Mais après son arrivée, on lui a confisqué son passeport, et il a été forcé à travailler 13 heures par jour, pour gagner à peine de quoi vivre.
Le jeune homme, à qui on interdisait de quitter le site de l’usine, ne savait pas s’il pourrait un jour s’échapper.
« C’était épuisant… Je dormais très peu et j’étais payé moins que les autres ouvriers », a raconté à IRIN ce jeune de 23 ans, fils d’agriculteur de la province de Kandal, dans le sud du Cambodge.
D’après le Projet inter-organisations des Nations Unies sur la traite des êtres humains (UNIAP), chaque année, des milliers de Cambodgiens sont victimes de trafic à des fins de travail forcé – un chiffre qui risque d’augmenter en raison de la récession économique mondiale.
« Il est clair que certains facteurs laissent présager une aggravation du phénomène », a dit à IRIN, à Bangkok, Paul Buckley, coordinateur terrain pour l’UNIAP, en précisant que les suppressions d’emplois, la baisse des envois d’argent et l’augmentation des dettes constituaient les principaux indicateurs en jeu.
Les exportations cambodgiennes ont été gravement touchées par la crise financière mondiale, ce qui a conduit des milliers de travailleurs à perdre leur emploi.
« Dans un tel contexte, le travail des trafiquants est facilité », a expliqué M. Buckley, avant d’ajouter que les données chiffrées et les recherches concernant ce sujet étaient encore insuffisantes.
Au début de l’année, l’Organisation mondiale du travail (OIT) a fait part de ses prévisions, selon lesquelles le nombre de suppressions d’emplois pourrait franchir la barre des 45 000 cette année, affectant particulièrement les jeunes travailleurs, qui sont déjà confrontés à un manque de possibilités d’embauche.
« Il est de plus en plus difficile pour le Cambodge de fournir aux jeunes des opportunités de travail décent », a déclaré Ya Navuth, directeur de Coordination of Action Research and Mobility (CARAM), une organisation non gouvernementale (ONG) locale dont l’objectif est de réduire l’émigration illégale vers d’autres pays.
« Je pense que le gouvernement doit résoudre les problèmes du travail forcé et de l’émigration illégale en renforçant le marché du travail au plan national », a affirmé Ya Navuth.
« Les bateaux se transforment en véritables prisons, dans lesquelles les victimes endurent des conditions de travail inhumaines et des violences physiques » |
Traditionnellement, les gouvernements d’Asie du Sud-Est ont identifié les victimes des trafics comme étant des femmes et des enfants. D’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), on dispose de très peu de travaux de recherche portant sur le trafic des hommes à des fins de travail forcé.
Selon le gouvernement cambodgien, les hommes cherchent du travail à long terme dans la construction, les usines, la pêche et la transformation des produits de la pêche, principalement en Thaïlande.
« Les hommes constituent un groupe vulnérable, qui vient s’ajouter à ceux des femmes et des enfants », a dit à IRIN Lim Tith, coordinateur national de projets pour l’UNIAP au Cambodge.
« Ces hommes, qui essaient de faire vivre leur famille restée au pays, sont victimes de violences et de travail forcé », a-t-il expliqué.
D’après un rapport de l’UNIAP, publié en 2008, les principaux pays de destination des travailleurs migrants cambodgiens sont la Thaïlande, la Malaisie et Taïwan.
La Thaïlande est la première destination des victimes du trafic des êtres humains originaires du Cambodge.
Photo: Kounila Keo/IRIN |
Kou Channyyon a été victime de trafiquants, qui l’ont convaincu de quitter le Cambodge pour aller travailler en Malaisie |
Parmi les victimes des pires exploitations, une étude de l’UNIAP, publiée en avril 2009, cite les hommes et les jeunes garçons embarqués de force sur des bateaux de pêche au long cours qui font des allers-retours sur la mer de Chine méridionale pendant deux ans d’affilée, voire plus.
D’après cette étude, « Les bateaux se transforment en véritables prisons, dans lesquelles les victimes endurent des conditions de travail inhumaines et des violences physiques. Des cas de décès en mer sont fréquemment signalés, et les hommes sont parfois tués par les capitaines des bateaux thaïlandais ».
Jusqu’à mi-2008, la législation thaïlandaise en matière de trafic d’êtres humains ne donnait pas la possibilité aux hommes victimes de trafics d’être reconnus comme tels. Au lieu de cela, ils étaient considérés comme des immigrés illégaux, et donc passibles d’expulsion.
Selon le rapport 2008 de l’UNIAP, chaque année, environ 130 000 individus sont expulsés de Thaïlande en direction du Cambodge, et dans certains cas, il est tout à fait possible de prouver que les autorités thaïlandaises ou cambodgiennes n’ont pas identifié les victimes de trafic comme telles, et les ont expulsées de Thaïlande.
« Etant donné que le problème reste dans l’ombre, les ONG et le gouvernement ont plus de mal à faire leur travail », a expliqué Lim Tith.
Nouvelle loi
Le Cambodge a lancé une série de mesures visant à enrayer le trafic, votant notamment, en 2008, une loi reconnaissant pour la première fois que les hommes pouvaient être victimes de trafic, et mettant en place un cadre législatif facilitant la poursuite en justice des trafiquants.
Cependant, compte tenu de l’impact de la crise économique mondiale, il pourrait être difficile pour le gouvernement cambodgien de s’attaquer aux problèmes des migrations illégales et du trafic d’êtres humains, en raison de l’insuffisance des moyens financiers et humains à sa disposition, a observé Lim Tith.
« Ce qui compte à présent, c’est que le gouvernement ait la volonté politique de résoudre ces problèmes, bien que les moyens pour y parvenir soient très limités », a déclaré Lim Tith.
« Tant que les effets de la crise économique se feront sentir, les hommes seront toujours plus nombreux à rechercher du travail à l’étranger, et, pour certains, à être exploités par la crise financière », a-t-il ajouté.
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