Plusieurs centaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans abri à la suite de l’opération Murambatsvina, lors de laquelle des constructions « illégales » ont été démolies par des soldats et policiers, sur ordre du gouvernement ZANU-PF de l’époque. Cette opération a été largement perçue par les analystes comme une forme de représailles contre les citadins, qui avaient massivement soutenu le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), parti d’opposition.
Cependant, le projet de nettoyage urbain a cette fois été proposé par le conseil municipal MDC, en réaction à une épidémie de choléra qui a provoqué plus de 4 000 morts et environ 100 000 contaminations, et à l’impression croissante qu’Harare se transforme en un « nouveau Kibera », en référence à l’un des plus grands bidonvilles d’Afrique, qui se trouve en banlieue de la capitale kényane, Nairobi.
Le maire d’Harare, Muchadeyi Masunda, a déclaré à IRIN : « Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser se développer un nouveau Kibera ici, à Harare. Nous avons des règlements municipaux, et nous devons les faire appliquer, de manière à assainir les pratiques du conseil municipal, dans tous les domaines. » M. Masunda a affirmé que l’application des règlements était sélective.
« Par exemple, si nous n’empêchions pas les zones d’habitation illégales de continuer à s’étendre, et qu’une nouvelle épidémie de choléra se déclarait pendant la prochaine saison des pluies, ces zones d’habitation illégales favoriseraient certainement la propagation de maladies liées à l’eau, car elles ne disposent pas d’installations sanitaires et de systèmes d’approvisionnement en eau adaptés », souligne M. Masunda.
« [La] nouvelle opération de nettoyage est très risquée politiquement pour le MDC, car les gens vont dire qu’il n’y a presque pas de différence entre le ZANU-PF et le MDC » |
Un audit des logements locatifs municipaux, qui, au fil des années, ont été investis par des locataires illégaux, sera également organisé. Le conseil municipal est particulièrement inquiet de voir se multiplier les zones d’habitation illégales dans les banlieues riches de Gunhill et Borrowdale, ainsi que le long des cours d’eau de la ville.
« Nous ne devons pas encourager l’anarchie ; éliminons le plus rapidement possible toutes les constructions illégales, et rétablissons l’ordre », a déclaré le député maire Emmanuel Chiroto.
Le fait que ce projet de nettoyage soit programmé pour le milieu de l’hiver rappelle l’opération Murambatsvina (littéralement « chasser les ordures »), qui a privé de domicile plus de 700 000 personnes, et touché plus de deux millions d’habitants à travers le pays.
Murambatsvina avait suscité l’indignation de la communauté internationale, et conduit les Nations Unies à dépêcher une envoyée spéciale, Anna Tibaijuka, qui avait condamné « l’absence de discernement et l’injustice des méthodes utilisées », ainsi que « l’indifférence à la souffrance humaine » caractérisant l’opération.
Une résistance croissante
En 2005, Tichaona Shambare, commerçant informel habitant Kuwadzana, dans la banlieue ouest d’Harare, a vu son logement improvisé détruit par l’armée et la police. Depuis, il l’a reconstruit petit à petit, mais il craint à présent une nouvelle démolition.
« J’ai lu dans les journaux que l’on prévoit de lancer une opération de nettoyage qui sera bien organisée et ne fera pas de tort aux pauvres, mais je n’en crois pas un mot. Nous, les pauvres, nous serons les victimes de cette campagne, mais cette fois nous sommes prêts à défendre nos maisons, et nous ne laisserons personne les démolir », a-t-il déclaré à IRIN.
Eldred Masunungure, enseignant en sciences politiques à l’Université du Zimbabwe, a expliqué à IRIN que la décision de lancer cette campagne de nettoyage peut se défendre sur le plan de l’aménagement du territoire et de la santé publique, mais qu’une « nouvelle opération de nettoyage est très risquée politiquement pour le MDC, car les gens vont dire qu’il n’y a presque pas de différence entre le ZANU-PF et le MDC ».
Le maire d’Harare, M. Masunda, a annoncé que le projet de la ville, à long terme, était de fournir aux citadins pauvres des logements à bas loyers.
« Quand les habitations informelles seront détruites, nous examinerons les situations au cas par cas, et les personnes qui y auront droit se verront attribuer des logements locatifs municipaux. D’autre part, nous étudions également d’autres solutions à long terme, telles que la construction de nouveaux logements. »
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