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La communauté San loin des messages contre le sida

Sofia est blottie contre le mur de son habitation à deux pièces, enroulée dans une couverture, en train d’essayer de se réchauffer sous le timide soleil hivernal. Beaucoup de ses voisins dans cette commune, à environ 15 km de Kimberley dans la province sud africaine du Cap, font la même chose.

Leurs habitations, des blocs de bétons tous identiques construits par le gouvernement il y a trois ans, manquent cruellement de meubles. Quand le soleil se couche les familles font un feu sur le sol de leur pièce principale.

Sofia [nom d’emprunt] salue Flumena Manzono, une soignante qui travaille de chez elle pour la branche locale de la Croix-Rouge, en langue !Xun, une langue indigène San, la seule qu’elle connaisse.

Cette jeune femme de 24 ans est née en Namibie, où son père avec d’autres hommes !Xun a été recruté par les anciennes Forces de défense sud-africaines (SADF) en tant que traqueur.

Quand la guerre s’est achevée et a laissé les !Xun perdants, ceux-ci ont accepté l’offre de la SADF et ont déménagé vers une base militaire au nord du Cap, avec une autre communauté San, les Khwe, qui s’étaient battus pour la SADF en Angola.

Environ 6 000 !Xun et Khwe ont été logé dans des tentes sur une plaine isolée à environ 90 km de Kimberley. Ils y sont restés 12 ans tandis que le nouveau gouvernement démocratique sud-africain tentait de statuer sur leur sort.

Finalement, chaque famille a reçu une prime de réinstallation et ensemble elles se sont cotisées pour acheter les trois fermes qui constituent aujourd’hui la commune de Platfontein.

Quand Sofia est arrivée à Platfontein, ses deux parents étaient déjà morts, elle avait arrêté l’école et accouché d’un enfant. Elle avait probablement déjà contracté le VIH.

« Je ne connaissais pas les préservatifs », a-t-elle dit, avec l’aide d’un traducteur. Le peu qu’elle savait sur le VIH lui venait de ce qu’elle avait appris en écoutant la radio locale en langue San. « Les pamphlets informatifs ne sont pas dans ma langue, même aujourd’hui. »

Quand Sofia a commencé à se sentir malade en novembre 2005, l’infirmière de la minuscule clinique de Platfontein, qui n’a ni eau courante ni toilettes, s’est contentée de lui donner des anti-douleurs. Quelques temps plus tard, elle est devenue si malade que sa cousine a appelé une ambulance qui l’a emmené à l’hôpital de Kimberley où elle a été diagnostiqué positive au VIH.

Le trajet pour se rendre à pied à l’hôpital est long et la commune manque de transports publics, mais Sofia y est retournée récemment pour chercher un traitement antirétroviral.

On le lui a refusé car comme beaucoup d’habitants de Platfontein, elle n’a pas de papiers. La Croix-Rouge est en train de l’aider à en obtenir et en attendant, Mme Manzono lui rend visite tous les jours.

Une décennie de retard

A part Mme Manzano, personne ne sait que Sofia est séropositive. Elle ne s’est pas confiée à sa tante, avec qui elle habite, ni à n’importe qui d’autre de sa famille et elle a quitté son fiancé quand elle a découvert sa maladie.

« La stigmatisation est encore pire ici qu’ailleurs », a dit Cail Moorkroof, qui coordonne les quatre soignants de la Croix-Rouge à Platfontein, tous recrutés sur place. « Personne ne veut parler de sa condition. »

La prévalence du VIH dans la province est estimée à 18,5 pour cent, mais personne ne sait combien de personnes vivent avec le VIH à Platfontein.

En trois ans, Leela Alewander, la sœur qui s’occupe de la clinique de Platfontein, n’a testé que 10 personnes pour le VIH. Elle soupçonne que la plupart des gens préfèrent se faire dépister à Kimberley où ils ont moins de chance de croiser quelqu’un qu’ils connaissent.


Photo: Kristy Siegfried/PlusNews
Les femmes San de Platfontein marchent souvent jusqu’à la décharge la plus proche pour chercher de la nourriture et des vêtements pour leurs enfants
Pour ce qui est de leur connaissance et leur comportement face à l’épidémie, la communauté San de Platfontein a environ une décennie de retard sur le reste du pays. Elle a été isolée géographiquement et culturellement durant de nombreuses années et lutte encore pour éradiquer la maladie.

« Quand cette maladie est arrivée dans le monde, les gens de San ne savaient pas qu’elle existait », a dit Nepa Kadomberan, le vice secrétaire du conseil de développement de la communauté !Xun à IRIN/PlusNews.

« Les gens de San n’ont jamais su pour les préservatifs », a ajouté Benedicto Kavanda, un autre membre du conseil. « Ils sont restés dans le Veld [brousse] et s’il y avait eu la maladie là-bas à ce moment-là, ils seraient tous morts parce que nous sommes peu nombreux. »

Zeka Shiwarra, un chef Kwhe, a estimé que l’exposition des membres de la communauté au VIH datait du temps où ils se sont rendus à Schmidtsdrift.

« Notre communauté a commencé à fréquenter des gens de l’extérieur et nous avons commencé à remarquer de plus en plus d’IST (infections sexuellement transmissibles) », a-t-il expliqué. « Il y avait aussi de nombreux déploiements de soldats San dans d’autres parties du pays durant les années 1990. Nous avons commencé à le remarquer [le VIH] dans notre communauté en 2000 environ. »

Le déménagement à Platfontein, en 2004, leur a permis d’accéder plus facilement aux services et à l’information sur le VIH/SIDA, mais d’aucuns croient aussi que cela a augmenté la vulnérabilité de la communauté au virus.

« Auparavant, il y avait un problème avec les grossesses précoces, mais ce n’était pas comme maintenant. Les jeunes fréquentent les autres communautés et se retrouvent dans des pubs pour boire », a dit Mario Mohongo, le chef traditionnel des !Xun.

Obstacles culturels

Selon Meryl-Joy Schippers, directrice de l’Institut sud-africain des San (SASI), des années d’errance et d’isolation n’ont fait qu’augmenter le désir de la communauté de s’accrocher à ses valeurs traditionnelles et à sa langue.

Les anciens en particulier ont tendance à considérer que le VIH est un symptôme de l’érosion progressive de ces valeurs et une raison de plus pour se méfier des étrangers. Pourtant, ils ont été contraints d’admettre le besoin d’une aide extérieure afin de traiter et de prévenir la propagation du virus dans leur communauté.

« Nos ancêtres ne reconnaissent pas cette maladie alors ils ne peuvent pas nous conseiller », a dit Zeka Shiwarra. « Nos guérisseurs traditionnels préféreraient adresser les gens à des médecins occidentaux. »

Mal équipés et mal à l’aise quand il s’agit de parler de sexualité, les chefs traditionnels ont autorisé des organisations comme la Croix-Rouge, SASI et LoveLife, un programme national de prévention contre le VIH qui cible les jeunes, à parler à leur place.

LoveLife a recruté deux jeunes femmes San, une !Xun et une Kwhe, qui sont des « médiatrices »- des éducatrices qui parlent aux jeunes de l’école et de la clinique locale grâce à la radio qui diffuse des messages sur le VIH et sur des sujets proches comme la grossesse des adolescentes et l’abus d’alcool.

« L’abus d’alcool est le plus gros problème, » a dit Noria Mbangu, la médiatrice Khwe. « Ils commencent très tôt ; à 12 ans ils viennent en acheter au bar du côté Kwhe, les jeunes n’ont nulle part ailleurs où aller. »

Selon Chris Mpisi, le coordinateur SASI de Platfontein, plusieurs projets guidés par une bonne volonté, gouvernementaux ou non, ont obtenu des résultats mitigés lorsqu’ils ont essayé d’avoir un impact sur la communauté avec des messages de prévention contre le VIH.

« Ces projets n’anticipent pas toujours correctement l’écart de langage et le contexte, » a-t-il ajouté. « A cause de leur culture d’origine, tu ne peux pas juste tendre des paquets de préservatifs aux gens. Ce n’est pas quelque chose dont on discute ouvertement à Platfontein, mais ils disent qu’il s’agit de nous communiquer leur message de sorte à ce que nous puissions les comprendre. »

ks/oa/mj/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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