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Parler du sida, un geste qui sauve

En passant devant son kiosque à journaux d’un quartier de Brazzaville, la capitale congolaise, un homme s’arrête, surpris : c’est la première fois qu’il voit un magazine, placé bien en vue, parler du VIH/SIDA en couverture.

Le marchand de journaux a délibérément exposé ‘Echanges’, une publication bimestrielle gratuite de la coordination VIH/SIDA du département de la santé de l’Eglise évangélique du Congo, de manière à attirer l’attention des passants, comme ce fonctionnaire dans une administration des régies financières, qui s’est présenté sous le nom de Michel.

« Heureusement que chacun peut se procurer ce journal sans sortir un seul sou de sa poche », a dit Michel. « Ce n’est pas évident qu’un Congolais, peu importe son revenu, achète et garde par devers lui un document qui ne traite que du VIH/SIDA. Le Congolais aime le sensationnel et le reste l’intéresse peu. »

Bien que 4,2 pour cent des quelque 3,1 millions d’habitants du Congo vivent avec le VIH, les études le prouvent : les media congolais parlent très peu des questions liées au VIH, alors que leur rôle devrait justement être de susciter l’intérêt des populations pour les aider à se protéger, a regretté Line Mikangou, responsable de la communication sociale au Conseil national de lutte contre le sida (CNLS).

« La revue documentaire [de la presse] faite de façon régulière a toujours démontré que les sujets portant sur le sida n’intéressent pas beaucoup les journalistes », a-t-elle remarqué. « Dans les journaux, les sujets sur le sida sont rédigés sur quatre à cinq colonnes seulement, et toujours placés à l’avant-dernière page, sinon à la dernière page. »

A l’exception de la Journée mondiale du sida, le 1er décembre, les sujets liés à l’épidémie font rarement –voire jamais- la une de l’actualité, a ajouté Mme Mikangou, précisant que lorsqu’il y avait des articles, il s’agissait de « rapports de conférences de presse, d’ateliers, de forums ».

« Les media ne couvrent que des sujets ponctuels ou événementiels, ils ne prennent pas la peine de fouiller sur un thème ou encore de réaliser des enquêtes », a-t-elle noté. « En dehors du sida, d’autres sujets sociaux et de santé n’intéressent pas la presse parce que nous sommes dans un monde dominé par la politique. »

La dernière enquête sentinelle menée par les autorités en 2003, avec le soutien de la Banque mondiale, a d’ailleurs révélé qu’à peine un Congolais sur 10 citait les media comme sa première source d’information sur le VIH/SIDA.

Pas de formation, des contraintes financières

Pour Eugène Gampaka, président du Réseau des communicateurs congolais pour la lutte contre le sida (RECOLSI), le désintérêt des media pour les questions liées à l’épidémie s’explique en partie par un manque de formation.

« Les professionnels des médias sont malheureusement assez mal outillés pour parler du sida. Ils ont besoin de la formation qui leur manque cruellement [étant donné] que la recherche évolue et les techniques pour endiguer la propagation du sida changent presque quotidiennement », a-t-il dit.

Créé en 2003, le RECOLSI est l’unique association qui regroupe les journalistes des media publics et privés dans le pays, mais près de quatre ans après sa mise sur pied, il n’a mené aucune action de terrain.

« Le réseau ne fonctionne pas comme on le souhaitait. Mais, individuellement les journalistes membres du réseau écrivent des articles dans leurs organes respectifs », a affirmé M. Gampaka.

Au-delà du manque de formation, les media, publics et privés, sont confrontés à des contraintes financières. Près d’une quinzaine d’hebdomadaires, une chaîne nationale de radio et télévision, ainsi que trois radios et deux télévisions privées composent le paysage médiatique du Congo.

La presse privée n’est quasiment pas aidée : en 2001, à l’occasion des états généraux de la presse francophone, organisés à Brazzaville, l’Etat congolais avait versé une subvention de 300 millions de francs CFA (610 000 dollars) aux media privés, un soutien qui ne s’est pas renouvelé depuis.

Bon nombre de media n’ont pas les moyens de s’offrir les services de journalistes spécialistes du sida, ou de leur financer une formation : la couverture des sujets liés à l’épidémie est donc confiée à des ‘généralistes’, dont beaucoup n’ont pas les connaissances nécessaires pour évaluer la gravité du phénomène.

Une situation que le docteur Marie-Francke Puruehnce, secrétaire exécutive du CNLS, a estimée d’autant plus regrettable que les media peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte contre la propagation du virus.

« Un journaliste bien formé en matière de prévention contre le VIH/SIDA peut sauver plus de vies humaines qu’un agent de santé », a-t-elle dit.

Aider les media à parler du sida

En janvier, le ministère congolais de la Communication, le CNLS et l’Observatoire congolais des media ont donc organisé une formation destinée à renforcer les capacités de 50 professionnels des media sur le VIH/SIDA.

« L’analyse du contenu des émissions, des tribunes et des documentaires diffusés par les radios et chaînes de télévision, ainsi que la lecture critique de quelques articles publiés dans les journaux, ont montré que la majorité des professionnels des médias ont des faiblesses dans le traitement de l’information, l’élaboration et la diffusion des messages relatifs au VIH/SIDA », a dit Alain Akouala, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, à l’ouverture de la session de formation.

La formation, qui avait pour but de « faire en sorte qu’il y ait plus de journalistes... qui se spécialisent dans le domaine » du VIH/SIDA, a précisé Mme Mikangou, a débouché sur la création d’un ‘pool’ de professionnels des media, qui regroupe des journalistes et les chargés de communication des agences des Nations Unies et des ONG.

L’initiative a été saluée par Guy-Gervais Kitina, journaliste aux Dépêches de Brazzaville, une publication proche du gouvernement.

« Il est invraisemblable de penser que les journalistes qui sont au front de l’éducation des populations et de la prévention du sida ne puissent avoir conscience de l’étendue d’un tel problème, qui mobilise autant d’énergie et de moyens financiers au niveau mondial », a-t-il reconnu.

D’autre part, a rappelé Mme Mikangou, les journalistes ne devraient pas se croire moins vulnérables et exposés au risque d’infection au VIH que n’importe qui d’autre.

« Un journaliste qui va en reportage hors de sa base pendant une ou deux semaines se retrouve en situation de célibat géographique. Il est aussi tenté [d’avoir des relations sexuelles non protégées] », a-t-elle conclu.

lmm/ail/vj


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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