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La « talibanisation » menace la scolarisation des filles dans l’ouest

Ghazala Shaheen, 12 ans, et son père ont visité cinq écoles à Peshawar, et sous le climat chaud et légèrement humide de la ville, capitale de la province de la Frontière du Nord-Ouest (PFNO) au relief accidenté, ils ont à la fois faim et soif.

« Nous vivons dans la vallée de Swat, à Malakand, mais maintenant que les menaces envers les professeurs et les écolières se sont multipliées, nous prévoyons de venir nous installer à Peshawar », a expliqué Jan Muhammad Khan, le père de Ghazala, en avalant d’un coup son verre d’eau, assis au domicile d’un membre de sa famille.

La vallée de Swat, qui compte environ 1,5 million d’habitants et se situe à quelque 150 kilomètres au nord-est de Peshawar, a été le théâtre d’une des poussées d’extrémisme les plus virulentes de ces dernières années.

Plusieurs religieux radicaux tels que Maulana Fazlullah, qui diffuse une forme d’Islamisme militant particulièrement vif sur les ondes d’une radio FM illégale, insistent à dire que la place d’une femme est à la maison et que les filles ne devraient pas être scolarisées du tout.

Au moins quatre écoles de filles ont été bombardées au cours des 12 derniers mois, et beaucoup d’autres, dans des villes des quatre coins de la PFNO et même à Peshawar, ont reçu des menaces par courrier ou par téléphone.

En avril 2007, deux écoles de la ville de Mardan, à 35 kilomètres au nord-est de Peshawar, ont été forcées de fermer leurs portes temporairement après que des professeurs et des élèves eurent été enjoints de porter la « burqa », le voile intégral revêtu par certaines femmes musulmanes.

« Si vous êtes enseignante dans la PFNO, vous vous sentez en danger. Les militants comprennent souvent que la manière la plus simple de faire fermer une école, c’est de cibler les professeurs », a expliqué Bushra Rehman, 42 ans, une institutrice de Mardan.

Autre fait symptomatique de l’atmosphère dans la vallée de Swat, Jan Muhammad Khan lui-même se sent obligé de se laisser pousser la barbe depuis que les barbiers ont été enjoints de cesser de les raser.

M. Khan craint que, s’il continue à vivre à Swat, l’éducation de ses trois filles, deux d’entre elles étant plus jeunes que Ghazala, ne soit affectée.

Il est néanmoins convaincu qu’il est très important que ces filles bénéficient d’une formation, « ne serait-ce que pour pouvoir gérer leur vie familiale efficacement et aider leurs enfants », et en dépit des frais de scolarité annuels, qui s’élèvent à 33 dollars à Peshawar.

De nombreux parents dans la PRNO partagent apparemment cette opinion. Au Pakistan, le taux d’alphabétisme chez les femmes augmente progressivement depuis les années 1990. Dans la région de Swat, il a augmenté de 75 pour cent depuis 2002, avec 30 000 fillettes scolarisées en plus.

En 2002, selon les statistiques officielles, le gouvernement provincial a consacré 70 pour cent du budget de l’éducation aux écoles de filles, créant au moins 300 nouveaux établissements pour filles dans la province.

Ces efforts, soutenus par les bailleurs de fonds étrangers qui, dans bien des cas, ont contribué à la création d’écoles dirigées par des organisations non gouvernementales (ONG), ont permis d’augmenter les taux d’inscription. Toutefois, la résurgence récente de l’extrémisme militant porte un coup aux progrès réalisés.

« Un nouveau sentiment de crainte »

Le nombre de filles touchées par la campagne des radicaux contre les écoles varie selon les estimations. Les données communiquées par les ONG actives en matière d’éducation laissent penser qu’au moins 1 000 déscolarisations de fillettes, permanentes ou temporaires, ont été directement ou indirectement provoquées par ces nouvelles menaces au cours de la dernière année.

« La PFNO connaît de nouvelles difficultés. De nombreux professeurs et élèves de nos écoles, surtout dans les régions reculées, éprouvent un nouveau sentiment de crainte », a expliqué Maryam Bibi, fondatrice de l’organisation Khwendo Kor (Maison de la sœur), qui crée des écoles pour filles dans les régions de la PFNO qui en ont le plus besoin.

« La plupart des gens souhaitent vivement que les filles soient éduquées », a affirmé Afrasiab Khattak, défenseur des droits humains et avocat à Peshawar. Pour M. Khattak, la responsabilité de cette « talibanisation croissante » revient à l’establishment, qui soutient les groupes militants.

Jusqu’à présent, selon certains responsables du gouvernement, la menace n’a pas eu de conséquences majeures sur les taux d’inscription, et seul « un nombre très réduit » de filles ont arrêté l’école.

Le Pakistan présente le taux d’inscription de fillettes à l’école primaire le plus faible de l’Asie du Sud, soit 45 pour cent. Moins de 50 pour cent des femmes sont instruites, et dans certaines régions de la PFNO, les taux d’alphabétisme chez les femmes chutent en-deçà de 20 pour cent.

Au vu de cette situation précaire, les menaces qui planent sur la scolarisation des filles dans la PFNO sont quelque peu problématiques. Certains appréhendent d’ailleurs de voir se propager cette vague d’extrémisme.

« Il est vrai qu’on nous rapporte de plus en plus de cas de tentatives menées en vue d’empêcher les filles d’aller à l’école », a confirmé Imran Khan, le coordinateur de la Commission des droits humains du Pakistan (HRCP), à Peshawar.

« A l’école, de nombreuses fillettes disent que leurs parents ont trop peur de les y envoyer », a timidement raconté Ghazala, le visage drapé d’une « dupatta » (foulard). « Alors elles essayent de continuer d’étudier à la maison, mais c’est difficile ».

Ghazala est fière que son propre père fasse tant d’efforts pour que ses sœurs et elle puissent bénéficier d’une éducation, et qu’il soit prêt à aller s’installer à Peshawar pour la leur offrir.

« Mais la plupart des gens ne peuvent pas faire ça, parce qu’ils sont pauvres, et je crains pour l’avenir des fillettes qui ont été forcées à arrêter l’école », a-t-elle ajouté.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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