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Des traitements antirétroviraux mais pas de patients

En l’absence de politique de dépistage et de décentralisation de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA, le programme de traitement antirétroviral a du mal à démarrer au Niger, un pays où la stigmatisation reste forte. "Nous avons de l’argent, le dépistage est possible, les antirétroviraux (ARV) sont disponibles mais les gens ne fréquentent pas les centres de prise en charge", a dit le docteur Abdoulaye Bagnou, conseiller VIH/SIDA attaché au Premier ministre. Environ 350 personnes reçoivent un traitement au Niger depuis la mise en place de l’initiative nigérienne d’accès aux ARV (Inarv) fin 2004, qui prévoit de distribuer gratuitement ces médicaments qui prolongent et améliorent la vie des personnes vivant avec le VIH. "Avant, je devais aller jusqu’à Ouagadougou [la capitale du Burkina Faso, à 527 km de Niamey] pour acheter des ARV", a témoigné Issoufou Aboubacar. Comme les 228 autres patients du Centre de traitement ambulatoire (CTA) de la Croix Rouge, Aboubacar reçoit ses ARV dans ce centre de la capitale nigérienne. Les autorités veulent mettre 4 000 personnes sous ARV grâce aux financements internationaux, mais cet objectif est loin d’être atteint. Pour la période 2003-2008, la Banque mondiale a accordé au Niger un financement de 25 millions de dollars dans le cadre de son plan d’action multisectoriel contre le VIH/SIDA (MAP). De son côté, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a approuvé en août 2004 un financement de 12 millions de dollars sur deux ans. Selon les autorités, les difficultés viennent, notamment, de la peur du dépistage. "Le sida est toujours une maladie honteuse au Niger", a dit Bagnou. "En haoussa, sida se dit ‘bonjour la tombe’", a précisé le docteur Louis Pizarro, chef de mission de l’organisation française Solidarité et initiatives thérapeutiques contre le sida, Solthis. Le taux d'infection ne reflète pas la réalité Pour de nombreux acteurs de la lutte contre le sida, le taux de prévalence serait beaucoup plus élevé que prévu, compte tenu de l’importance de la stigmatisation des personnes séropositives. En attendant qu’une nouvelle enquête démographique et sanitaire soit lancée cette année, la dernière enquête sentinelle, menée en 2002, a estimé le taux national de prévalence à 0,87 pour cent. Quant au programme conjoint des Nations Unies sur le sida, Onusida, il a estimé ce taux d’infection à 1,2 pour cent fin 2003, soit environ 144 000 personnes vivant avec le virus dans un pays d’environ 12 millions d’habitants. "Les gens ne se font pas dépister en raison de la stigmatisation liée au poids de la religion, à la montée de l’intégrisme et à la condition de la femme", a estimé, sous couvert d’anonymat, un responsable d’organisation non-gouvernementale qui travaille dans ce pays musulman, parmi les plus pauvres du monde. "Les patients arrivent (dans les hôpitaux) en fin de maladie, ils ne sont donc pas pris en compte dans les statistiques sanitaires", a-t-il ajouté, suggérant que les malades meurent rapidement après leur arrivée dans les centres de santé. Par ailleurs, a souligné Bagnou, ces chiffres relativement faibles ne reflètent pas les disparités importantes qui existent entre les villes et les campagnes (respectivement 2,8 et 0,64 pour cent) et entre les différentes catégories de population. Selon l’enquête sentinelle de 2002, le taux d’infection au VIH parmi les travailleuses du sexe est d’environ 25 pour cent, avec des pics jusqu’à 50 pour cent à Dirkou, dans l’extrême nord du pays, une zone de transit vers la Libye et l’Europe. Il est de 3,8 pour cent chez les militaires, 1,7 pour cent chez les chauffeurs routiers et 1,4 pour cent chez les enseignants. Pourtant, de nombreux activistes ont estimé que la stigmatisation n’expliquait pas tout. Les difficultés à identifier les patients proviendraient aussi de l’absence d’une réelle politique de promotion du dépistage volontaire. "Si ces personnes ne peuvent pas être prises en charge, c’est qu’on ne les connaît pas", a regretté un travailleur humanitaire à Niamey. "Il n’y a pas de réseau de dépistage ni de stratégie ni de structure adaptée à l’ensemble du pays. Avant même de chercher à décentraliser la prise en charge, il faut trouver les patients". Une des priorités fixés par les autorités pour lutter contre le sida est, en effet, la décentralisation de la prise en charge. Mais les centres de prescription de traitements antirétroviraux sont rares dans ce pays grand comme plus de deux fois la France et aux trois quarts désertique. Sur les cinq qui fonctionnent, quatre se trouvent dans la capitale. Le cinquième est à Galmi, à environ 500 km à l’est de Niamey, non loin de la frontière avec le Nigeria. En outre, moins d’une trentaine de médecins ont été formés à la prescription des ARV et la quasi-totalité d’entre eux exerce à Niamey, a reconnu Bagnou. Il a ajouté que, faute de ressources humaines suffisantes, le décaissement des financements internationaux prenaient du retard, le tissu associatif national et la société civile étant trop faibles pour accompagner ou faciliter la décentralisation de la prise en charge. A Tillabery, à 150 km au nord-ouest de Niamey, c’est l’association de lutte contre la délinquance qui prend en charge les orphelins du sida, en l’absence d’autres structures, a dit Pizzaro de Solthis. Malgré ces difficultés, le nombre de patients a augmenté de 30 à 50 entre janvier 2004 et juin 2005, a constaté le CTA de Niame, qui a ajouté que 14 pour cent des 2 000 personnes dépistées étaient séropositives. Selon le docteur Moussa Idé, le directeur du CTA, pourrait atteindre 1 000 patients d’ici la fin de l’année, alors que sa capacité n’excède pas 800 personnes en file active. "Cette situation s’explique par le fait que les malades sont convaincus que la prise en charge du CTAest réelle et efficace", a estimé Idé. "Quelqu’un qui [pesait] 80 kilos avant la maladie, qui rentre au CTA avec 35 kilos et qui retrouve son poids antérieur, cela suffit comme preuve". Sani est un patient du CTA, mais personne ne le sait. "Les gens ne se rendent même pas compte que je suis malade", a-t-il expliqué à PlusNews. "Dans ce pays, dès que vous maigrissez, on vous accuse automatiquement de traîner le sida, et vous mourrez par anticipation, du fait de la stigmatisation. Les ARV sont là pour nous soutenir et nous cacher notre honte".

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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