1. Accueil
  2. Southern Africa
  3. South Africa
  • News

Certains patients sont ‘moins égaux que d’autres’

L’Afrique du Sud est le pays qui compte le plus grand nombre de personnes sous traitement antirétroviral (ARV) au monde, mais les patients des neuf provinces sud-africaines n’ont pas tous le même accès au programme de distribution gratuite d’ARV lancé par le gouvernement en avril 2004, selon des organisations de la société civile.

Dans certaines provinces, les ressources sont nombreuses, alors que dans d’autres, les agents de santé doivent se battre pour parvenir à prodiguer des soins à leurs patients. En revanche, les centres sanitaires du pays ont tous un point en commun : ils manquent de personnel et sont débordés de travail.

La province du Gauteng, coeur économique de l’Afrique du Sud, qui abrite Johannesburg, est la province à la fois la plus petite et la plus peuplée du pays. Elle abrite neuf millions d’habitants, dont plus de 1,4 million de personnes séropositives.

Elle affiche le produit intérieur brut par habitant le plus élevé d’Afrique du Sud. Son taux de prévalence du VIH/SIDA atteint les 14,3 pour cent – soit le deuxième taux le plus élevé du pays.

Cette province est celle qui compte le plus grand nombre de patients séropositifs sous traitement ARV. Il s’agit également de la province où le ratio médecins/patients est l’un des plus élevés du pays.

Le Johannesburg General, le grand centre hospitalier universitaire de la mégalopole sud-africaine, compte parmi les premiers sites de la province du Gauteng à avoir distribué gratuitement des traitements ARV aux malades porteurs du virus. A l’heure actuelle, il soigne plus de 3 000 patients séropositifs.

Les services de traitement ARV de l’hôpital emploient 15 médecins et un grand nombre d’infirmières formées. Ces services bénéficient de la présence d’experts médicaux et de stratégies innovantes qui permettent de surveiller la charge virale d’un patient.

Pourtant, «nos services ne seront jamais suffisants», a déclaré le professeur Jeff Wing, directeur des services VIH/SIDA de l’hôpital. «Nous ne pouvons soigner plus de 150 patients par jour, nous dirigeons donc les malades vers d’autres services.»

Lorsque les patients ont débuté un traitement et que leur état de santé s’est stabilisé, ils sont dirigés vers d’autres services afin de laisser la place aux nouveaux malades. Grâce à ce système, les patients ne doivent attendre qu’une ou deux semaines avant d’être reçus par l’équipe du professeur Jeff Wing.

Le professeur Wing a salué l’aide précieuse fournie par les organisations non gouvernementales (ONG) : l’Unité de recherche sur le VIH et la santé de la reproduction (RHRU, en anglais) de l’Université de Witwatersrand se charge de payer le salaire d’un médecin, de deux agents sanitaires et d’un pharmacien. L’ONG locale Community AIDS Response (CARE) propose, quant à elle, les services de plusieurs conseillers.

«Sans cette aide, nous serions face à de grandes difficultés», a souligné Sœur Ursula Malao, responsable des services VIH/SIDA. Les services nécessitent davantage d’infirmières, de conseillers et surtout d’un autre pharmacien, a-t-elle cependant ajouté.

Des objectifs loin d’être atteints

Le Joint Civil Society Monitoring Forum, un regroupement de diverses organisations universitaires, médicales et privées qui rédigent des rapports sur le programme de distribution gratuite d’ARV, a noté, en juin dernier, que le programme gouvernemental était menacé par une pénurie d’agents médicaux formés, notamment «de pharmaciens, dans les provinces riches, comme celle du Gauteng.»

Deanne Hazle, une étudiante en pharmacie qui effectue son service communautaire au Johannesburg Central, est l’unique pharmacienne à plein temps de l’hôpital. Elle est chargée de commander, contrôler et distribuer les traitements destinés aux patients des services VIH/SIDA, de maternité et de pédiatrie.

La pénurie de pharmaciens qui touche les hôpitaux publics ne la surprend pas, compte tenu de la différence de salaire entre le service public et privé.

Nicoli Nattrass, chercheur auprès de l’Unité de recherche sur le sida et la société de l’Université de la ville du Cap, vient de publier une évaluation du programme de distribution gratuite d’ARV en Afrique du Sud. Le gouvernement s’était fixé comme objectif de placer un certain nombre de patients sous traitement ARV avant la fin de l’année 2005.

Selon cette évaluation, seulement 30 pour cent du nombre de malades initialement prévu ont pu avoir accès à des traitements auprès des services publics, un pourcentage qui aurait certainement été encore plus faible sans l’aide précieuse des ONG et des agences internationales de financement.

D’après le docteur Nomonde Xundu, responsable de l’unité VIH/SIDA du gouvernement, l’objectif que s’était initialement fixé le gouvernement avait été défini en fonction de données qui surestimaient considérablement les besoins. Elle a néanmoins reconnu l’importance de l’aide apportée par les bailleurs de fonds, tout en mettant en garde contre les programmes financés par le service public et privé qui se recoupaient et qui gaspillaient les ressources.

La province rurale de Mpumalanga, dans le nord-est du pays, affiche un taux de prévalence du VIH/SIDA de 13,3 pour cent – le quatrième taux le plus élevé du pays. On compte 446 000 personnes séropositives dans la province de Mpumalanga, soit environ un tiers de moins que dans la province du Gauteng.

Cependant, en termes d’accès au traitement, fin 2005, la province de Mpumalanga figurait parmi les plus mauvais élèves et arrivait avant-dernière du classement.

Selon le docteur François Venter, spécialiste du VIH/SIDA auprès du RHRU de l’Université de Witwatersrand, les chiffres ne correspondent qu’à la partie émergée de l’iceberg. D’autres provinces dont les ressources sont aussi ou encore plus limitées que celles de la province de Mpumalanga sont parvenues à proposer des traitements à un plus grand nombre de patients.

Moins de moyens mais plus d'efficacité

Par exemple, les services sanitaires de la province du Nord-Ouest disposent de moins de ressources financières, de médecins et d’infirmières que ceux de la province de Mpumalanga.

Cependant, ils proposent des ARV à 24,5 pour cent des malades porteurs du virus de la province, contre 20,9 pour cent à Mpumalanga. Cette différence vient «d’un leadership fort et efficace», a analysé M. Venter.

Le service de traitement VIH/SIDA de l’hôpital Tintswalo, situé à Acornhoek, une ville de la province de Mpumalanga, est géré par le Rural AIDS Development Action Research Programme (RADAR), un programme mis en place par la faculté de santé publique de l’Université de Witwatersrand et l’Ecole d’hygiène et de médecine tropicale de Londres.

Ce service a ouvert ses portes en octobre 2005 et n’emploie que deux médecins à temps complet et sept infirmières. Pourtant, il est parvenu à prendre en charge 517 patients en seulement 10 mois, en adoptant une démarche similaire à celle adoptée par le Johannesburg General.

RADAR propose une formation aux infirmières afin de les responsabiliser au maximum. Ainsi, le rôle des médecins consiste uniquement à aider les infirmières. Une ONG locale se charge de surveiller les patients qui ne viennent pas chercher leur traitement.

«Dans la plupart des hôpitaux, c’est l’inverse qui se passe», a affirmé le docteur Mosa Moshabela. «Cette démarche nous permet de prendre en charge un grand nombre de patients.»

D’après Regina Mathumbu, coordinatrice du programme, la principale différence entre l’hôpital Tintswalo et celui de Johannesburg ne provient pas de la qualité des services, mais de la situation socio-économique des patients.

En effet, dans la province de Mpumalanga, une région extrêmement pauvre, où le taux de chômage atteint les 70 pour cent et le niveau d’éducation est bas, la plupart des malades consultent des tradipraticiens et ne se rendent dans les hôpitaux que lorsqu’ils sont à un stade avancé de la maladie.

Par conséquent, le personnel médical doit non seulement leur prescrire un traitement ARV, mais également leur fournir des compléments nutritionnels, traiter les infections opportunistes et les informer de l’importance de l’observation du traitement.

«Nous sommes au maximum de nos capacités», a déclaré Regina Mathumbu. «Mais nous ne pouvons pas rejeter les patients.»

L’hôpital Mapulaneng, situé à Bushbuckridge, dans la province de Mpumalanga, à 35 kilomètres au sud de Tintswalo, a ouvert ses portes en septembre 2004. Bien que l’hôpital ne compte qu’un médecin à plein temps au sein de son équipe, il propose des traitements ARV à quelque 900 patients séropositifs.

Trop peu de centres de traitements locaux

Sans les ressources et les formations proposées par RADAR, les cliniques rurales, inégalement réparties sur le territoire sud-africain, seraient submergées de travail. Selon le docteur Nomonde Xundu, l’ouverture de centres de santé dans les zones rurales dépend des infrastructures locales telles que les routes, les transports publics et les systèmes de communication.

«Au début, la province s’était engagée à accréditer davantage de cliniques», a fait savoir Lizzy Maluleke, une infirmière chargée de la mise en place du programme de distribution d’ARV depuis l’ouverture du service VIH/SIDA de l’hôpital Mapulaneng. «Mais certains patients doivent parcourir plus de 100 kilomètres [pour recevoir un traitement ARV] car leur hôpital local n’a pas encore reçu d’accréditation.»

Tony Molapo, un médecin de Tintswalo qui propose ses services à la clinique de Mapulaneng une fois par semaine, a expliqué que certains patients mouraient avant d’avoir accès aux ARV.

Lizzy Maluleke a affirmé qu’il n’y avait pas de liste d’attente, mais a reconnu que l’hôpital Mapulaneng manquait de personnel et de lits. Habituellement, les patients arrivent très tôt le matin, remplissent la clinique et attendent pendant de longues heures.

Selon le Programme commun des Nations unies sur le sida (Onusida), 78 pour cent des patients dont l’état de santé requiert des ARV en Afrique du Sud y ont accès. Pour des organisations de lutte contre le sida, comme le groupe de pression Treatment Action Campaign (TAC), la distribution lente et inégale d’ARV en Afrique du Sud est due au manque d’engagement et de leadership de la part du gouvernement au niveau national et régional.

Le docteur Nomonde Xundu ne partage pas ce point de vue et a expliqué que le programme gouvernemental de cinq ans n’était qu’à la mi-parcours et que le ministère de la Santé avait déposé une requête au ministère des Finances en vue d’obtenir des financements supplémentaires en faveur des services de traitement ARV.

Selon le professeur Wing, la lenteur de la distribution des traitements ARV est liée à un manque de compétences plutôt qu’à un manque de financement.

«Aller trop vite reviendrait à sacrifier la qualité au profit de la quantité. Il faut réussir à trouver la bonne vitesse», a-t-il souligné.

Le docteur Mosa Moshabela partage le point de vue du professeur Wing : «Une certaine lenteur est acceptable. Nous n’avions aucune expérience des ARV, nous devions voir comment réagissaient les patients. Nous pouvons désormais procéder plus rapidement.»

«Les 140 000 personnes qui sont venues dans nos services pour recevoir un traitement étaient des patients faciles, soigner les 140 000 prochains malades sera beaucoup plus difficile», a averti François Venter.

Il a souligné que l’Afrique du Sud avait certes le plus grand plan national de traitement ARV au monde, mais également le plus grand nombre de personnes séropositives. «Il faut que les gens cessent de croire que nous maîtrisons la situation. Nous venons à peine de nous pencher sur le problème.»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join