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La 'génération sans sida' risque de se faire attendre

Deux tiers des femmes enceintes dépistées positives au VIH au Gabon disparaissent après l’accouchement et ne bénéficient donc pas des services de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant, s'alarment des professionnels de la santé.

Le taux de prévalence du VIH parmi les femmes enceintes au Gabon est estimé à entre huit et 10 pour cent –contre 8,2 pour cent des quelque 1,5 million d’habitants de ce petit pays riche en pétrole et durement touché par l’épidémie.

Pour tenter de réduire ce taux élevé, le gouvernement gabonais, avec l’appui de partenaires comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et la coopération française, a mis en place en 2002 un programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME).

La PTME permet, grâce à un cocktail d’antirétroviraux (ARV) administré à la mère et au bébé, de réduire considérablement le risque d’infection de l’enfant. En l’absence d’intervention, les experts estiment qu’entre 20 et 45 pour cent des enfants nés de mères séropositives seront infectés à leur tour.

Disponible au départ uniquement à Libreville, la capitale gabonaise, la PTME a été étendue aux autres régions du pays. Aujourd’hui, 55 centres répartis sur tout le territoire peuvent proposer aux femmes enceintes de se faire dépister pour le VIH et 500 sages-femmes et assistances sociales ont été spécialement formées pour ce programme.

« Dès la première [consultation prénatale], nous parlons aux femmes du bilan sanguin qu’elles doivent faire [dans le cadre du suivi de leur grossesse] et nous leur expliquons que c’est l’occasion aussi de faire un test de dépistage [du VIH] », a dit Yebe Zang, une des 15 sages-femmes du centre La Péyrie, l’un des trois centres de santé maternelle et infantile de Libreville.

Pour les convaincre d’accepter le test, les personnels de santé expliquent aux femmes l’intérêt de connaître leur statut sérologique. « On leur dit que si elles sont séropositives, grâce à la prise en charge, elles pourront alors éviter de mettre au monde un enfant infecté. Souvent, elles comprennent et elles acceptent », a dit Mme Zang.

Pourtant, malgré la formation des professionnels de la santé et une sensibilisation de plus en plus marquée, entre 2002 et 2006, seulement 36 pour cent des quelque 74 000 femmes enceintes venues en consultation prénatale se sont vues proposer un test de dépistage, le personnel médical étant peu à l’aise, voire réticent, à cette idée.

« Lors des consultations, le test n’est proposé qu’à demi-mot », a constaté Blanche-Reine Mebaley, consultante VIH/SIDA en milieu scolaire auprès de l’UNICEF, notant par ailleurs qu’il n’était pas « évident de lever le tabou qui existe autour de la maladie».

Même lorsque le test est proposé dans le cadre des consultations prénatales, l’engouement n’est pas toujours au rendez-vous : seules 54 pour cent des femmes à qui il a été proposé en 2006 ont accepté de le faire, d’après les statistiques officielles.

« Il y a celles qui ont peur de savoir, celles qui, une fois [sorties], changent d’avis », a dit Noëlle Avomo Obame, coordinatrice nationale de la PTME au Gabon. « Et puis dans certains cas, nous n’avons pas trace du test car les femmes ne ramènent pas leurs résultats, par oubli ou par peur, même si cela change peu à peu ». 

Peu de candidates pour la PTME

Malgré ces éléments déjà inquiétants, le plus gros problème de la PTME au Gabon reste les « perdues de vues » après l’accouchement, estiment les professionnels de la santé : en quatre ans, sur les 1010 femmes enceintes dépistées positives, seules 288, soit 28 pour cent, ont pu bénéficier du programme avec leur enfant.

Malgré une légère augmentation (35 pour cent) en 2006, il est encore fréquent de voir disparaître la mère une fois que l’enfant est né, a constaté le personnel soignant de la maternité du Centre hospitalier de Libreville (CHL), l’un des deux centres d’accouchement pour les femmes enceintes de la capitale.

« Quand les femmes viennent, elles doivent signaler leur statut sérologique qui est confidentiel pour que nous les prenions en charge, mais en raison de la stigmatisation, beaucoup accouchent et disparaissent dans la nature, sans rien dire», a regretté le docteur Isabelle-Julienne Minko, pédiatre et chef de service adjoint de la maternité du CHL.

Dans le cas contraire, c’est le suivi après l’accouchement qui pose problème, en raison des coûts associés à la PTME, dans un pays ou 78 pour cent de la population vit avec moins de deux dollars par jour, selon les Nations Unies.

En effet, malgré la gratuité des ARV pour la mère et l’enfant, les tests de suivi du bébé sont à la charge des parents, celui qui permet d'établir le statut sérologique de l'enfant coûtant 10 000 francs CFA (20 dollars).

« Ces tests sont lourds à gérer pour les familles. Faute de moyens, les mères préfèrent acheter le lait maternel plutôt que de faire les tests et c’est comme ça qu’on les perd », a dit Mme Minko.

Lorsque cela est possible, il est conseillé aux mères de ne pas allaiter leur bébé –ou en tout cas pas au-delà de six mois- et de les nourrir avec des substituts de lait maternel, afin de réduire au maximum le risque de transmission du virus.

D’autre part, a constaté le docteur Murielle Owono Megnier-Mbo, chef du service de pédiatrie au CHL, « dès que les femmes voient que leur enfant va bien, elles abandonnent ».

Sur les 190 bébés nés de mères séropositives au CHL et ayant atteint ou dépassé l'âge de 18 mois, le diagnostic n'est connu que pour 60 d’entre eux, les autres étant perdus de vue.

« Vu le nombre de perdus de vue, on est même incapable aujourd’hui, de savoir si le programme marche, car les seuls résultats que nous avons sont insuffisant pour être valable scientifiquement », a-t-elle déploré. « On a un programme, mais qui tourne en rond et l’on continue à créer des enfants séropositifs. Sans une prise en charge totale de l’enfant, cela ne peut vraiment pas être une réussite ».

jv/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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