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La commission d’enquête révèle un détournement de fonds

La commission d’enquête sur le gel des subventions allouées par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme à l’Ouganda a commencé à interroger les autorités, directement concernées par ce scandale de corruption dévoilé par des ONG. Des acteurs de la lutte contre le sida avaient en effet révélé en 2005 que des personnes gravement malades ne bénéficiaient pas des subventions accordées par l’institution financière. A la suite d’un rapport de l’auditeur indépendant PriceWaterhouseCoopers, le Fonds mondial avait gelé, en août, cinq subventions d’un montant supérieur à 200 millions de dollars. A la suite de ce rapport, qui laissait planer de sérieux doutes quant à la bonne gestion des subventions, la commission d’enquête a questionné 130 personnes, des responsables du gouvernement ougandais et des membres de la société civile. Loué comme un modèle de détermination dans la lutte contre le sida, l’Ouganda avait obtenu, avant que le scandale n’éclate, environ 45 millions de dollars américains du Fonds mondial, qui avait approuvé une subvention totale de 201 millions sur deux ans. En novembre 2005, le Fonds a décidé de lever la sanction, mais seulement après que les responsables du gouvernement chargés de gérer les financements aient été démis de leurs fonctions et remplacés par des membres de la société internationale d'audit Ernst & Young. «Voler l’argent prévu pour les médicaments, la nourriture et l’aide sociale revient à leur [les patients] voler leur dernière lueur d’espoir, à leur couper l’herbe sous les pieds», a affirmé le juge James Ogoola, chargé de l’enquête. Peu après l’annonce du gel des subventions, le gouvernement ougandais a tenté de rassurer les populations en affirmant que les traitements antirétroviraux (ARV), qui prolongent l’espérance de vie des patients, ne seraient pas concernés. Ainsi, selon le docteur Sam Okware, porte-parole du ministère de la Santé, l’Ouganda a réussi à dépasser son objectif d’apporter des ARV à 60 000 personnes avant la fin de l’année 2005. «Selon moi, 69 000 personnes reçoivent à l’heure actuelle des ARV, donc comme vous pouvez le constater la suspension des subventions n’a eu aucun effet sur l’approvisionnement en ARV», a-t-il commenté. «Nous avons reçu la dernière livraison dans les temps il y a environ un mois de cela, et je me suis chargé personnellement d’assurer son déboursement immédiat», a-t-il ajouté. Mais les programmes jugés secondaires ont été sévèrement touchés par cette décision. Ainsi, Peter Sebandja, directeur des affaires juridiques et politiques de l’organisation de soutien aux malades du sida, (AIDS Support Organisation - Taso), une ONG ougandaise, a annoncé que Taso ne recevrait pas son second financement du Fonds mondial, d’un montant de 110 000 dollars et destiné à appuyer les organisations communautaires et les hôpitaux publics. «C’est frustrant», a-t-il avoué. « Nous avons fait des promesses aux personnes séropositives, mais nous n’arrêtons pas de leur demander d’attendre. Nos projets ont été retardés de plusieurs mois.» L’Agence de coopération et de recherche pour le développement (Acord) devrait recevoir 78 000 dollars américains en faveur des organisations communautaires qui travaillent avec les orphelins du sida dans le nord de l’Ouganda, mais elle n’a reçu que la moitié des sommes. Dans le nord-ouest de l’Ouganda, une campagne de terreur orchestrée depuis une vingtaine d’année par l’Armée de résistance du seigneur (LRA en anglais) a forcé plus de 1,6 millions de personnes à fuir et à se réfugier dans des camps pour échapper à l’enrôlement et à la violence. Selon des estimations d’Acord, le taux de prévalence du VIH/SIDA dans ces camps pourrait être deux fois supérieur à la moyenne nationale, estimée à six pour cent. «Dans le nord du pays, le sida fait plus de victimes que la guerre», a déclaré Geroge Omona, directeur d’Acord en Ouganda. «Mais les organisations communautaires que nous soutenons grâce aux subventions versées par le Fonds mondial ont dû cesser leurs activités : cela fait six mois que nous attendons de recevoir le reste des financements.» Détournement de fonds ou abus de pouvoir ? Le Fonds mondial met en commun l’argent provenant des bailleurs de fonds et verse des subventions en fonction des propositions faites par les pays bénéficiaires, l’institution attendant des pays qu’ils jouent un rôle clé dans leur propre développement. Cela comprend néanmoins certains risques. Tandis que le rapport rédigé par PriceWaterhouseCoopers n’indiquait aucune preuve de corruption ou de fraude, la commission d’enquête a évalué pendant plusieurs mois la cellule de gestion du projet (PMU, en anglais), chargée de superviser la mise en place de l’ensemble des projets financés par le Fonds mondial. James Ogoola cherchait à déterminer si la conduite de la PMU équivalait à un détournement. Selon Charles Byaruhanga, conseiller au budget, la PMU était tout simplement sous-qualifiée pour accomplir sa tâche. «Il s’agissait d’un projet de 200 millions de dollars, et ils [le ministère des Finances] ont embauché des personnes qui n’avaient presque pas d’expérience de la gestion de projets. Il était donc évident qu’il allait y avoir des problèmes avec la manière dont elles allaient opérer», a-t-il commenté. «C’est comme si on avait ouvert le robinet sans se soucier de ce qui allait arriver à l’eau. Les résultats de l’enquête révèleront s’il s’agissait d’incompétence ou de corruption», a dit M. Byaruhanga. Le ministre ougandais de la Santé, Jim Muhwezi, a indiqué que le problème venait de la perte de certains documents par des organisations locales, opérant dans les régions reculées du pays. Ces révélations ont été retenues contre lui lors de sa comparution devant la commission d’enquête, le 21 mars dernier, l’enquête ayant révélé que le ministère était également concerné par des allégations de détournement de fonds et d’abus de pouvoir. Lorsque James Ogoola a dû se prononcer sur le rôle de Jim Muhwezi dans le recrutement des responsables de la PMU, il a affirmé : «N’est-il pas vrai que vous [Jim Muhwezi] vous êtes personnellement imposé [pour recruter le personnel] alors que vous ne possédiez aucune information contextuelle ? Vous avez donc agi avec préméditation.» Jim Muhwezi a nié tout comportement incorrect de sa part lors de la mise en place de la PMU. Des membres de diverses ONG, des employés des ministères du gouvernement et de la PMU ont comparu devant la commission nationale d’enquête, certains donnant des détails troublants sur la manière dont l’argent avait été gaspillé. Ainsi, les ministres ont obtenu plus de 30 000 dollars de primes pour la fin de l’année 2004. «Je n’ai jamais dépensé un shilling [la monnaie ougandaise] dans des activités ne s’inscrivant pas dans le cadre de mon mandat de ministre», a déclaré le ministre délégué à la Santé Michael Mukula, lors de sa comparution devant la commission d’enquête le 20 mars, alors qu’il était questionné par M. Ogoola sur les irrégularités de la gestion des financements. «Vous ne vous intéressez guère à la gestion. Vous ne pouvez pas fuir vos responsabilités, vous êtes ministre – vous êtes responsable de chaque shilling dépensé»,a répliqué James Ogoola. Selon lui, certaines structures de gestion du ministère de la Santé n’ont ‘ni queue ni tête’ et ne sont guère plus qu’un ‘tas d’ordures’. Quatre enquêteurs du Bureau des fraudes britanniques (Britain's Serious Fraud Office) sont venus en Ouganda pour assister la commission d’enquête. Ils passeront en revue plus de 130 témoignages afin de trouver d’autres domaines d’investigation éventuels. Selon un diplomate occidental, la présence de ces enquêteurs ‘apportera de la crédibilité’ à l’enquête en cours. Plus de poids accordé à la société civile ? Des personnages clé de la société civile ougandaise ont exigé que la philosophie et le processus d’attribution des subventions du Fonds mondial soient repensés. Selon Rubaramira Ruranga, un ancien militaire très engagé dans la lutte contre le VIH, la façon dont le Fonds mondial accorde ses subventions est ‘défectueuse’ et elle ‘incite à la corruption’. «Lorsque vous versez de l’argent dans les caisses d’un ministère qui connaît des problèmes financiers, vous devez vous attendre à rencontrer des problèmes», a-t-il souligné. «A mon avis, la meilleure solution est d’octroyer des financements à des ONG nationales et internationales qui ne subiront pas l’influence du gouvernement. Ainsi, elles pourront mettre en place une politique transparente de lutte contre le VIH/SIDA, le tuberculose et le paludisme», a-t-il ajouté. Selon Charles Byaruhanga, il ne faut pas séparer la société civile du service public. «Chaque partie a un rôle à jouer. Nous ne nous opposons pas à ce que la société civile soit le bénéficiaire principal des financements, mais nous devons nous poser la question suivante: a-t-elle les capacités financières et directoriales suffisantes pour accomplir ce rôle ?», s’est-il interrogé. Le Fonds mondial a indiqué à PlusNews que la société civile serait désormais chargée de superviser les activités de la nouvelle PMU. Dans une réponse écrite, l’institution de financement a indiqué que les subventions ne pourront être proposées que par l'instance de coordination nationale (CCM en anglais), qui «représentera le pays dans son ensemble. Cela consistera en un partenariat entre l’ensemble des parties du pays, dont le gouvernement, la société civile, le secteur privé et les communautés touchées.» Les partenaires de la société civile restent néanmoins inquiets. «Nous ne devons pas exclure de retomber dans le même piège, car au bout du compte, le gouvernement reste le principal bénéficiaire. Nous pouvons participer à la proposition, mais la gestion des fonds au jour le jour reste entre les mains du gouvernement», a déclaré l’une des ONG, membre du CCM, sous le couvert de l’anonymat. «J’aurais aimé qu’un meilleur système de contrôle soit mis en place», a-t-elle ajouté. Ce n’est qu’en septembre 2006 que Ernst & Young se retirera au profit d’une nouvelle PMU, que le ministère des Finances doit proposer d’ici la fin du mois de juin. Ce nouvel organe de gestion de fonds devra être capable de gérer un projet, dont le montant s’élève à des centaines de millions de dollars et qui bénéficiera en premier lieu aux personnes séropositives. Selon le ministère, la priorité doit être donnée à l’amélioration des structures de gestion afin que le peuple ougandais ait de nouveau confiance dans son gouvernement.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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