV dans ce petit pays de quelque quatre millions d’habitants, grâce au Fonds mondial, aux ONG locales et internationales et au gouvernement, ou à leurs propres frais pour plus de 1 600 d’entre eux, selon le CNLS/IST.

Certains patients se sont endettés pour commencer un traitement, dans l’espoir de voir le Fonds mondial prendre le relais, a dit M. Dokla, dont le réseau a recensé quelque 3 000 personnes en attente d’ARV.

Une prévention au ralenti

Outre la prise en charge, les acteurs de la lutte contre le sida s’inquiètent également des conséquences de la suspension du financement sur les activités de prévention du VIH/SIDA.

La deuxième subvention VIH/SIDA du Fonds mondial, d’un montant total de 30,8 millions de dollars sur cinq ans, accordée au Togo en 2005 et gérée par l’organisation américaine Population Services international, est toujours en cours. Elle finance des activités de prévention, comme la promotion du port du préservatif et du dépistage, et d’éducation en faveur du changement de comportement.

Mais les opérations financées dans le cadre de la première subvention ont dû être interrompues : les lignes vertes téléphoniques d’informations gratuites sur le VIH/SIDA, mises en place en 2005, ont ainsi été fermées, et l’approvisionnement en réactifs des centres de dépistage a été interrompu, entraînant le ralentissement des activités dans 11 des 48 centres de dépistage du pays.

En 2005, selon le CNLS/IST, plus de 49 000 personnes sont allées se faire dépister au VIH, avec un taux de prévalence moyen de 12 pour cent et d’importantes disparités selon les régions : de trois pour cent à Sokodé, dans le centre du pays, à 20 pour cent à Kpalimé, une localité située à une centaine de kilomètres au nord de Lomé. Plus de 9 700 travailleuses du sexe ont également été testées au VIH entre 2004 et 2005.

Pour tenter de maintenir malgré tout leurs activités, les associations ont essayé de faire appel à leurs autres partenaires, mais « un certain nombre [d'entre eux] ont dit qu'ils avaient déjà versé leurs contributions au Fonds mondial, donc ils ne nous versent que la moitié ou des fois le quart de leur financement précédent », s'est désolé M. Dokla.

De son côté, le gouvernement a décidé, grâce au soutien de bailleurs bilatéraux et d'agences des Nations Unies, de débloquer des fonds pour soutenir la distribution d’ARV à 700 personnes, au prix subventionné de 1 000 francs CFA (deux dollars) par mois.

Ces dernières années, le Togo consacrait moins de 300 000 dollars par an à la lutte contre l’épidémie.

Afin de redynamiser la lutte, le CNLS/IST, créé en 2001, a tenu début mai sa première grande session, au cours de laquelle le plan stratégique 2007-2010 a été présenté aux partenaires potentiels.

Ce plan, estimé à 60 milliards de francs CFA (près de 127 millions de dollars) sur quatre ans, prévoit entre autres la mise en place de 128 centres de dépistage dans tout le pays, avec pour objectif d’offrir des services de dépistage à 350 000 personnes d’ici 2010.

Les autorités, qui ont déposé sans succès en novembre dernier une demande de financement de la lutte contre le sida dans le cadre du 6ème appel à proposition du Fonds mondial, travaillent actuellement à l’élaboration d’une nouvelle requête pour le 7ème appel, qui sera examinée par l’organisme international au mois de novembre prochain.

« Le sixième [appel] n’a malheureusement pas été accepté car des incohérences ont été relevées [dans la requête] mais les observations qui nous ont été faites nous aident beaucoup pour améliorer [la prochaine] », a affirmé Kégnidé Amoussou, coordinateur adjoint du secrétariat permanent du CNLS/IST.

M. Amoussou a estimé que l’engagement du président togolais Faure Gnassingbé, qui a présidé la session du mois de mai, dans la lutte contre le sida, était la garantie de la volonté des autorités de tourner la page.

« Nous avons maintenant un plan de suivi-évaluation, des mécanismes de financement aux mécanismes de gestion », a fait valoir M. Amoussou. « Toutes les procédures sont prévues pour ne plus tomber dans l’erreur ».

jg/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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