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Les paysans séropositifs fragilisés par la réforme agraire

Peu d’initiatives ont été entreprises pour aider et soigner les paysans zimbabwéens séropositifs depuis le lancement du programme controversé de redistribution des terres.

La réforme agraire décidée par le gouvernement en 2000 et une série de mauvaises récoltes ont rendu les ouvriers agricoles encore plus vulnérables au VIH/SIDA.

Sur l’exploitation agricole de Bryne, située à quelque 55 kilomètres à l’ouest de Harare, la capitale, Lloyd Munapo [un nom d’emprunt] a appris sa séropositivité en 2001. Son état ne lui permet pas de travailler et l’oblige à dépendre de sa femme Anna [un nom d’emprunt]. Anna est, elle aussi, porteuse du virus, mais elle rejoint tous les matins les autres paysans dans les champs.

«Si elle ne va pas travailler pour s’occuper de moi, nous mourrons tous les deux de faim. Le médecin m’a dit de manger sainement, c’est ce que nous nous efforçons de faire coûte que coûte», a confié Lloyd Munapo.

Compte tenu du taux de mortalité élevé parmi les ouvriers agricoles, les propriétaires terriens n’accordent désormais qu’un très court congé aux paysans qui doivent enterrer des êtres chers ou aider un proche malade, a déploré Jabulani Gwaringa, président du Syndicat des fermiers du Zimbabwe (ZFU).

«Cette pratique est très courante dans la plupart des exploitations. Si l’on donne toute une journée de congé [aux paysans], la production pâtira. Par conséquent, ce n’est qu’une poignée d’ouvriers qui assiste aux enterrements de nos jours, les autres restent dans les champs», a expliqué Gwaringa, un propriétaire terrien de la province du Mashonaland-Est.

L’exploitation agricole de Bryne s’étend sur 1 200 hectares, on y cultive du maïs, du tabac et élève du bétail. Elle est désormais détenue par Josaya Hungwe, l’ancien gouverneur de la province de Masvingo, qui a chassé en 2001 David Dobson, l’ancien propriétaire. Plusieurs dizaines d’ouvriers continuent de travailler dans l’exploitation.

Le salaire mensuel d’Anna ne permet pas d’acheter les médicaments antirétroviraux (ARV) de Lloyd, qui coûtent entre 20 000 et 25 000 dollars zimbabwéens (80 à 100 dollars) par mois.

En moyenne, un ouvrier agricole gagne 4 160 dollars zimbabwéens (moins de 17 dollars) par mois, une somme qui ne lui permet même pas d’acheter cinq litres d’huile de cuisine dans un pays où le taux d’inflation annuel atteint les 1 200 pour cent.

Cela fait cinq ans que Lloyd Munapo est inscrit sur la liste du gouvernement et attend de recevoir un traitement ARV. Frustré, il a décidé de cesser de se rendre au centre de distribution d’ARV situé dans la ville de Norton, à une vingtaine de kilomètres son domicile.

«Ils n’arrêtaient pas de me dire de revenir le mois suivant jusqu’à ce que je perde espoir», a-t-il déclaré.

Lloyd Munapo n’est malheureusement pas le seul paysan dans cette situation. En effet, un grand nombre d’ouvriers agricoles n’a pas accès à un traitement ou à des services sanitaires de base, ont déploré les activistes. Les campagnes de prévention du VIH/SIDA s’adressent rarement aux paysans peu éduqués, ce qui laisse libre cours aux idées fausses sur le virus.

Plus de rations alimentaires

Compte tenu des conditions dans lesquelles ils vivent, les paysans sont encore plus vulnérables à la pandémie que le reste de la population, a affirmé Gift Muti, secrétaire général adjoint du Syndicat général des travailleurs de l’agriculture et des plantations du Zimbabwe (GAPWUZ), qui représente les intérêts de quelque 400 000 ouvriers agricoles.

Bien que l’exploitation agricole de Bryne dispose de quelques habitations en béton, au toit de tôle, destinées aux ouvriers, la plupart des paysans vit dans de petites cases mal ventilées, dépourvues de système d’assainissement.

En outre, les rations alimentaires subventionnées qu’ils recevaient de la part de M. Dobson ont été suspendues peu après l’arrivée de Josaya Hungwe et certains ouvriers agricoles n’ont pas les moyens de manger à leur faim.

«Le problème c’est que ceux qui savent qui sont séropositifs n’ont pas les moyens d’acheter les traitements ARV ou de s’alimenter comme il leur est recommandé. Certains paysans porteurs du virus ne mangent qu’une fois par jour», a rappelé Gift Muti.

Le GAPWUZ distribue des préservatifs au sein des communautés paysannes et organise régulièrement des ateliers afin d’inciter les ouvriers agricoles à subir un test de dépistage du VIH/SIDA. Malgré ces initiatives, les paysans demeurent vulnérables au virus, puisque les comportements sexuels à risque persistent.

«Un grand nombre de grossesses non désirées et de nombreux cas d’infections sexuellement transmissibles ont été rapportés, preuve que les paysans n’utilisent pas de préservatifs. En outre, nombreux sont ceux qui boivent de l’alcool et qui se droguent», a ajouté Gift Muti.

La Coalition des entreprises contre le sida au Zimbabwe (ZBCA en anglais), qui regroupe des sociétés privées, mène actuellement une enquête avec le GAPWUZ afin d’estimer l’étendue de la pandémie au sein des exploitations agricoles commerciales et communales.

D’après Gift Muti, les conditions de vie des paysans se sont détériorées après l’invasion des terres de 2001, qui a causé l’expulsion des agriculteurs blancs et de leurs ouvriers. Les nouveaux propriétaires terriens n’ont pas les moyens financiers de s’occuper de leurs ouvriers.

Wilson Nyabonda, président du Syndicat des paysans du Zimbabwe (ZCFU) a souligné que le fort taux de prévalence parmi les paysans ne pouvait plus être ignoré et a exigé la mise en place d’un programme national afin de résoudre la crise.

«Si nous gardons les bras croisés, les bénéfices de la révolution agraire ne seront pas visibles», a-t-il prévenu.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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