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Lutter contre la pratique du ‘repassage des seins’

‘Repasser les seins’ des jeunes filles pour retarder leurs premières relations avec des hommes est une pratique dangereuse et inefficace au regard d’une éducation sexuelle qui saura les protéger des grossesses précoces et du sida, plaident des activistes camerounais. Lancée pour un an par l’agence de coopération allemande GTZ et le Réseau national des associations de tantines (Renata), qui soutient les mères adolescentes, une campagne alerte désormais les populations, notamment les hommes, ignorants du phénomène, sur les risques du «repassage des seins», largement pratiqué au Cameroun mais rarement évoqué en public. Le «repassage» est une pratique qui se fait souvent «entre femmes, à la cuisine», et qui consiste à masser la poitrine naissante des filles pour la faire disparaître, généralement à l’aide d’une pierre, d’un pilon ou d’une spatule préalablement chauffés sur les braises. Selon une enquête menée par la GTZ, 24 pour cent des jeunes filles au Cameroun et jusqu’à 53 pour cent dans la province du Littoral, dans le sud-ouest du pays où se trouve Douala, le grand centre économique côtier, ont avoué l’avoir subi. Toujours selon cette enquête, 3,8 millions d’adolescentes seraient menacées par le phénomène. Or, pour Flavien Ndonko, anthropologue au sein du programme germano-camerounais de santé VIH/SIDA de la GTZ, non seulement cette mutilation douloureuse peut avoir des conséquences sur la santé, physique (cancer du sein) et psychologique (dépression), des filles, mais en plus elle se révèle inefficace. L’objectif initial de la pratique est d’effacer les premiers signes de la féminité pour ‘protéger les jeunes filles du regard des hommes’. «Beaucoup de filles de Renata, qui sont des filles-mères, disent avoir subi le ‘repassage’, cela prouve bien que ça ne marche pas [pour prévenir les grossesses précoces] et que c’est un traumatisme inutile qu’on leur impose», a déploré M. Ndonko. Un constat que dresse aussi le réseau Renata, pour qui la sexualité précoce des adolescentes est «un problème très grave» dans un pays où le taux d’infection au VIH/SIDA est de 5,4 pour cent, selon les estimations des Nations unies. Parmi les 20 à 30 pour cent de filles ayant une grossesse non désirée au Cameroun, un tiers d’entre elles a entre 13 et 25 ans. Pour plus de la moitié d’entre elles, cette grossesse intervient dès le premier rapport sexuel, a noté la GTZ. Selon la GTZ et Renata, le problème fondamental du repassage des seins est lié à l’absence de dialogue et d’éducation en matière de sexualité dans les familles. Repasser les seins pour éviter d’évoquer la sexualité en famille «Pour les parents, c’est très pénible de parler de sexualité, pour des raisons de pudeur ou des raisons culturelles», a dit M. Ndonko. «On préfère alors effacer les signes de la sexualité sur le corps, comme ça, on se donne bonne conscience : on ne dit rien, parce qu’il n’y a rien. Pourtant le début de l’adolescence est bien le moment ou jamais de déclencher la discussion», a-t-il expliqué. L’ignorance des jeunes filles en matière de sexualité ayant forcément des conséquences sur leur capacité à se protéger de l’infection au VIH, le réseau a décidé de systématiquement sensibiliser les jeunes filles sur les dangers de l’épidémie, a souligné Bessem Arrey Ebanga Bisong, la secrétaire exécutive de Renata. «Nous nous rendons compte que beaucoup d’adolescentes ne savent rien sur le sujet VIH/SIDA. Il faut prendre beaucoup de temps pour leur expliquer», a-t-elle dit. «Dans les séances de sensibilisation que mènent nos membres auprès des filles de leur communauté, nous parlons de puberté, d’hygiène corporelle, et bien sûr toujours de VIH/SIDA. En réalité, dès que nous abordons les questions de sexualité, c’est automatique, nous devons expliquer ce qu’est le VIH», a ajouté Bessem Bisong. Ces réticences à parler de sexualité aux enfants expliquent la décision de cette mère de famille, qui n’a pas souhaité donner son nom, de ‘repasser’ les seins de ses filles. «Le repassage n’est pas une bonne solution. C’est par ignorance que je l’ai fait à mes deux premières filles. Mais que dois-je maintenant faire avec la troisième ? Les jeunes aujourd’hui sont tellement émancipés, ils font n’importe quoi !», a dit cette maman. C’est une de ses voisines qui lui a proposé une solution, a-t-elle raconté. «Il faut lui [ma fille] parler, lui apprendre ce qu’est la sexualité. Nous ne dialoguons pas assez avec nos enfants, nous n’en avons pas le courage. Il faut pourtant leur expliquer les choses pour qu’en posant un acte, ils sachent ce qu’ils sont en train de faire.» A peine lancée, la campagne de sensibilisation sur le «repassage des seins» semble déjà faire du bruit, s’est réjoui M. Ndonko. «Aujourd’hui, dans les taxis, on en parle tout naturellement, alors que c’était une question qu’on ne traitait auparavant qu’entre femmes», a-t-il constaté. «C’est un bon moyen de résoudre le problème : les gens en parlent et se demandent "Pourquoi le fait-on ?" Et comme il n’y a aucune raison qui justifie cela, ils se rendent compte que c’est une pratique inutile et donc ils arrêteront», a-t-il espéré.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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