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La révolution des grands-mères

Au début, elles étaient trois grands-mères sud-africaines à se retrouver pour partager leur détresse liée au décès de leurs enfants et s’entraider pour élever leurs petits-enfants orphelins. Cinq ans plus tard, ce groupe de femmes d’Alexandra, un bidonville de Johannesbourg, compte 40 membres et a donné naissance à des dizaines d’autres groupes sur les continents africain et américain.

A l’occasion de l’inauguration du XVI Congrès international sur le sida qui s’est tenu à Toronto, au Canada, en août, ces trois femmes âgées à l’origine de la ‘révolution des grands-mères’ ont organisé une manifestation, qui a rassemblé 300 femmes dans les rues de la ville.

Cette marche avait pour objectif de sensibiliser la communauté internationale au nombre croissant de grands-mères démunies qui doivent élever leurs petits-enfants après le décès de leurs propres enfants des suites du sida.

En Afrique subsaharienne, entre 40 et 60 pour cent des 13 millions d’enfants orphelins vivent avec leurs grands-mères. Au lieu de profiter de leur retraite, ces femmes se battent pour subvenir aux besoins de leur famille affectée par le virus alors que leurs ressources sont maigres et qu’elles ne reçoivent que peu ou pas de soutien.

Stephen Lewis, l’envoyé spécial des Nations unies en Afrique pour le VIH/SIDA, a estimé lors de la conférence de Toronto que les grands-mères africaines étaient «les héroïnes ignorées du continent» et a demandé la mise en place de programmes sociaux «considérant l’aide précieuse apportée par ces grands-mères comme un travail légitime et difficile et offrant des revenus durables.»

A cette fin, la Fondation Stephen Lewis a lancé, en mars dernier, la campagne «De grands-mères à grands-mères» pour que les grands-mères d’Alexandra puissent partager leur expérience avec une dizaine d’autres femmes âgées vivant à Wakefield, une petite communauté d’Ottawa, au Canada.

En 2004, un habitant de Wakefield a demandé au prêtre d’une paroisse locale d’inviter sa mère, Nina Minde, à parler de l’année qu’elle venait de passer en Afrique du Sud. Nina Minde a travaillé avec Rose Letwaba, une infirmière en pédopsychiatrie, à la formation du groupe de soutien d’Alexandra.

Lors d’une visite au Canada, Rose Letwaba a expliqué à la congrégation qu’elle s’était rendu compte que la plupart des enfants qui ne venaient pas aux rendez-vous étaient pris en charge par des grands-mères submergées de travail.

«J’ai réalisé que les grands-parents recevaient peu d’attention, car dans nos sociétés, un adulte est censé faire face à la détresse tout seul», a dit Rose Letwaba. «Mais à mes yeux, ce sont les victimes ignorées du sida. C’est la raison pour laquelle j’ai fondé ce groupe, au début elles n’étaient que trois grands-mères, puis 15 à la fin de l’année.»

Rose Letwaba a raconté à la congrégation la vie des femmes membres du groupe de soutien. Parmi ces femmes il y a Magdaline Ramakoo qui a perdu sa fille et son petit enfant d’à peine un mois des suites du sida. Un an auparavant, son propre fils avait, lui aussi, succombé au virus.

Avant que l’hôpital ne la dirige vers Rose Letwaba, Magdaline a dû surmonter, seule, son chagrin, et s’occuper de son petit-fils Moses, âgé de 10 ans.

Rose a présenté Magdaline à deux autres femmes confrontées à la même situation qu’elle. Lorsque Rose s’est rendue au Canada, 30 nouvelles grands-mères avaient déjà rejoint le groupe d’Alexandra et se réunissaient une fois par semaine.

La solidarité des grands-mères se met en place

Norma Geggie, une infirmière à la retraite, a proposé à Rose Letwaba de créer un groupe au Canada qui parrainerait le groupe d’Alexandra. Des amitiés à distance ont ainsi rapidement vu le jour.

Avec le soutien des commerçants et d’autres groupes communautaires, les grands-mères de Wakefield ont organisé des concerts et autres événements caritatifs qui leur ont permis de collecter 10 000 dollars canadiens.

«Lorsque nous étions là-bas, nous avions l’impression de les connaître depuis longtemps», a témoigné Magdaline Ramakoo. «Nous venons d’horizons différents, mais je pense qu’elles comprennent notre peine mieux que quiconque parce que certaines d’entre elles ont aussi perdu des êtres chers. Lorsque tu perds quelqu’un que tu as aimé et que tu rencontres une nouvelle personne, tu te lies d’amitié très vite.»

Brenda Rooney partage le point de vue de Magdaline Ramakoo. «Nous sommes toutes des mères, par conséquent, nous comprenons toutes la souffrance que peut causer la perte d’un être aimé. Certaines d’entre nous ont perdu des personnes à qui elles tenaient beaucoup», a-t-elle affirmé.

Les deux groupes ont pu tirer profit de cette amitié à distance. Selon Brenda Rooney, les liens qui se sont tissés entre ces femmes ont permis de lutter contre la stigmatisation qui accompagne le sida et dont sont victimes les grands-mères d’Alexandra.

«Le fait est que quelqu’un de l’extérieur connaît les effets du sida sur les membres de la famille et qu’il continue à travailler avec eux et à s’occuper d’eux», a-t-elle déclaré. «Cela prouve que le monde extérieur ne porte pas de jugement.»

Les grands-mères de Wakefield sont heureuses de pouvoir apporter une aide, même minime, à leurs compagnes sud-africaines.

«Ma génération est la première génération de femmes qui a pu avoir à la fois une vie familiale et professionnelle. Nous sommes à présent sur le point de prendre la retraite et nos références sont différentes de celles des générations passées. Nous voulons donner un sens à notre retraite», a ajouté Brenda Rooney.

Selon Norma Geggie, la campagne «De grands-mères à grands-mères» met en relation, avec succès, des grands-mères africaines dont les besoins ont été pendant trop longtemps négligés et des personnes qui ont profondément envie d’apporter de l’aide.

«On entend parler de tragédies de part le monde, mais rien n’est devenu aussi personnel que cette campagne», a-t-elle dit.

Pour Magdaline Ramakoo, rencontrer d’autres grands-mères africaines à Toronto était d’une extrême importance.

«Il existe des personnes qui ont davantage [de problèmes] que nous. Certaines grands-mères doivent élever sept enfants et sont sans ressource, sans aide. En rencontrant d’autres grands-mères, on parle de nos expériences, elles parlent des leurs, et on apprend quelque chose», a-t-elle souligné.

Une quarantaine de groupes de grands-mères canadiennes était présente à Toronto et a rencontré 100 Africaines venues représenter des groupes de grands-mères de 11 pays différents.

Selon Micol Zarb, directeur de la communication de la Fondation Stephen Lewis, ce n’est qu’un début. En effet, la fondation étend ses services à plusieurs groupes de grands-mères africaines.

Les grands-mères canadiennes, quant à elles, forment de nouvelles associations à travers le pays et collectent des fonds destinés à aider les grands-mères d’Afrique subsaharienne à fonder de nouveaux groupes de soutien, à créer des jardins communautaires, à payer les uniformes et les frais de scolarité des enfants et à mettre en place de projets lucratifs.

«Le mouvement des grands-mères a atteint des proportions inimaginables», a déclaré Brenda Rooney. «Nous pensons qu’il faut être nombreux et puissants pour arriver à faire quelque chose, mais ce n’est pas vrai.»



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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