Dans les provinces du Nord Kenya où l’illettrisme touche particulièrement les femmes, l’ignorance et la grande pauvreté contribuent à accroître la vulnérabilité des populations au VIH/SIDA, ont noté des agents de santé.
Noor Sheikh Ahmed, fonctionnaire auprès des services de lutte contre le VIH/SIDA et les maladies sexuellement transmissibles de la province nord-ouest, a confié à IRIN-PlusNews que le nombre de personnes séropositives dans les quatre districts de Garissa, Mandera, Wajir et d’Ijara était passé à 20 000 et avait doublé en l’espace de deux ans, la plupart des personnes infectées étant des femmes.
« Le nombre de patients atteints du VIH/SIDA a augmenté de manière dramatique », a-t-il fait remarquer. « Ici les gens se battent pour survivre et risquent leur vie ».
Les taux de prévalence du VIH dans cette province peu peuplée et majoritairement musulmane sont les plus bas du pays. Une enquête démographique et sanitaire menée en 2003 avait révélé que moins de 1 pour cent de la population était séropositif, mais que le manque d’information et les idées fausses sur le sida persistaient.
En effet, seuls 30 pour cent des femmes savaient qu’on pouvait se prémunir contre le sida, alors qu’au Kenya le taux de prévalence national est de 5,9 pour cent.
Selon M. Ahmed, les stratégies mises en place pour lutter contre la pandémie sont plus adaptées à un contexte urbain qu’aux cultures du nord. Par exemple, dans la province du Nord, la plupart des habitants ne peuvent pas lire les messages de prévention contre le VIH parce que le taux général d’alphabétisation est d’environ 18 pour cent, mais bien inférieur chez les femmes.
« L’illettrisme est synonyme d’ignorance. Les jeunes filles qui sont contraintes de se marier et qui divorcent après sont chaque jour exposées au virus », a indiqué Sofia Abdi, de l’ONG Womankind. « Elles ne sont pas conscientes des risques et savent pas comment se protéger contre la transmission du VIH/SIDA ».
Les conditions climatiques sont très rudes dans le nord du Kenya et les populations se battent pour accéder à la nourriture et à l’eau, ce qui dégénère en conflit intercommunautaire. En outre, elles sont confrontées à une insécurité alimentaire et à la sécheresse, et la pauvreté y est endémique.
« Mon père a été tué et notre bétail volé... Je n’avais donc d’autre solution que de vendre mon corps », a dit Halima Wario, une jeune femme séropositive qui s’occupe de ses trois sœurs. « Deux mois après l’attaque, j’ai déménagé et j’ai commencé à exercer le métier de travailleuse du sexe ».
Selon Rebecca Lolosoli, présidente de l’association culturelle des femmes de la ville de Samburu (nord-ouest), beaucoup de femmes ont contracté le virus pendant les attaques dont ont été victimes leurs familles, et les problèmes de santé liés à l’insécurité doivent être prises en considération.
Pour M. Abdi de l’ONG Womankind, la violence ou la maladie explique parfois que des femmes pauvres et illettrées se retrouvent à la tête de familles de jeunes enfants qu’il faut nourrir, habiller et scolariser, ce qui fait que les femmes supportent encore plus le poids de l’épidémie du VIH.
Les mutilations génitales féminines, subies par la plupart des jeunes filles, sont également des facteurs de risque pouvant exposer ces dernières au VIH.
« Les campagnes d’information et la sensibilisation ne suffisent plus. Les femmes de cette région ont besoin d’être soutenues et formées pour leur apprendre à se protéger et à ne pas compter sur les hommes », a dit M. Abdi. « Les filles doivent être scolarisées afin de leur éviter les mariages forcés et précoces car beaucoup d’entre elles deviennent veuves très jeunes ».
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