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Les homosexuels, volontairement exclus de la lutte contre le sida

Si Crystal Namanya est venu se détendre dans un bar karaoké peu éclairé de la banlieue de Kampala, c’est qu’il compte encore parmi les rares endroits de la ville où les homosexuels se sentent en sécurité, en dépit des descentes de police. L’homosexualité est considérée par la majorité des Ougandais comme ‘non-africain’ et ‘non-chrétien’. Les autorités préfèrent ignorer l’existence des minorités sexuelles et la loi punit sévèrement tout acte jugé ‘contre nature’ : la sodomie est passible de l’emprisonnement à vie. «On a l’impression qu’on ferait mieux de ne pas exister», a révélé Crystal Namanya. «Le jour où tu découvres que tu es homosexuel, tu perds tout. Les gens te regardent comme si tu étais malade, d’autres disent que tu es ensorcelé.» Conséquence de ce déni de l’homosexualité, le programme national de lutte contre le VIH/SIDA ne prend pas en compte les minorités sexuelles, et ce malgré les preuves scientifiques attestant que les homosexuels ont plus de risques d’être contaminés au VIH que les autres groupes de la population. Un rapport mondial rédigé en 2000 par le Programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA (Onusida) intitulé 'AIDS and men who have sex with men' (‘Le sida et les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes’) a rappelé que la pratique de la pénétration anale non protégée était le comportement sexuel à risque le plus élevé face au VIH. Pourtant, aucune étude n’a été menée en Ouganda pour établir le taux de prévalence du VIH/SIDA parmi les homosexuels. Au cours des années 1980 et 1990, la détermination du gouvernement du président Yoweri Museveni à lutter contre le sida, un sujet alors très tabou en Afrique, avait été saluée par la communauté internationale à de nombreuses reprises. L’Ouganda est le premier pays à avoir mis en place la stratégie de prévention baptisée «ABC» en anglais, pour ‘abstinence, fidélité et préservatif’. Cette stratégie, qui est désormais appliquée sur l’ensemble du continent, a permis à l’Ouganda de faire chuter son taux de prévalence de plus de 20 pour cent à environ six pour cent. «Il n’est pas question des homosexuels et des lesbiennes dans le cadre national stratégique, car l’homosexualité est illégale», a déclaré James Kigozi, porte-parole de la Commission ougandaise de lutte contre le VIH/SIDA. «Ces deux groupes [les homosexuels et les lesbiennes] sont marginaux, leur nombre est insignifiant.» La stratégie ABC mise en place en Ouganda s’adresse à l’ensemble de la population ougandaise, y compris aux homosexuels, a récemment maintenu le ministre de la Santé Jim Muhwezi. «Ils ne méritent pas qu’on leur adresse un message spécial. Ils ne devraient pas exister. On aimerait qu’ils n’existent pas. Mais s’ils doivent exister, la stratégie tripartite ABC s’adresse à eux, et ils doivent se contenter de cela», a dit M. Muhwezi. La politique du ‘faux semblant’ Selon un médecin ougandais qui travaille avec les minorités sexuelles depuis trois ans, il est faux d’affirmer, comme le font les autorités, que la prévalence nationale du VIH/SIDA établie à six pour cent vaut également pour les homosexuels. «En Ouganda, lorsqu’on découvre qu’une personne est séropositive, on ne l’interroge pas sur ses comportements sexuels. Par conséquent, les statistiques que nous avons concernent les hétérosexuels», a-t-il affirmé, sous couvert d’anonymat. Selon lui, bien qu’il n’existe aucune statistique, le taux de prévalence du VIH/SIDA parmi les homosexuels est largement supérieur à la moyenne nationale, car la plupart d’entre eux ignore les risques de contracter des infections sexuellement transmissibles (IST) via des rapports sexuels non protégés. Le médecin a attribué cette ignorance à la ‘politique du faux semblant’ qui nie délibérément l’existence des homosexuels. «Ils existent et ils représentent la population la plus vulnérable au VIH/SIDA, ils doivent par conséquent être pris en compte et informés», a-t-il insisté. «Certains garçons pensent que coucher avec un homme n’est pas dangereux car sur toutes les affiches qu’ils voient en ville, ce sont des couple hétérosexuels qui sont représentés. Dans les messages qui accompagnent ces affiches, rien n’est dit sur l’utilisation du préservatif chez les couples homosexuels, par conséquent ils pensent que c’est moins dangereux de coucher avec un garçon qu’avec une fille», a expliqué Joel, un jeune homosexuel de 20 ans qui vit à Kampala. Dans une pizzeria du centre de Kampala connue des homosexuels pour être un ‘endroit amical’, Joel a raconté la confusion qu’il a éprouvée lorsqu’il a découvert son homosexualité à l’âge de quatorze ans. Dès lors, son père, dont l’attitude était devenue plus libérale après un séjour au Royaume-Uni, l’a encouragé à faire un test sanguin tous les mois. Joel a reconnu que contrairement à d’autres homosexuels de sa génération, il avait eu de la chance de recevoir un soutien financier et psychologique de la part de sa famille. Ce soutien lui a permis de réduire les risques de contracter le VIH/SIDA. Par crainte de devoir répondre à des questions concernant leur orientation sexuelle, un grand nombre d’homosexuels et de lesbiennes préfèrent ne pas consulter un médecin lorsqu’ils présentent des symptômes d’une IST. Dans son rapport, l’Onusida a demandé aux gouvernements de lutter contre les préjugés existants et de promouvoir ‘une attitude non discriminante vis à vis des minorités sexuelles’. Mais ces recommandations sont restées lettre morte en Ouganda, a souligné Beatrice Were, chercheuse et analyste politique auprès d’ActionAid Ouganda. «Nous n’avons aucun champ d’action car nous sommes contraints par la loi», a-t-elle déclaré. Par exemple, en 2005, le Parlement ougandais a adopté un amendement à la constitution rendant illégal le mariage homosexuel. Elle a reconnu que les préjugés existaient également au sein des organisations non gouvernementales, qui ne tiennent pas compte des besoins des minorités sexuelles. «Pour la plupart, nous n’assumons pas nos discours, et par conséquent nos campagnes de prévention sont biaisées», a-t-elle affirmé. Les homosexuels et les lesbiennes n’ont donc pas accès aux informations, aux traitements et aux conseils relatifs au VIH/SIDA. «Désormais, nous devons être honnêtes avec nous-mêmes et parler des minorités sexuelles», a-t-elle affirmé. «Si on attend que l’existence [du VIH parmi les minorités sexuelles] soit enfin reconnue, il sera trop tard pour agir.»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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