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Les ARV entrent peu à peu dans les camps de déplacés

Le VIH/SIDA, inconnu dans le nord de l’Ouganda jusqu’en 1995, représente désormais la deuxième cause de mortalité dans une région où des affrontements meurtriers ont contraint des milliers de personnes de vivre dans des camps. Selon les résultats d’une enquête de prévalence menée en 2004-2005, le taux de prévalence national s’élève à 6,4 pour cent, contre neuf pour cent dans les camps de déplacés. Les habitants des régions de Gulu, Kitgum et Pader (l’Acholiland), vivent dans la crainte permanente des attaques de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), qui attaque, viole et torture la population civile. Près de 25 000 enfants ont été enlevés par les rebelles, qu’ils utilisent comme soldats, esclaves sexuels ou porteurs. Près de 90 pour cent des personnes qui se sont réfugiées dans des camps surpeuplés, en piteux état, ont un accès très limité à des services sanitaires de qualité. La population y subit les ravages de la pandémie de VIH/SIDA, aggravés par la consommation excessive d’alcool, la violence domestique et la prostitution. A l’aube, Rose Omona devrait partir, comme les autres femmes, travailler les lopins de terre situés à l’extérieur du camp d’Unyama. Cependant, alors que des enfants à moitié nus jouent autour des flaques d’eau croupie, Rose Omona s’assoit sur une natte en bambou et ouvre les trois récipients en plastique qui contiennent son traitement. Rose Omona, une veuve mère de sept enfants, a été dépistée au VIH il y a quatre ans et compte parmi les personnes du camp qui bénéficient d’un traitement antirétroviral (ARV). «Sans ces médicaments, je serais morte et mes enfants seraient orphelins et devraient se débrouiller seuls», a-t-elle affirmé. Rose Omona se considère comme chanceuse car cela ne faisait qu’une année que les traitements ARV qui prolongent l’espérance de vie des patients séropositifs étaient disponibles à Gulu quand elle a appris sa séropositivité. Les déplacés qui vivent dans les camps du nord de l’Ouganda sont confrontés à l’insécurité et à la faim : quand les femmes vont puiser de l’eau ou chercher du bois, elle craignent de se faire violer non seulement pas les rebelles, mais également par les forces de défense locales, qui sont censées les protéger. Pour ces raisons, les quelque 1,5 million de personnes dépendent des vivres du Programme alimentaire mondial (Pam). En outre, la population n’a pas accès à des services sanitaires de qualité, à l’éducation, à l’eau ou à la nourriture. Il n’y a pas de système d’assainissement et les maladies hydriques comme le choléra sont un problème récurrent. Des familles entières vivent dans des cases minuscules en terre, n’offrant aucune intimité. Pourtant, la situation se stabilisant, les autorités sanitaires du district et les organisations internationales ont pu concentrer leurs efforts sur la mise en place de stratégies de prévention, de soins et de traitement afin de freiner la propagation du virus à Gulu. Un meilleur accès aux ARV L’Organisation de soutien aux malades du sida, (AIDS Support Organisation - Taso), une ONG locale, propose des soins et de l’aide à plus de 5 200 patients séropositifs, 500 d’entre eux reçoivent gratuitement des ARV. «Il s’agit encore d’un petit nombre, qui est déterminé par les financements que l’on reçoit des bailleurs afin d’acheter des médicaments», a expliqué Kimera Boogere, qui gère le centre de soins mis en place à Gulu par la Taso. «Selon nos calculs, entre 2 000 et 2 500 de nos patients ont besoin d’ARV. Nous essayons de voir comment passer des médicaments de marque aux médicaments génériques, moins chers et aussi efficaces, qui permettraient de proposer une thérapie à davantage de patients», a-t-elle dit. «C’est difficile de vivre avec le VIH dans les camps. Chaque jour, je dois me battre pour joindre les deux bouts, en vendant des vêtements d’occasion», a témoigné Patrick Oloya, âgé de 29 ans. Ce jeune homme a été malade pendant deux ans avant de subir un test de dépistage du VIH. Grâce au soutien de la Taso, Patrick Oloya a vaincu la peur de mourir, mais la maladie lui sape son énergie et l’empêche de cultiver la terre. «Les choses iraient mieux si je pouvais cultiver la terre, mais les médecins m’ont défendu d’accomplir des tâches trop lourdes. Je n’ai plus la force de travailler», a-t-il expliqué. Patrick Oloya s’inquiète surtout pour ses enfants: les deux plus grands ont subi un test de dépistage du VIH/SIDA et sont séronégatifs, sa femme continue à allaiter le plus jeune et risque de le contaminer au VIH. «Je sais qu’il faut que je suive les conseils des médecins si je veux profiter de mes enfants», a-t-il confié. Un traitement ARV doit s’accompagner d’une bonne alimentation, mais la majorité de la population qui vit dans les camps ne peut se l’offrir. Selon Christine Orama, une femme séropositive, veuve et mère de trois enfants, les effets secondaires du traitement et le coût élevé de la nourriture dissuadent certaines personnes de suivre une thérapie ARV. «Les médecins recommandent d’adopter un régime alimentaire équilibré composé de viande, de légumes et de fruits», a-t-elle rappelé. «Nous n’avons aucune terre à cultiver. Chaque mois, on attend les colis alimentaires que nous distribue le Pam, mais on ne reçoit que du maïs, des haricots et la farine de maïs.» Dans le district de Gulu, la distribution d’ARV s’effectue essentiellement en ville. En effet, selon les statistiques délivrées par la Taso pour l’année 2005, trois patients sur quatre vivent dans un rayon de dix kilomètres autour de la ville de Gulu. Seul un patient sur 20 vit à plus de 75 kms de la ville de Gulu, et le cinquième centre de traitement, celui de l’hôpital Anaka, est situé près de la frontière sud du district. Les populations rurales, laissées pour compte «Nous [le gouvernement et les ONG] sommes loin de couvrir l’ensemble du district. La majorité des gens qui souffre se trouve dans les camps et non pas dans la ville», a expliqué Kimera Boogere. Selon lui, la mauvaise couverture sanitaire est liée à l’insécurité qui règne actuellement dans les régions excentrées du district. «De plus en plus de personnes souhaitent bénéficier des services de conseils et de dépistage volontaire, mais les centres sanitaires dans les camps n’ont pas les moyens de les proposer. Par conséquent, plus vous vous éloignez de Gulu, moins de personnes connaissent leur statut sérologique», a-t-il ajouté. Le camp d’Unyama est situé à à peine huit kilomètres de la ville. Cependant, les patients sous traitement ARV doivent payer 3 000 shillings (soit 1,60 dollar américain) pour aller chercher leurs médicaments, une somme conséquente pour les familles qui ne perçoivent aucun revenu régulier. Cependant, grâce à l’ouverture de nouveaux centres de prescription d’ARV dans les villages d’Attiak, de Lalogi et d’Awachdav, des structures financées par le gouvernement, davantage de patients auront un accès plus facile au traitement, selon Gabriel Lokach, responsable VIH au sein des services sanitaires. «Les ARV ont changé la vie des gens, mais leur distribution dépend d’initiatives influencées par le gouvernement et les bailleurs. Mais nous ne savons pas quand un changement de politique peut s’opérer», s’est-il inquiété. Après deux décennies d’instabilité, il est difficile d’envisager ouvrir des centres de distribution d’ARV, de conseil et de dépistage volontaire dans le nord de l’Ouganda, ont reconnu les acteurs de la lutte. «Avec la guerilla, on ne sait jamais quand la violence va éclater», a-t-il déploré. Selon le docteur Paul Onek, un haut responsable du ministère de la Santé à Gulu, la lutte contre le VIH/SIDA dans cette région du nord de l’Ouganda va au-delà de la distribution de médicaments. «Vous pouvez distribuer tous les ARV du monde, mais vous ne parviendrez pas à combattre le VIH/SIDA dans le nord du pays tant que les gens n’auront pas retrouver leur dignité.»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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