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Le théâtre interactif, vecteur de messages contre le VIH

Par une matinée pluvieuse, sous un petit chapiteau installé dans un quartier de Dakar, un homme tout de rouge vêtu déploie ses grandes mains sur le public de la deuxième édition du Festival sénégalais de théâtre forum: il s’appelle 'Sida'.

«Je vous ai piégés par la coiffure et le rasage quand les lames passent d’une barbe à une autre», lance-t-il à la cantonade en wolof, la langue la plus parlée au Sénégal. «Je profiterai d’une éventuelle écorchure pour m’introduire en vous, pour vous briser en mille morceaux. Vous vivrez une longue agonie, vous verrez le désastre et l’apocalypse».

A ces paroles, une jeune fille portant une chemise sur laquelle sont inscrits les mots, ‘prévention’, ‘préservatif’ ou encore ‘stop sida’, lui rétorque: «c’est déjoué, la règle est sans exception. Une barbe, une lame, deux barbes, deux lames. Après usage, d’abord on creuse, ensuite on jette, et enfin on enterre».

Dans cette pièce intitulée ‘Le Défi’, la compagnie de théâtre Kaddu Yaraax relate la confrontation entre deux personnages, «Sida» et «Mieux vaut prévenir que guérir», pour mettre l’accent sur les modes de transmission du virus et les moyens de prévenir la pandémie.

Car si le taux de prévalence du VIH au Sénégal est estimé à 0,7 pour cent de la population, d’après la dernière enquête démographie et de santé 2005 (EDS), soit l’un des taux les plus faible d’Afrique de l’Ouest, il cache une épidémie concentrée et des populations fortement exposées, telles que les professionnels du sexe et les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.

Pour faire face à ces réalités, le théâtre constitue l’un des outils des campagnes de prévention de plus en plus prisé par les ONG, en particulier sous la forme du ‘Théâtre forum’, un théâtre interactif inventé par le Brésilien Augusto Boal, dans lequel le spectateur devient acteur.

Après que la troupe ait joué sa pièce, elle invite donc les spectateurs à venir sur scène pour incarner un personnage. Les volontaires choisissent leur rôle et un nouveau scénario se met en place.

«Le théâtre forum entre dans le cadre de l’approche culturelle de la prévention et du traitement du VIH/SIDA», explique Bachir Sarr, responsable du programme VIH/SIDA au bureau régional de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO/BREDA).

L’avantage du théâtre forum, selon Mouhamadou Diol, de la compagnie Kaddu Yaraax, c’est que le spectateur n’est pas passif.

«Ca [lui] permet de réfléchir, de s’exprimer librement et de discuter sur les comportements à adopter à la fin. En s’identifiant, les gens comprennent mieux les choses», a-t-il constaté.

Pour cette compagnie de Théâtre forum, dont le nom est inspiré d’un quartier populaire de la capitale sénégalaise, l’investissement dans la lutte contre le VIH/SIDA a commencé en 1993, dès la création de la troupe.

«On a compris que pour protéger notre communauté, il fallait agir», explique M. Diol. «Yaraax est un quartier à haut risque, il y a des populations de pêcheurs et des ouvriers dans les usines qui ne sont pas informés sur la maladie».

Depuis, la petite troupe arpente les rues des quartiers de Dakar et de différentes localités des régions, avec un répertoire qui compte quelques pièces sur le thème du VIH/SIDA. Et chaque fois, le succès est au rendez-vous, s’est réjoui M. Diol. «Les gens viennent nombreux et parlent de la pièce pendant longtemps».

Ce jour là, dans le cadre du Festival de Théâtre forum organisé par Kaddu Yaraax, face à un public composé de novices et d’autres membres de troupes de théâtre forum, la représentation n’a une fois de plus pas manqué de susciter le débat.

Si certains spectateurs soulignent qu’il est important de faire de la prévention, pour d’autres, «il y a un risque de caricaturer ou de véhiculer des messages erronés. Quand on parle sida, il y a danger, alors il faut bien communiquer», a estimé Flavient, l’un d’entre eux.

C’est dans ce sens que l’UNESCO/BREDA et l’ONUSIDA ont édité en 2003 un petit manuel destiné aux troupes de théâtre, qui dresse un état des lieux de la pandémie, explique comment rédiger un texte et quelle mise en scène adopter pour susciter des changements de comportements positifs.

«Il y a un mois, nous avons écrit une pièce dans le cadre du programme de transmission mère/enfant [PTME]», a raconté M. Diol. «On est alors allé voir un médecin spécialiste qui nous a accompagné jusqu’à la production finale du spectacle».

Le Théâtre forum fait de plus en plus d’adeptes au Sénégal. Une dizaine de compagnies ont vu le jour et participent à la prévention contre le VIH/SIDA.

D’après une étude menée par un groupe d’étudiants en 2004/2005 dans le quartier de Yaraax, 91 pour cent des personnes interrogées ont estimé que le théâtre forum avait un impact favorable en matière de prévention.

«Il est très difficile de connaître l’impact du théâtre forum sur les populations, mais d’après une évaluation de nos partenaires, le théâtre est une des approches culturelles qu’ils reconnaissent comme étant la plus efficace», a dit M. Sarr.

M. Diol reste prudent. «Même si les autorités sanitaires nous disent que le taux d’infection dans le quartier a diminué, on ne saura jamais si c’est grâce à nos spectacles», a-t-il relativisé.

Finalement, «qu’importe les chiffres», a-t-il ajouté. «Je crois qu’il n’y a pas meilleur outil pour sensibiliser, alors on continuera».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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