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Lagos paie le prix de son explosion démographique

Iyabo Aduni, 29 ans, est mère de trois enfants. Elle vit à Lagos, la plus grande capitale d’Afrique, dans une baraque en bois construite à proximité d’une immense décharge où des ordures se consument lentement.

Située en bordure d’un canal qui débouche sur la lagune séparant les différentes îles de la partie continentale de la ville, cette décharge est un dépotoir d’ordures qui n’ont pas été éliminées depuis quelques années.

De temps à autre, les habitants d’Iganmu mettent le feu aux ordures et dès que le sol semble assez ferme, l’espace libéré dans la décharge est utilisé pour la construction de nouvelles baraques.

« Lorsqu’il pleut, les maisons sont souvent inondées parce que les ordures bouchent les égouts et empêchent l’évacuation de l’eau », explique Iyabo Aduni, alors que ses enfants jouent près de la décharge. « Nous balayons alors nos maisons pour nous débarrasser des sachets en plastique et autres détritus qui envahissent les pièces de nos maisons ».

La ville de Lagos a connu une explosion démographique au cours des deux dernières décennies et compte désormais plus de 13 millions d’habitants. Toutefois, les infrastructures de traitement des ordures ménagères n’ont pas évolué en conséquence.

C’est un problème auquel sont confrontées toutes les grandes villes d’Afrique où l’urbanisation se fait à rythme qui ne permet pas aux gouvernements d’entretenir et d’améliorer leurs infrastructures et réseaux de collecte des ordures ménagères.

Et la chaleur tropicale n’a fait qu’exacerber le problème en transformant les ordures en amoncellements toxiques et fétides de déchets organiques, chimiques et potentiellement dangereux.

Des risques pour la santé de la population

Capitale commerciale de la République fédérale du Nigeria, Lagos est une ville tentaculaire qui ne dispose pas de réseaux efficaces de collecte des ordures ménagères, ni de systèmes centralisés de traitement des eaux usées et des effluents produits par les industries.

Ce sont des éboueurs indépendants qui, à l’aide de chariots, assurent le ramassage des ordures ménagères chez les habitants qui acquittent une taxe mensuelle pour la collecte de ces ordures. De même, ce sont des opérateurs privés qui assurent l’évacuation des eaux usées des habitants de la capitale.

Les autorités des services de santé et de l’environnement de l’Etat de Lagos savent qu’une bonne partie de ces ordures ménagères, eaux usées et effluents est déversée dans les lagunes et les criques. Le reste est incinéré dans les nombreuses décharges illégales qui pullulent dans la ville ou dans l’une des trois décharges officielles gérées par le gouvernement. Et il n’est pas rare de voir des filets de fumée noires s’élever dans le ciel de Lagos.

Non seulement les eaux usées non traitées polluent la lagune, mais elles détruisent également la vie marine et aquatique, a souligné Kenneth Iwugo, océanographe rattaché à l’université de Bristol, qui a étudié les problèmes de pollution des eaux à Lagos.

Les ordures et autres déchets solides déversés dans les décharges officielles dégagent des substances polluantes qui peuvent souiller les nappes d’eau souterraine et de surface, a-t-il ajouté.

« Ces substances risquent de polluer les eaux et de détruire la faune marine et les ressources halieutiques », a fait remarquer M. Iwugo.

Et ces risques sont réels à Lagos, ajoute t-il, car la nappe phréatique est très proche de la surface du sol, parfois à trois mètres de profondeur seulement. En outre, étant donné la perméabilité du sol, les polluants s’y infiltrent aisément.

Le mauvais traitement des ordures ménagères présente aussi de nombreux risques sanitaires pour les millions d’habitants de la ville. Selon M. Iwugo, la population de Lagos n’est pas à l’abri de maladies virales et bactériennes telles que la poliomyélite, le choléra, les infections parasitaires et autres fièvres transmises par des vecteurs hydriques. Les métaux lourds que les industries déversent dans les décharges constituent également une menace pour la santé.



Le Gouverneur de l’Etat de Lagos, Bola Tinubu, a condamné les précédents gouvernements pour leur incapacité à résoudre le problème de l’élimination des ordures ménagères de la ville. Dès son élection, en 1999, M. Tinubu a mis en place un réseau d’éboueurs privés agréé par le gouvernement. Les habitants paient une taxe mensuelle pour la collecte de leurs ordures ménagères qui sont déversées dans des décharges officielles.

Lorsque le projet a démarré, il y a cinq ans, on ne comptait qu’une centaine de camions de ramassage d’ordures. Aujourd’hui, plus de 600 camions affectés au ramassage quotidien des quelque 4 000 tonnes de déchets produits par les habitants de la ville, a indiqué Tunji Bello, le responsable de l’environnement à Lagos.

L'Etat de Lagos a également signé un contrat avec deux sociétés internationales spécialisées dans la gestion des ordures ménagères. Ces sociétés recycleront les ordures sur les sites des décharges et les transformeront en engrais.

« Le projet vise deux objectifs : débarrasser Lagos des ordures et fournir des emplois rémunérateurs à beaucoup de citoyens », a précisé M. Bello, lors d’un point de presse à Lagos.

Grâce aux 20 millions de dollars américains octroyés par la Banque mondiale, les autorités de l’Etat de Lagos envisagent de financer le dragage de certains canaux et la construction de nouvelles rigoles pour faciliter l’écoulement des eaux usées.

Ces opérations permettront de résoudre le problème des systèmes d’égouts et des inondations, a souligné M. Bello qui pense que l’octroi du prêt a été possible parce que les autorités ont réussi à éliminer les ordures qui encombraient les grandes artères de la ville.

Malgré les campagnes de salubrité menées pour débarrasser le centre-ville des ordures ménagères, la situation n’a pas changé à Iganmu et dans bien d’autres quartiers populeux situés à la périphérie de la ville.

« Je serai heureuse le jour où nous serons débarrassés de ces ordures », a lancé Iyabo Aduni, en regardant un enfant, armé d’un bâton, courir après une chèvre près de la décharge. « Mais je ne pense pas que les autorités savent qu’on existe ».



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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