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L’insécurité dans le Pool, ennemie de la lutte contre le sida

Les habitants de Mindouli, dans la région du Pool, espéraient que la fin de la guerre civile mettrait un terme à leurs souffrances. Il n’en a rien été et pour ceux qui vivent avec le VIH, le seul espoir de survie tient à la présence d’ONG qui attendent, elles aussi, le retour des autorités. Le bâtiment de style colonial de l’hôpital de Mindouli, à 140 kilomètres au sud de Brazzaville, la capitale congolaise, semble avoir échappé aux destructions de la guerre, mais tout fait défaut, à commencer par des professionnels de la santé. «Nous n’avons pas de personnel qualifié, l’hôpital de base et les centres périphériques sont tenus par des agents bénévoles, ils risquent de fermer après le départ des ONG», s’est inquiété le docteur Guy-Emmanuel Bafounda, médecin-chef de l’hôpital de Mindouli. L’établissement a une capacité de 55 lits et un service de prise en charge du VIH/SIDA, que fait fonctionner l’organisation internationale Médecins sans frontières (MSF). «Nous avons une bonne dizaine de personnes [hospitalisées] souffrant du VIH/SIDA, elles sont toutes prises en charge normalement et régulièrement par MSF», a dit le docteur Bafounda, qui, pour pallier le manque de lits, a dû ériger une tente pour installer des patients. L’enquête sentinelle menée en 2003, qui a établi le taux d’infection du VIH à 4,2 pour cent de la population, n’a pu être menée dans le Pool, en raison de l’insécurité qui y prévaut. Mais des organisations humanitaires travaillant sur place ont estimé que le taux de séroprévalence dans ce département est plus élevé que la moyenne nationale, jusqu’à huit pour cent selon certaines ONG. Pourtant, le Pool ne bénéficie toujours pas d’une prise en charge par le programme national. Les patients les moins défavorisés vont se faire soigner à Brazzaville, les autres, s’ils sont chanceux sont pris en charge sur place par MSF. «J’ai commencé à développer la maladie en même temps que mon époux qui, sur conseil de ses propres parents, a refusé de prendre des soins parce que le sida est une maladie de la honte. Il se trouve à Brazzaville et j’ai de moins en moins de [nouvelles]», a dit, sous couvert d’anonymat, une femme d’environ 35 ans, hospitalisée à Mindouli et prise en charge par MSF. Peu d’amélioration malgré le retour de la paix Construite au pied des montagnes, la localité de Mindouli, l’une des principales villes de l’axe ferroviaire qui relie la capitale congolaise au grand port économique de Pointe-noire, sur la côte atlantique, a été l’un des principaux théâtres des nombreux conflits civils qui ont déchiré ce petit pays d’Afrique centrale jusqu’en 2002.
[Congo] Pregnant women in a tent at Mindouli hospital, in the Pool, south of Congo. [Date picture taken: May 2006]
Par manque de place, certains patients sont soignés sous une tente
Les quatre dernières années de violence ont poussé quelque 100 000 habitants du Pool à quitter leur maison ou leurs terres pour tenter d’échapper aux enlèvements, meurtres, viols et pillages commis par les factions combattantes. Or ce département était autrefois considéré comme le grenier alimentaire du sud du Congo, également riche en potasse et en calcaire. En 2003, lorsqu’un accord de paix entre les Forces armées congolaises et les rebelles Ninjas a été signé à Mindouli, les populations se sont pris à espérer que la guerre faisait désormais partie du passé. Mais trois ans plus tard, les violences, y compris sexuelles, perpétrées par des ex-combattants incontrôlés, n’ont pas cessé, même si «tous les services de sécurité, police, gendarmerie, armée, division de la surveillance du territoire, commandement des unités spécialisées et forces armées» sont en grand nombre, selon Paul Goma, le sous-préfet de Mindouli. Victorine Milandou, assistance sociale des services sociaux de Mindouli, a confirmé que de nombreuses femmes et filles ont été victimes de ces abus pendant la guerre mais aussi depuis la fin des hostilités. «On a l’impression que [la moitié des] femmes ou des jeunes filles a été violée», a-t-elle déploré, ajoutant qu’en dépit de son insistance, elle avait beaucoup de mal à convaincre ces victimes, mais aussi les femmes et les jeunes de manière générale, à se faire dépister au VIH. «Ils ne s’y intéressent pas, c’est un fléau qui traumatise», a ajouté Mme Milandou. Les ONG travaillant dans le département estiment quant à elles qu’au moins 20 pour cent des femmes du Pool auraient subi des violences sexuelles. Dans ce contexte, les ONG préfèrent ne pas s’exprimer. «Vraiment, il nous est interdit de parler parce que tout peut arriver après votre départ, nous nous contentons de faire notre travail», a dit un travailleur humanitaire sur place. Conséquence de l’insécurité, Mindouli, qui comptait près de 18 000 habitants avant la guerre, n’en recensait plus que 11 000 en 2005, selon un rapport du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), intitulé «Le Pool, une crise humanitaire négligée» La plupart des personnels de santé qui a fui la guerre n’est pas revenue et les structures de santé manquent cruellement de ressources humaines et financières pour fonctionner, en dépit de la remise en état de certains des 11 Centres de santé intégrés (CSI) du département. «Ces CSI ressemblent à des monuments parce qu’ils manquent de personnels soignants et de matériels, [à l’image de] l’hôpital de base», a expliqué le docteur Bafounda. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), en partenariat avec la direction départementale de la santé, a commencé à former les agents de neuf CSI du Pool sur la santé de la reproduction et le VIH/SIDA, une formation qui «vise à renforcer la capacité du personnel afin de participer à la réorganisation des services de santé dans le (...) Pool et améliorer la qualité des soins», a dit le CICR dans un communiqué. Le retrait progressif des ONG n’est pas possible à court terme Dans ce contexte, alors que les habitants ont autant de difficultés à se soigner qu’à se nourrir -15 pour cent de la population souffre de malnutrition sévère, le taux le plus élevé du pays, selon le Programme alimentaire mondial-, Mindouli n’a qu’une crainte : que les ONG s’en aillent.
[Congo] View of Mindouli, in the Pool, south of Congo. [Date picture taken: May 2006]
Mindouli a été le théâtre des conflits civils qui ont déchiré le pays
«Le jour [où] tous les humanitaires vont décider de partir d’ici, je suis sûr que nous vivrons une situation pire que la guerre», s’est alarmé Alphonse Koukanguissa, chef respecté d’un quartier de Mindouli. Car l’objectif des organisations qui travaillent dans cette région est de pouvoir, à terme, passer le relais aux autorités congolaises : les Nations unies et les ONG estiment en effet que la phase d’urgence est terminée depuis 2005, quand elles ont lancé un appel de fonds de 21 millions de dollars pour des opérations de développement dans le Pool. «A l’avenir, avec le retour à la normale de la situation dans ce département et [notre] retrait graduel, c’est aux autorités gouvernementales que reviendra la responsabilité de prendre en charge le fonctionnement de ces structures de santé [les CSI]», a dit le CICR. Ce départ pourrait être accéléré si l’Etat ne s’attaque pas au problème de l’insécurité qui prévaut toujours dans la région, ont prévenu des ONG. En janvier, la section hollandaise de MSF a annoncé la réduction progressive de ses activités dans certains districts du Pool, pour protester contre les actes de violences dont sont régulièrement victimes les ONG dans le département. En mai, ces problèmes persistants ont poussé l’organisation médicale à mettre un terme à ses activités à Kinkala, la principale zone sanitaire du Pool, après avoir assuré en trois ans de présence plus de 90 000 consultations, notamment de personnes vivant avec le VIH ou souffrant de la tuberculose. MSF, qui a laissé sur place du matériel médical, des médicaments et du personnel formé pour permettre aux autorités locales d’assurer la continuité des soins, a cependant précisé qu’elle continuerait à travailler dans d’autres districts du Pool, comme à Kindamba où elle gère un programme de soins pour le VIH et la tuberculose. Car en dépit de la fin officielle de la phase d’urgence, l’ampleur des besoins en matière de lutte contre le VIH/SIDA est telle que le retrait des ONG n’est pas envisageable à court terme, ont affirmé les partenaires. Dans son «Agenda de l’action humanitaire en République du Congo», publié il y a quelques semaines, OCHA a recensé les actions planifiées par les différents partenaires de la lutte contre le sida au Congo en 2006 : le Pool y est présenté comme la principale région bénéficiaire des activités de prévention et de prise en charge du VIH/SIDA.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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