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Les enfants séropositifs passent entre les mailles du filet

Alors que les médicaments antirétroviraux (ARV) sont mis à la disposition d’un nombre toujours plus important d’adultes sud-africains séropositifs, moins de 18 pour cent des 110 000 enfants porteurs du virus ont accès à un traitement.

Selon le Joint Civil Society Monitoring Forum (JCSMF), un regroupement de diverses organisations universitaires, médicales et privées qui rédigent des rapports sur le programme national de distribution gratuite d’ARV, trop peu d’enfants suivent actuellement une thérapie ARV en Afrique du Sud.

D’après les chiffres avancés par le Health Systems Trust, en janvier 2006, quelque 14 000 enfants séropositifs étaient sous ARV, contre 3 000 l’année précédente.

Malgré cette forte augmentation, les travailleurs sanitaires et les activistes pensent que davantage d’efforts pourraient être déployés afin d’élargir l’accès au traitement pédiatrique.

«C’est comme si l’épidémie qui touche la population adulte écrasait parfois les besoins en traitement pédiatrique», a déclaré le docteur Tammy Meyers, responsable du service pédiatrique Harriet Shezi à l’hôpital Chris Hani Baragwanath de Soweto, un vaste township situé à proximité de Johannesbourg.

Le service pédiatrique Harriet Shezi, composé d’une dizaine de médecins et d’infirmiers ainsi que de «nombreux conseillers» propose des traitements à quelque 1 400 enfants séropositifs, ce qui en fait le plus grand centre de distribution d’ARV pédiatriques du pays.

«Nous devons à tout prix mettre le plus d’enfants possible sous ARV. Nous n’avons jamais l’impression d’atteindre notre objectif», a dit le docteur Tammy Meyers.

Soweto à lui seul compte entre 6 000 et 7 000 enfants, dont l’état de santé nécessite un traitement.

La peur de soigner les enfants

A l’occasion d’une récente présentation au JCSMF, le docteur Ashraf Coovadia, un pédiatre responsable du service périnatal de l’hôpital Coronation de Johannesbourg, a souligné que compte tenu de l’accès inégal aux ARV, les enfants des régions pauvres et rurales étaient encore plus marginalisés.

Un grand nombre d’enfants est soigné dans des centres sanitaires de référence, comme l’hôpital de Baragwanath, alors que les traitements ARV devraient être disponibles gratuitement à proximité de leur domicile, dans les cliniques et les hôpitaux de leur région.

«Les enfants séropositifs souffrent principalement de diarrhées et de pneumonie, donc ils seront soignés pour cela dans les centres de santé primaire», a expliqué le docteur Nomonde Xundu, responsable de l’unité VIH/SIDA et tuberculose du gouvernement.

Mais ce sont «les enfants très malades qui sont pris en considération pour une thérapie ARV et qui doivent être dirigés vers les centres sanitaires de [référence]. Il y a aussi une question de compétences, notamment en terme de formation», puisque les centres sanitaires de référence possèdent davantage de compétences, a-t-il ajouté.

Rares sont les agents sanitaires à vouloir s’occuper des enfants séropositifs sous traitement. «Ils manquent de confiance, ils ne sont pas à l’aise lorsque les patients sont de jeunes enfants», a expliqué le docteur Tammy Meyers.

Proposer un traitement à des enfants est une tâche difficile. Les laboratoires pharmaceutiques ne sont toujours pas parvenus à élaborer un traitement à dose fixe répondant aux besoins spécifiques des enfants.

En conséquence, les médecins doivent trouver différentes façons de combiner les trois médicaments destinés aux adultes et adapter ces combinaisons à mesure que l’enfant grandit.

Pour déterminer les doses d’ARV qu’ils doivent prescrire à un enfant séropositif, les médecins doivent idéalement calculer la ‘surface’ de l’enfant, en multipliant le poids de l’enfant par sa taille, puis en divisant le tout par 3 600 et enfin en extrayant la racine carrée du nombre obtenu.

Ce genre de calcul est souvent impossible à effectuer dans des pays en développement. Les professionnels de la santé sont donc, la plupart du temps, contraints à simplifier le traitement, ce qui suppose la mise en place de dosages standards (de différents sirops et de médicaments écrasés ou fractionnés) selon le poids de l’enfant.

Cela implique parfois un surdosage qui accroît les effets secondaires, mais qui est généralement préférable à un sous-dosage, qui mène progressivement à une résistance au traitement.

En outre, les traitements pédiatriques contre le VIH/SIDA sont plus chers que ceux destinés aux adultes.

«Certains médicaments ont un goût très désagréable, se conservent au réfrigérateur, ou sont livrés en grande quantité. Les parents repartent chez eux avec des sacs remplis de médicaments», a poursuivi Tammy Meyers.

Elle a demandé à ce que davantage de pression soit exercée sur les laboratoires pharmaceutiques «afin d’accélérer [l’élaboration] d’une combinaison [d’ARV] destinée aux enfants.»

La difficulté du dépistage

Mettre des enfants séropositifs sous traitement est une véritable bataille, mais faire subir un test de dépistage du VIH à ces enfants constitue un défi encore plus difficile à relever.

«En raison de la stigmatisation, il est difficile de savoir quel enfant est séropositif ou pas», a reconnu le docteur Nomonde Xundu, et peu d’enfants subissent un test de dépistage.

Le test de dépistage du VIH le plus couramment utilisé – le test rapide – ne différencie pas les anticorps de la mère de ceux de l’enfant présents chez le nouveau-né. En effet, les anticorps de la mère passent à travers le placenta et sont présents dans le sang du bébé pendant les 15 mois qui suivent la naissance.

En conséquence, pour déterminer le statut sérologique d’un nouveau-né, il est nécessaire de procéder à un test du VIH par réaction en chaîne rapide par polymérase, qui permet de détecter la présence de petites quantités de protéines virales dans le sang.

Le JCSMF s’est dit inquiet de la faible utilisation des tests de dépistage par réaction en chaîne rapide par polymérase. En effet, bien que recommandés par le plan national de traitement, ces tests ne sont pas suffisamment utilisés en Afrique du Sud. Même dans les provinces les plus riches, où les centres sanitaires sont les mieux équipés, ce type de test est rarement utilisé.

Gayle Sherman, professeur agrégé de l’Université de Witwatersrand, travaille aux National Health Laboratory Services (NHLS) et a participé à la mise en place des tests de dépistage par réaction en chaîne rapide par polymérase à Johannesbourg en 1997.

Selon elle, en Afrique du Sud, seuls trois laboratoires (l’un basé à Johannesbourg et les deux autres dans les provinces du KwaZulu-Natal et du Cap occidental) font subir ce type de test à leurs patients. Trois laboratoires supplémentaires viennent d’ouvrir leurs portes et mènent des opérations de plus petite envergure.

En 2005, le taux de prévalence du VIH/SIDA enregistré chez les femmes enceintes reçues dans les services de soins prénatals atteignait les 30 pour cent et au moins un million de naissances ont été répertoriées.

Quelque 300 000 nouveaux-nés ont été exposés au VIH au cours de cette année-là et auraient dû subir un test de dépistage, mais la situation n’a pas été considérée comme une urgence, a déploré le professeur Sherman.

«Chez les enfants, le dépistage doit avoir lieu dès la sixième semaine qui suit la naissance, mais ce n’est pas le cas. Il faut que ces enfants soient pris en charge plus tôt», a souligné Tammy Meyers.

Le principal problème est que les laboratoires eux-mêmes n’ont pas beaucoup d’expérience en matière de dépistage. «Il est difficile de changer les habitudes des gens», a-t-elle poursuivi.

Tammy Meyers espérait que la méthode des «taches de sang séché» - un processus plus rapide, meilleur marché et qui requiert moins de compétences qu’un test de dépistage par réaction en chaîne rapide par polymérase – allait permettre un plus grand dépistage du VIH/SIDA chez les enfants.

Mais il s’agit là encore d’une démarche innovante qui «effraie» le personnel de santé. En effet, ce dernier a peur de prélever le sang d’un enfant, a-t-elle expliqué.

La méthode des «taches de sang séché» consiste à prélever un échantillon de sang au niveau du talon de l’enfant, puis de le sécher sur un morceau de papier filtre et enfin de l’envoyer à un laboratoire.

Trop peu d’enfants subissent un test de dépistage du VIH/SIDA en Afrique du Sud. En effet, une grande partie des enfants nés d’une mère séropositive ne sont pas suivis et passent entre les mailles du filet.

Le JCSMF a proposé que les soins apportés aux nouveaux-nés séropositifs et ceux aux enfants non porteurs du virus soient intégrés au programme national de lutte contre la transmission du virus de la mère à l’enfant.

Il a également demandé que les tests du VIH par réaction en chaîne rapide par polymérase soient effectués au cours de la sixième semaine qui suit la naissance de l’enfant.

Le problème de la stigmatisation

Marah Zwane travaille comme conseillère au service VIH/SIDA Harriet Shezi. Les enfants et les adultes qu’elle reçoit sont tous confrontés à la peur de la stigmatisation et de la discrimination.

«Ce n’est pas simple pour les enfants de venir ici, de subir un test de dépistage et de recevoir un traitement ARV. Ils doivent dans un premier temps obtenir l’accord de leurs parents puis surmonter leur peur, c’est un long processus», a-t-elle expliqué.

Marine Vujovic, psychologue, a indiqué que la plupart des parents avait peur de la réaction de leur enfant. En outre, les parents ne sont pas toujours prêts à expliquer la situation à leur enfant.

«Les parents craignent également de révéler leur propre statut à leur enfant. Certains redoutent que leur enfant ne sorte et ne dévoilent leur séropositivité aux autres. C’est une véritable crainte», a-t-elle fait savoir.

Il est difficile de demander à des enfants d’observer un traitement. La plupart d’entre eux sont trop jeunes pour comprendre les raisons pour lesquelles ils doivent prendre des médicaments ou n’ont pas appris l’importance de suivre correctement un traitement.

Selon Tammy Meyers, un traitement pédiatrique ne pourra être viable que si les besoins de la famille tout entière sont pris en compte. Les traitements VIH doivent être mis à la disposition des adultes et des enfants d’une manière plus adaptée.

En effet, à l’heure actuelle, les parents peuvent recevoir des ARV auprès de leur centre de santé local, mais ils doivent parcourir de longues distances pour aller chercher les traitements de leurs enfants.

Malgré toutes ces difficultés, Tammy Meyers reste optimiste. «Grâce à notre programme, des gens continuent de vivre. Imaginez quel sentiment cela procure de pouvoir mettre en place ce programme, gérer une clinique et voir courir dans tous les sens des enfants en bonne santé», a-t-elle conclu.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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