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Quand la faible prévalence du VIH est un handicap

Le faible taux de prévalence du VIH en Sierra Leone est un défi pour les acteurs de la lutte contre le sida, qui peinent à convaincre les populations de l’existence de l’épidémie, alors que la propagation du virus s’est accélérée ces dernières années.

Selon les statistiques officielles, le taux de prévalence du VIH était de un pour cent en 2003, et de 1,5 pour cent en 2005.

Ce dernier chiffre est issu d’une étude nationale qui précise que le taux d’infection est plus élevé en milieu urbain (2,1 pour cent) qu’en milieu rural (1,3 pour cent), et que les catégories de femmes âgées entre 20 et 24 ans, et d’hommes entre 35 et 39 ans, sont les plus touchés (respectivement deux et 3,5 pour cent).

En dépit de la réalité de la menace, l’ignorance et le déni de l’existence de l’épidémie constituent des obstacles pour les autorités en charge de la lutte contre le VIH/SIDA, dans ce pays marqué par une décennie de guerre civile.

«L’épidémie est en progression», s’est inquiété le docteur Brima Kargbo, directeur en exercice du Secrétariat national de lutte contre le sida (NAS, en anglais), qui a attribué cette propagation du virus en partie à «la timidité des populations à parler de sexualité et à des connaissances erronées en matière de VIH/SIDA.»

D’après les résultats de l’étude nationale, menée en 2004 avec le concours du gouvernement sierra léonais et des Nations unies, 40 pour cent des personnes interrogées pensent que le VIH peut se transmettre par les moustiques et près d’un tiers que le virus peut se contracter en partageant un repas avec une personne infectée.

L’étude a également mis en lumière le poids de la stigmatisation liée au virus : près de la moitié des répondants ont estimé qu’une personne séropositive ne devrait pas être autorisée à travailler, et 38 pour cent ont déclaré qu’ils n’accepteraient pas de s’occuper de quelqu’un infecté au VIH.

«Etant donné le nombre élevé de nouvelles infections, le manque de connaissances et le faible taux d’utilisation du préservatif, des efforts de prévention [de l’infection au VIH], y compris la diffusion de messages d’éducation, doivent être fournis de manière urgente», avait recommandé l’étude.

Le NAS a lancé en 2006 une large campagne nationale de sensibilisation. Des panneaux et des affiches sont aujourd’hui visibles dans de nombreuses parties du pays, proclamant que «le VIH/SIDA est réel» et appelant les populations à éviter les relations sexuelles à risque et à utiliser des préservatifs.

Mais ces messages ont des difficultés à passer dans un pays où la sexualité reste un sujet tabou.

«[Nous] sommes totalement ancrés dans un style de vie traditionnelle, qui reflète notre culture», a justifié Aisata Fereh, une coiffeuse installée à Freetown, la capitale. «En Sierra Leone, la plupart des tribus n’autoriseraient jamais les anciens à discuter ouvertement d’éducation sexuelle avec les plus jeunes, ou les jeunes à en parler entre eux. Ce serait considéré comme de la grossièreté.»

Haja Wurie, une femme âgée de 45 ans originaire d’une région rurale du pays et installée à Freetown, a confirmé ces réticences.

«C’est une abomination de parler ouvertement de sexualité», a-t-elle expliqué. «Je n’ai jamais vu cela lorsque j’étais au village et les gens aujourd’hui continuent à penser qu’il ne faut pas [en parler], seuls les partenaires [sexuels] peuvent en discuter dans l’intimité.»

Le danger potentiel du tatouage traditionnel

Outre l’ignorance et le déni, le docteur Kargbo a également cité la persistance de certaines pratiques traditionnelles parmi les causes pouvant participer à la progression de l’épidémie, notamment les tatouages faciaux, qui permettent à certains des 18 groupes ethniques de la Sierra Leone de se distinguer.

Ces tatouages, effectués par des tradipraticiens hors de toute structure médicalisée, pourraient représenter un danger, dans la mesure où il est difficile de vérifier que les instruments tranchants utilisés pour les réaliser sont «correctement stérilisés», a dit le docteur Kargbo.

Moibu Kallon, un chef du large groupe ethnique Mende, à la frontière avec le Liberia, dans l’est du pays, a rejeté l’idée que cette pratique traditionnelle puisse constituer une menace face au VIH/SIDA. Chez les Mende, le tatouage facial se pratique au-dessus de la mâchoire, près des yeux.

«Pendant des siècles, nous avons utilisé des objets [tranchants] pour marquer les visages, c’est une tradition et nous avons toujours vécu avec», a-t-il dit. «Pendant toutes ces années où nous avons pratiqué [cette tradition], on ne nous a jamais rien dit sur le sida, alors pourquoi maintenant?»

En milieu urbain, où selon l’enquête nationale de 2004, le niveau de connaissances sur le VIH/SIDA est un peu plus élevé que dans les zones rurales, des habitants ont admis que l’apparition de l’épidémie rendait nécessaire une meilleure surveillance de la pratique du tatouage traditionnel.

«On ne peut pas savoir facilement qui a contracté le virus, et si la lame de rasoir qui a été utilisée pour lui marquer le visage est utilisée ensuite pour tatouer le visage d’une autre personne séronégative», a reconnu Jimmy Smythe, vendeur de riz au détail à Freetown.

Conscientes de l’autorité des leaders traditionnels sur les populations, notamment en zone rurale, les autorités sanitaires ont donc décidé d’impliquer ces chefs dans la campagne nationale de sensibilisation, de même que les députés, pour les amener à réaliser les risques liés aux modes traditionnels de tatouage et à promouvoir des pratiques plus sécurisées.

D’autre part, un effort particulier a été fourni pour augmenter le nombre de centres de dépistage volontaire du VIH, surtout dans les régions reculées.

«L’une de nos stratégies a été d’augmenter le nombre de ces centres au niveau communautaire, pas seulement au niveau des [14] districts du pays», a expliqué le docteur Kargbo. «Nous sommes passés de 19 centres à 58 dans tout le pays à l’heure actuelle.»

ak/ail



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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