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Difficultés d’accès aux soins, causes du taux de mortalité infantile élevé au Balouchistan

Dans sa petite maison de deux-pièces, près de Saraib Road, une rue animée de Quetta, la capitale poussiéreuse de la province pakistanaise du Balouchistan, Raheela Bibi, 30 ans, rapièce un vêtement d’enfant déchiré.

Ses six enfants, tous âgés de moins de 10 ans, vont et viennent, traînant leurs pieds nus sur le sol rugueux de la maison. Le plus jeune, un bébé de sept mois, se trouve dans les bras de sa fille de neuf ans, mais aucun enfant n’est scolarisé.

« Nous n’avons pas les moyens. Nous avons essayé de scolariser au moins les trois garçons, mais ce n’était pas possible », a affirmé, calmement, Mme Raheela.

Pour expliquer pourquoi sa famille, pauvre, qui survit avec moins de 70 dollars par mois, a choisi d’avoir autant d’enfants qu’elle nourrit et habille difficilement, Raheela, très philosophe répond : « Qui sait combien [d’enfants] Allah laissera vivre et grandir ? ».

Cette réponse permet de mieux comprendre le taux alarmant de mortalité infantile dans le Balouchistan et le manque de confiance des habitants dans le système de santé de la région.

Sandra Bisin, porte-parole du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) à Islamabad, la capitale, a expliqué à IRIN que « le taux de mortalité infantile au Balouchistan était très élevé et que 16 enfants sur 100 mouraient avant leur cinquième anniversaire ». Dans le reste du pays a-t-elle poursuivi, « 10 enfants sur 100 » meurent avant d’atteindre l’âge de cinq ans.

Un taux de mortalité infantile élevé

Plusieurs études montrent que le taux de mortalité infantile au Pakistan est le plus élevé de toute la région de l’Asie du Sud, et selon Society for the Protection of the Rights of the Child, une organisation non-gouvernementale (ONG) basée à Islamabad, il serait de 70 décès pour 1 000 naissances vivantes.

Ameera Imdad, 40 ans, voisine de Mme Raheela, a elle aussi perdu des enfants.

« Il y a huit ans, elle avait accouché de jumelles. Ces deux filles sont décédées à la suite d’une crise de diarrhée alors qu’elles n’avaient que quelques mois », a-t-elle dit.

Et même si ses cinq autres enfants vivent toujours, « la vision d’un enfant mort est une chose qu’une mère ne peut jamais oublier », a affirmé Mme Ameera.

Le Balouchistan est une province de plus de 347 190 kilomètres carrés, située dans le sud-ouest du Pakistan. C’est la plus grande des quatre provinces du pays et la moins peuplée (environ 10 millions d’habitants).

Mais le Balouchistan est aussi la province la moins développée du Pakistan, où le niveau de pauvreté, d’illettrisme et de malnutrition est particulièrement élevé ; ce qui crée un profond sentiment de frustration chez les habitants de la région qui pensent qu’ils ne bénéficient pas d’un traitement équitable de la part du gouvernement, en dépit des importantes réserves énergétiques de la province.

« Les Baloutches vivent et meurent dans des conditions abjectes, souvent sans aucune aide du gouvernement, et c’est la raison principale du sentiment de colère ici », a expliqué Fareed Ahmed, coordinateur de la Commission des droits humains du Pakistan (Human Rights Commission of Pakistan) à Quetta. Ils ont de « bonnes raisons » d’être en colère », a-t-il poursuivi, la population n’ayant qu’un accès limité aux « soins ou structures de santé ».

Absence de soins de santé

L’absence totale d’infrastructures et d’établissements de soins a un impact dévastateur sur la santé, celle des femmes et des enfants en particulier, a expliqué un habitant de la région. Presque toutes les familles semblent avoir une histoire à raconter.

« Mon frère avait un fils de quatre ans, Jamshed Ahmed, qui est décédé il y a cinq mois dans son village, dans le district de Khuzdar, à 300 kilomètres au sud-est de Quetta. Il a succombé à une péritonite, mais les médecins locaux n’ont pas pu diagnostiquer le mal à temps », a expliqué Qadeer Baloch, un étudiant en droit de 25 ans.

Au Balouchistan, les infrastructures sanitaires sont limitées et la plupart des personnes vivant dans les villages et hameaux disséminés à travers cette vaste province, n’ont, de leur vie, jamais rencontré un professionnel de la santé.

« Je n’avais jamais vu un médecin avant que mon fils ne m’amène à Quetta pour me faire opérer de la cataracte », a fait remarquer Jamalullah Mengal, un vieil homme de 75 ans qui a passé une bonne partie de sa vie dans un village isolé du district de Chagai, près de la frontière avec l’Iran.

Selon une étude sur les infrastructures sanitaires du Pakistan, publiée en 2006 et produite par Heartfile, une ONG qui travaille avec le gouvernement pakistanais sur les problèmes de santé, la plupart des centres publics de soins de santé primaires au Balouchistan sont dépourvus d’équipement de base. Près 60 pour cent de ces centres n’ont pas d’électricité et 70 pour cent n’ont pas d’eau potable.

Les conséquences de ces conditions de travail d’un autre âge sont confirmées par des statistiques qui font apparaître que le pourcentage de cas de diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans, lorsqu’un médecin a été consulté, est moins élevé au Balouchistan que dans toutes les autres provinces.

Une plus grande sensibilisation et des programmes d’extension des soins de santé ont, au cours des décennies, permis d’améliorer de manière significative ces statistiques. Toutefois, il reste que dans de nombreuses régions du Balouchistan, il faut des heures, voire des jours, pour accéder à des centres médicaux.

Pour les enfants, dont la plupart meurent de diarrhée ou d’autres complications gastriques, la situation est aggravée par la pénurie d’eau potable. En effet, dans bien des régions, être raccordé au réseau de distribution d’eau est considéré comme un luxe et la population doit parcourir plusieurs kilomètres pour s’approvisionner en eau potable.

L’UNICEF, pour sa part, confirme que « le manque d’accès à l’eau potable et à des systèmes sanitaires adéquats » est la principale cause de mortalité chez les enfants, des décès qui sont aussi étroitement liés à la pauvreté et à la malnutrition.

Selon certaines statistiques, chaque minute, un enfant meurt au Pakistan ; et cela semble particulièrement vérifié au Balouchistan. La fréquence de ces décès est plus élevée ici, et comme le fait remarquer Ameera Imdad, « des milliers de mères, dans cette province, ont enterré un enfant. Cette perte est ce qui marque la vie de femmes comme moi et qui nous rappelle combien nos enfants sont vulnérables à cause des conditions dans lesquelles ils doivent survivre ».

kh/ds/cb/ads/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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