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Le femidom, un moyen de prévention du VIH négligé

Même si sa diffusion est encore timide, le préservatif féminin devient un outil de prévention majeur au Sénégal qui pourrait permettre de faire face à une féminisation croissante de la pandémie de VIH/SIDA, selon les acteurs de la lutte. Au Sénégal, la dernière étude démographique et de santé (EDS), menée en 2005, a établi que 2,25 femmes sont infectées au VIH pour un homme, une évolution constatée «depuis trois ou quatre ans», selon le docteur Oulimata Diop, de la division sida et Infections sexuellement transmissibles (IST) du ministère de la Santé. En Afrique subsaharienne, près de 60 pour cent des femmes et 75 pour cent des jeunes filles âgées de 15 à 24 ans sont infectées par le VIH, selon le dernier rapport du Fonds des Nations unies pour l’enfance, Unicef, intitulée «L’enfance en péril». «Le femidom (nom donné par les fabriquants au préservatif pour femmes), est une réponse à la féminisation de la maladie», a expliqué Sidibé Wade, le directeur de la division sida du ministère. Comme lui, médecins et responsables d’associations sont de plus en plus nombreux à promouvoir ce mode de prévention, introduit au Sénégal en 1996. Khardiata Diène, logisticienne au ministère de la Santé, est de ceux-là : «Le femidom, c’est à la fois un contraceptif, un moyen de se protéger des IST, surtout du VIH, et puis ça permet aux femmes de décider de leur sexualité.» D’après les chiffres du ministère, qui assure la distribution gratuite des lots de femidoms fournis par l’agence américaine de développement, l’USAID, et le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) auprès des associations et des centres de planification familiale du Sénégal, 143 870 femidoms auraient été distribués en 2005, contre 19 000 l’année précédente. «Ca a bien augmenté mais (…) c’est encore trop faible», a estimé Khardiata Diène. «Là où on est capable de distribuer quatre millions de préservatifs, on peut distribuer au moins 4 à 500 000 femidoms. Comment on a fait pour faire découvrir le condom ? C’est la même chose !» Selon elle, «le femidom a besoin d’un programme. Mais pour ça, il faudra des engagements politiques forts, un plaidoyer auprès des leaders, un accompagnement et une promotion massive, plus importante que nos ateliers de sensibilisation». Ce n’est pas encore le cas, malgré le succès que remporte ce préservatif auprès des femmes du Sénégal, comme l’ont montré deux études menées à Dakar, la capitale, et dans deux villes de provinces, Kaolack et Kolda, après une première distribution de préservatifs en 1996. Qu’elles soient jeunes, mariées, célibataires ou prostituées, les femmes ont, dans l’ensemble, accepté le femidom, selon les résultats des enquêtes. Pourtant, la distribution organisée du femidom ne démarrera que trois ans après, quand le Fnuap, en partenariat avec la division sida du ministère et l’organisation non-gouvernementale SWAA (Société des femmes contre le sida en afrique). En 2001, les Etats-Unis, via l’USAID, se joignent à l’effort de prévention et appuient la distribution des femidoms, produits par l’ONG américaine Family Health International (FHI). «Cela a permis de compléter ce qui existait déjà et d’aller vers des cibles identifiées, comme les travailleuses du sexe», a expliqué Barbara Sow, la directrice pour le Sénégal de FHI, l’agence d’exécution de l’USAID. Désormais, la distribution de femidom se fait essentiellement auprès des prostituées, une population à haut risque dans un pays où la nature de l’épidémie est toujours de type concentré, avec moins de un pour cent de la population infectée au VIH, selon l’EDS 3. Ainsi, le taux de prévalence est estimé entre 15 et 25 pour cent parmi les travailleuses du sexe officiellement recensées. Selon Marième Soumaré, la directrice d’Awa (Eve en wolof, la langue la plus parlée au Sénégal), l’une des ONG sénégalaises qui tentent de diffuser les femidoms auprès de plus de 400 prostituées, ce préservatif «leur permet de se protéger quand les clients refusent le préservatif masculin». Dans une relation hétérosexuelle en effet, le VIH se transmet deux fois mieux quand c’est l’homme qui est infecté que la femme. Un préservatif qui ne plaît pas aux hommes Pourtant, l’utilisation du femidom n’est pas si facile, a admis Sylvie (un nom d’emprunt), une prostituée de Dakar qui utilise le préservatif féminin depuis six mois. Comme cette jeune femme, les prostituées sont nombreuses à déplorer les inconvénients du femidom : problème du bruit, «le fait de le tenir pendant le rapport», son «aspect huileux» ou encore sa taille, autant de remarques qu’entend chaque jour Mama Bambera, dite «Madina», une animatrice d’ Awa.
[Senegal] Female condom. [Date Picture taken: 03/29/2006]
Les femmes reprochent au femidom d’être trop grand ou de faire trop de bruit
Pour rallier les travailleuses du sexe à sa cause, Madina ne cesse de mettre en avant tous les avantages du femidom : «Le fait qu’on peut le mettre longtemps avant ou qu’elles peuvent avoir des rapports même quand il y a les règles», a-t-elle expliqué. En plus de faire office de contraceptif et d’être une barrière contre les IST, «le femidom permet aux femmes atteintes par le VIH/SIDA de se libérer du stress du virus», a ajouté Khardiata Diène. «Elles peuvent réussir à vivre avec le virus, presque normalement». D’autant qu’il permet à la femme de découvrir son propre corps, a-t-elle dit. «On met le doigt, on va voir ce qui se passe. Ca permet de mieux s’accepter. Malheureusement, il y en a que ça gène, parce que pour elles il n’y a que le médecin qui peut faire ça.» Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 86 pour cent des femmes sénégalaises qui ont déjà utilisé les préservatifs préfèrent le féminin. Mais même si les femmes le demandent, il est extrêmement difficile d’obtenir l’accord du conjoint et, ainsi, d’introduire le femidom dans le couple, selon Mme Diène. Les hommes «ne connaissent pas le produit. Ils disent aussi qu’ils ne se considèrent pas comme malades et puis ils ne supportent pas que là, ce soit la femme qui prenne la décision de se protéger». «Les femmes refusent souvent de venir au centre se faire dépister ou suivre un traitement», a constaté le docteur Ngagne Mbaye, coordinateur d’un centre de dépistage volontaire et anonyme dans la banlieue de la capitale, Dakar. «Elles préfèrent se cacher pour mourir». Au Sénégal, un pays à majorité musulmane, les femmes n’ont pas toujours conscience de leur degré de vulnérabilité et ne sont pas assez informées des risques d’infection et de propagation du VIH/SIDA, selon les associations, qui insistent sur la nécessité de sensibiliser aussi les hommes sur la fragilité de leurs compagnes et les dangers que pourrait courir le couple. Le docteur Mbaye en est persuadé : la clé de la réussite vient de la sensibilisation des femmes comme des hommes, «afin de promouvoir le femidom à tous les niveaux et d’interrompre la chaîne des infections». Cela demeure un vœu pieu : à ce jour, aucune campagne de sensibilisation massive sur le femidom a été menée au Sénégal, où le prix de ce préservatif demeure très élevé, faute d’être distribué par l’Agence pour le développement du marketing social (Ademas). Dans les pharmacies, la boîte de trois préservatifs masculins est vendue 150 francs CFA (0,27 cents), contre 230 à 600 francs CFA (0,45 à 1,10 dollars américains) pour un femidom, beaucoup trop cher dans un pays où 47,9 pour cent de la population vit avec moins d’un dollar par jour. Pour Barbara Sow, de FHI, beaucoup de temps sera nécessaire pour promouvoir l’usage du préservatif féminin à grande échelle au Sénégal. «C’est une priorité parmi beaucoup d’autres dans le programme sida», a-t-elle expliqué, ajoutant que c’était comme «une immense autoroute : on ne peut pas dire que la distribution de femidom est plus importante que le Programme de lutte contre la transmission du VIH de la mère à l’enfant.»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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