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La peur de la stigmatisation contraint les femmes à cacher leur séropositivité

Parce que Zeni a eu peur d’annoncer sa séropositivité lors de son accouchement en urgence, son bébé, né prématurément, n’a pas reçu le traitement qui aurait pu lui éviter d’être infecté à son tour par le VIH/SIDA. La jeune fille, séropositive, rendait visite à sa mère dans la province du KwaZulu-Natal, quand elle a dû être transportée d’urgence à l’hôpital des environs. Contrairement à ce qui était prévu -- une césarienne à l’hôpital de Soweto, dans la banlieue de Johannesburg -- elle a dû accoucher à Edendale, à environ 500 km de là. Zeni a eu peur de révéler au personnel médical qu’elle était séropositive et son petit garçon n’a pas pu recevoir la dose de Névirapine dont il avait besoin. «On ne lui a pas donné le sirop. Peut-être que s’il l’avait eu, il n’aurait pas eu de problème», a dit Zeni, un nom d’emprunt. A neuf mois, Thabo fait toujours de fréquents séjours à l’hôpital, où le personnel d’un service pédiatrique bondé lui donne du lait pour bébé. Malgré ses yeux brillants et son sourire, ses petits bras sont osseux et c’est un tube à oxygène qui le relie à la vie. Séropositif et tuberculeux, il fait également des infections pulmonaires à répétition et doit être hospitalisé régulièrement. «J’ai beaucoup de peine. Moi, au moins, je sais ce qu’est la vie, mais mon fils ? Il ne connaît rien, il est encore petit» a-t-elle expliqué, en serrant son bébé contre elle. «Quand je regarde Thabo, j’ai envie de pleurer. Je me dis qu’un jour, il va devenir tout maigre. La plupart des gens qui ont contracté ce virus-là deviennent tout maigres.» Malgré tout, Zeni, à 30 ans, demeure une jeune femme pétillante et enthousiaste. Tandis que sa mère s’occupe de Thabo, elle lutte pour conserver un travail mal rémunéré et s’occuper de son fils aîné, qui est séronégatif. Jusqu’à présent, elle n’a mis personne au courant de sa sérologie, pas plus son compagnon que sa famille ou ses amis ; seul le personnel de l’hôpital sait pourquoi son bébé est en si mauvaise santé. Comme beaucoup d’autres femmes, Zeni craint d’être montrée du doigt par ses compatriotes. «Ce n’est pas facile de l’avouer... on pense que les gens vont peut-être nous négliger.» Ces trois dernières années, 25 000 femmes ont appris leur séropositivité après un test de dépistage dans l’une des 13 cliniques publiques de Soweto, la plus grande commune du pays. Pour les conseillers de l’Unité de recherche périnatale sur le VIH (PHRU) de l’hôpital Baragwanath de Soweto, l’une des plus grandes organisations de recherche sur le sida du continent, la difficulté qu’ont les femmes à révéler leur statut constituerait l’un des plus grands obstacles à la lutte contre le VIH/SIDA. Selon Ray Lazarus, un psychologue du PHRU, de nombreux conseillers se sentent frustrés et impuissants lorsqu’une patiente refuse de se confier. Il précise cependant que l’expérience a montré, partout dans le monde, «que nous devions considérer ce type de révélation comme un processus, et non comme un événement en soi». Selon une étude menée par le PHRU l’année dernière, la plupart des femmes finissent par se confier à un membre de leur famille ou à un ami. En revanche, beaucoup renoncent à mettre leur compagnon au courant. Dolores, 34 ans et mère de deux enfants, n’a pu révéler sa séropositivité à John, le père de son second enfant. «Vous savez, le problème est de savoir qui a contracté la maladie le premier. Je ne sais pas si c’est moi qui l’ai contractée au cours de ma première relation ou bien si c’est John qui l’a depuis le début. Mais au bout du compte, ça va être ma faute», a-t-elle expliqué. Bien souvent, la peur d’être stigmatisées et rejetées est démesurée. «En général, leur peur prend des proportions excessives par rapport à ce qui se passe en réalité. Les femmes pensent que si elles révèlent leur séropositivité, elles seront rejetées. En réalité, cela arrive rarement», a expliqué Zandile Myeni, directeur du projet de prévention de la transmission mère-enfant (PTME) au PHRU. Néanmoins, la peur d’être marginalisées, jetées hors du domicile familial ou accusées d’avoir transmis le virus au bébé est une barrière énorme, qui empêche les femmes de se confier. Garder le silence peut engendrer de telles tensions que cela peut accélérer le déclenchement de la maladie. Le VIH/SIDA est une maladie stigmatisante au même titre que la lèpre, le cancer ou la tuberculose, mais l’épidémie est en outre liée à des sujets tabous comme le sexe ou la mort. Les personnes vivant avec le VIH/SIDA sont très fréquemment perçues comme des individus aux mœurs légères, des «morts vivants» ou encore des personnes sales. Dans le cadre du projet «VIH/SIDA et médias», géré par le PHRU et l’école de journalisme de l’université du Witwatersrand, Philippa Garson a interrogé des femmes séropositives. Selon la chercheuse, plusieurs d’entre elles ont affirmé ne pas vouloir révéler leur statut à leur famille et à leur amis à cause de «la manière dont ils parlent des séropositifs». Ainsi, la sœur de Karabo, qui vient tout juste d’accoucher, lui a dit qu’elle «détestait [les séropositifs]». «Quand je lui ai dit “Et si j’étais séropositive ? ”, elle m’a répondu “Tu ne mettrais plus les pieds chez moi”», a raconté cette jeune réceptionniste. Beaucoup espéraient que le plan gouvernemental de distribution gratuite d’antirétroviraux (ARV), lancé cette année, atténuerait la stigmatisation des personnes vivant avec le virus en présentant le sida comme une maladie chronique et vivable, et non plus comme une affection fatale. Mais le programme est lent à démarrer. Le gouvernement s’était engagé à fournir des médicaments à 53 000 personnes avant mars 2005. Seuls 45 000 patients reçoivent un traitement ARV aujourd’hui. Pour Evelyn Keswa, coordinatrice du programme de PTME à la clinique communautaire Lilian Ngoyi de Soweto, l’éducation est la seule solution pour empêcher la stigmatisation. «Les gens doivent comprendre qu’un séropositif n’a pas forcément eu plus de relations sexuelles qu’un séronégatif. Ils doivent accepter les séropositifs et comprendre que n’importe qui peut contracter le virus.»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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