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Les patients exigent moins de discours et plus d’action

Alors que les autorités viennent de lancer un nouveau programme de lutte contre le VIH en région forestière, dans le sud-est de la Guinée, les personnes vivant avec le sida s’indignent de ne toujours pas avoir accès aux traitements. Si, en Guinée, le taux de séroprévalence est estimé à 2,8 pour cent de la population, à Nzérékoré, la principale ville de la région forestière, l’une des moins équipées en services sanitaires, le niveau d’infection atteint sept pour cent, selon les autorités. Pourtant, aucun des programmes en faveur des personnes infectées ou à risque lancés ces derniers mois par le gouvernement et le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) ne fournit des médicaments antirétroviraux (ARV) aux personnes vivant avec le VIH/SIDA. Tandis que les bailleurs tardent à débloquer des fonds, des gens continuent à mourir prématurément dans une souffrance inacceptable, a déclaré Antoine Sandy, fondateur et responsable d’Espérance Vie Saine, une ONG locale et un groupe de soutien au service des personnes vivant avec le virus. «Quand vous pensez aux sommes d’argent qui sont dépensées pour la venue des officiels (environ six millions de francs guinéens, soit 1,3 millions de dollars) ! Cet argent aurait pu servir à mettre aux normes le laboratoire de l’hôpital ou il aurait pu permettre à cette jeune fille qui vient de mourir de suivre un traitement pendant deux ans», s'est exclamé Antoine Sandy, lui-même séropositif depuis 1997. Nzérékoré est située en plein cœur de la région forestière et luxuriante de la Guinée, à proximité de la frontière avec le Liberia, la Côte d’Ivoire et la Sierra Leone, des pays dévastés par la guerre. Au fil des années, cette région a accueilli des centaines de milliers de réfugiés et de déplacés, fuyant les zones de conflit. Les partenaires de la Guinée ont depuis longtemps identifié la région forestière comme une zone à forte concentration de cas d’infections au VIH/SIDA. “La situation d’instabilité sous-régionale a provoqué d’intenses mouvements forcés de populations entre la Guinée et ses voisins, mais aussi entre des zones de séroprévalence différente”, soulignait ainsi une étude publiée en avril dernier par le Comité guinéen de lutte contre le sida. Cependant, Nzérékoré ne dispose d’aucun équipement pour prendre en charge les patients. A l’hôpital, le personnel de santé n’a aucun moyen de mesurer la charge virale, de déterminer le taux de CD4 ou de vérifier l’impact des traitements, des examens indispensables au suivi des patients sous ARV.
Map of Guinea showing location of Forest Region.
Le taux d’infection au VIH pourrait grimper à 13 pour cent dans les zones rurales de Guinée forestière
Le docteur Bernadette Dramou, coordinatrice du nouveau programme de lutte contre le VIH/SIDA du FNUAP à Nzérékoré, a indiqué à PlusNews que son but était de jeter les bases d’une prise en charge thérapeutique. «Ce programme consiste d’abord à faire de la prévention et à socialiser les personnes vivant avec le virus», a expliqué le docteur Dramou. «Il est important car il s’agit d’une initiative régionale menée dans l’ensemble des pays membres de l’Union du fleuve Mano [la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone] et en Côte d’Ivoire.» D’abord préparer l’hôpital à la prescription d’ARV Elle a insisté sur le fait que les équipements de laboratoire doivent d’abord être mis aux normes et le personnel de santé formé. «Nous devons avant tout équiper et améliorer les laboratoires», a dit le médecin, ajoutant que ce programme régional reçoit le soutien financier de la Banque africaine de développement. Cependant, le docteur Dramou a dit espérer que les pourparlers engagés entre le gouvernement guinéen et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme permettront de débloquer rapidement des fonds afin d’étendre la distribution de traitements ARV à la région forestière. Mais Antoine Sandy a perdu espoir. «Tout ce que nous avons reçu jusqu’à présent c’est de la ‘sensibilisation’ et toujours plus de ‘sensibilisation’. Nous sommes trop sensibilisés ici à Nzérékoré, et les malades, eux, sont oubliés», a-t-il dit. «La priorité est de donner des traitements aux malades, et après on pourra s’engager entièrement à lutter contre la propagation de la maladie.» M. Sandy, qui vit avec sa vieille mère, se rend tous les trois mois à Conakry, la capitale, pour mesurer son taux de CD4. Il se dit chanceux de faire partie des 60 personnes qui reçoivent un traitement gratuit de la part de Caritas, une organisation caritative de l'Eglise catholique. Mais ce programme va bientôt prendre fin et le 25 mars, Antoine Sandy se rendra une dernière fois à Conakry pour recevoir son traitement de trois mois. Ensuite, il devra se débrouiller. «Le gouvernement demande 35 000 francs guinéens (huit dollars américains) pour un traitement d’un mois, mais il faut aller chercher les médicaments à Conakry ou à Guékédou», a expliqué M. Sandy. «On peut trouver des ARV à Nzérékoré mais ils sont quatre à cinq fois plus chers que ceux du gouvernement et les vendeurs n’ont aucune idée de la prescription.»
[Guinea] Transportation is rare in Guinea and taxi brousse cars are stuffed with travellers, June 2004.
La route de Conakry est épuisante pour les personnes vivant avec le sida
Conakry se trouve à un peu plus de 1 000 kilomètres de Nzérékoré, soit à une vingtaine d’heures de routes cahoteuses et encombrées de Nzérékoré. La ville de Guékédou, où l’organisation humanitaire Médecins sans frontières distribue aussi des ARV, n’est elle qu’à six heures de route, mais les voies d’accès sont tout aussi difficiles. Selon Antoine Sandy, de tels trajets sont onéreux et un calvaire pour les patients. «En règle générale, une personne qui va chercher un traitement ARV est déjà très faible et un tel voyage est un véritable cauchemar», a confié Antoine Sandy, qui fait le voyage tout seul, quatre fois par an. «Beaucoup de mes amis sont morts pour rien. Si on avait eu des ARV ici, ils ne seraient pas morts. J’ai reçu un traitement, c’est la raison pour laquelle je suis encore en vie. Mais ce qui va m’arriver en juillet lorsque le traitement va prendre fin, je n’en sais rien.»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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