Chaque mois, la clinique offre ses services à environ 450 patientes, mais ces dernières ne représentent qu’une infime portion des 1,1 million d’habitants du Timor-Leste, dont la plupart vivent dans des régions rurales isolées, et n’ont qu’un accès limité à l’éducation sanitaire et aux services de santé.
Selon le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), les femmes du Timor-Leste (la plus jeune nation indépendante du monde et le pays le plus pauvre d’Asie) donnent naissance à 6,38 enfants, en moyenne, au cours de leur vie, soit un des taux de fécondité les plus élevés du monde, en deuxième position derrière l’Afghanistan.
Melinda Mousaco, directrice nationale de Marie Stopes International Timor-Leste, a expliqué à IRIN que les populations, en particulier dans les régions rurales, ne connaissaient « presque rien » à la planification familiale et à la santé reproductive.
« Après l’indépendance, il y a eu un baby boom. C’est parce qu’en temps de crise, il n’y a pas de travail et beaucoup de stress. Les gens vivent ensemble et n’ont rien à faire, et bien sûr, leur vie tourne autour de leur activité sexuelle » |
Baby boom
Le Timor-Leste a officiellement obtenu son indépendance de l’Indonésie en 2002, à la suite d’une longue lutte séparatiste et des flambées de violence de 1999, et à en croire les experts de la santé, le conflit et le chômage sont les facteurs clés de la croissance démographique forte observée dans le pays.
« Après l’indépendance, il y a eu un baby boom, a expliqué Alita Verdial, directrice générale de la Fondation Alola. C’est parce qu’en temps de crise, il n’y a pas de travail et beaucoup de stress. Les gens vivent ensemble et n’ont rien à faire, et bien sûr, leur vie tourne autour de leur activité sexuelle ».
La stratégie adoptée dans le pays pour faire face à la croissance démographique est centrée sur l’espacement des grossesses : il est demandé aux mères d’attendre trois ans entre deux naissances.
D’après Mariano Redondo, responsable de communication de l’UNFPA au Timor-Leste, il est essentiel d’observer un intervalle adéquat entre deux naissances pour endiguer les taux de mortalité des mères et des nourrissons, et cet intervalle est au cœur de la stratégie de planification familiale adoptée par le gouvernement.
« Le taux de mortalité augmente parce que les femmes n’ont pas le temps de se rétablir d’une grossesse à l’autre. Et les enfants en souffrent, parce qu’ils n’ont pas les mêmes opportunités s’il y a 10 enfants dans la maison, que s’il y en a deux ou trois, par exemple ».
Selon un rapport sur les Objectifs du millénaire pour le développement au Timor-Leste, publié en 2009 par les Nations Unies, le taux de mortalité infantile s’élevait à 130 pour 1 000 en 2004, dernières statistiques publiées, l’objectif étant de réduire ce taux à 96 pour 1 000 d’ici à 2015.
Photo: David Swanson/IRIN |
Les femmes des régions rurales n’ont que peu ou pas d’information sur la santé reproductive |
Facteurs culturels
Malgré les dispositions prises au sein de la Constitution en vue de séparer l’Eglise de l’Etat, l’Eglise catholique reste influente au Timor-Leste et n’approuve pas officiellement les moyens de contraception tels que le préservatif, la pilule, les injections ou la chirurgie, selon Alita Verdial.
En raison des normes religieuses et des pressions culturelles, la plupart des femmes qui cherchent à limiter le nombre de leurs enfants privilégient les injections d’hormones, plus faciles à dissimuler, a-t-elle ainsi expliqué.
« Les femmes du village me disent qu’elles préfèrent cette méthode pour que leurs maris ne l’apprennent pas, ce qui signifie que les femmes n’ont pas encore le pouvoir de décider du nombre d’enfants qu’elles veulent avoir ».
Les activistes de la planification familiale doivent trouver un terrain d’entente avec les dignitaires religieux, a-t-elle estimé.
« Nous ne pouvons pas changer l’Eglise », a déclaré Alita Verdial. « Mais nous devons dialoguer davantage avec elle pour trouver comment améliorer la qualité de vie du peuple, dans ce pays ».
Toutefois, d’après Melinda Mousaco, les professionnels de la santé reproductive se heurtent également à d’autres obstacles culturels.
La politique de planification familiale en vigueur pendant l’occupation indonésienne, de 1975 à 1999, imposait aux familles de n’avoir pas plus de deux enfants. Or, selon Mme Mousaco, les populations continuent d’assimiler négativement la planification familiale à ce programme.
« Nous avons découvert que c’était un obstacle important », a-t-elle expliqué. « Nous essayons d’éviter le terme “planification familiale” car les gens pensent immédiatement que nous sommes là pour mleurl imposer des injections [d’hormones] ou d’autres choses de ce type. Notre politique recommande simplement “les enfants par choix, pas par hasard” ».
Photo: David Swanson/IRIN |
Deux frères timorais dans les rues de Dili. Environ la moitié de la population du pays a moins de 15 ans |
Environ la moitié de la population du Timor-Leste a moins de 15 ans, selon Melinda Mousaco, et si le pays espère freiner sa croissance démographique, il lui faut avant tout éduquer les adolescents en matière de santé reproductive.
Il est crucial d’éduquer les populations « si nous voulons ralentir la croissance démographique dans ce pays, où la croissance économique est de toute évidence lente. Mais si les habitants se reproduisent jeunes, nous allons continuer à avoir ce cycle de croissance démographique que le pays ne pourra pas gérer », a-t-elle expliqué.
Selon Luiza Barros, responsable de la santé reproductive des adolescents au sein du gouvernement, les efforts déployés par le pays en vue d’informer les jeunes sont cruciaux pour l’avenir de la nation.
« Au sein de la jeune génération d’aujourd’hui, de nombreux jeunes ont déjà contracté des maladies sexuellement transmissibles telles que le VIH/Sida, et beaucoup d’autres y sont exposés. Informer sur la santé reproductive peut permettre d’éviter cela ».
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