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Une soif d'apprendre annihilée par la pauvreté

[Guinea-Bissau] Community school teachers in the village of Kampada Namoante 30 km east of Sao Domingos survey their classroom built by villagers. There is a shortage of schools and teachers in Guinea Bissau, so communities are setting up their own school Sarah Simpson/IRIN
Maîtres d'école du village Kampada Namoante

Dans ce village agricole du nord de la Guinée Bissau, écoliers et enseignants arrivent chaque matin à l’école avec leurs bancs et leurs tableaux noirs.

Dans cette ancienne colonie portugaise de l’Afrique de l’ouest, l’éducation primaire est gratuite. Mais compte tenu des séquelles de la guerre civile et de l’absence de moyens financiers, le pays ne dispose pas d’assez d’écoles et d’enseignants pour garantir une éducation à chaque enfant bissau-guinéen.

Il y a cinq ans, des planteurs de noix de cajou – analphabètes pour la plupart – du village de Kampada Namoante, situé à quelque 30 Kms à l’est de Sao Domingos (Nord), ont décidé de prendre les choses en main. En mettant en commun leurs maigres ressources, ils ont pu construire une école et embaucher des maîtres.

« J’ai toujours enseigné à l’école du village », explique Oscar Naessa, 44 ans, présent depuis l’ouverture de l’école, en 2001. « Si nous ne l’avions pas construite, nos enfants n’auraient pas été scolarisés ».

Oscar Naessa explique l’importance de son rôle en tant qu’enseignant dans le village

Les enseignants sont payés fonction des moyens des parents d’élèves, en numéraire, pendant certains mois, en paniers de mangues ou produits de la récolte, pendant d’autres mois. Et lorsque les temps sont durs, ce qui arrive souvent, ils ne perçoivent rien.

Chaque jour, plus de 150 enfants de sept à seize ans s’entassent dans les trois salles de classe construites par leurs parents.

« Beaucoup d’enfants sont mal assis et les bancs s’écroulent parfois pendant les cours », a déclaré Naessa, en réajustant la planche placée sur des trépieds qui lui sert de bureau. A la fin des cours, enfants et enseignants retournent chez avec leurs bancs et tableaux noirs sous le bras, et retrouvent leurs travaux champêtres, la seule source de revenus du village.

Naessa est devenu maître d’école parce qu’il était l'un des hommes les plus instruits du village, bien qu’il ait arrêté ses études secondaires à 13 ans. En Guinée Bissau, le faible niveau de qualification des enseignants est un véritable sujet de préoccupation.

« La plupart des enseignants ont un niveau équivalent au cours secondaire, et n’ont aucune formation pédagogique. Nous avons très peu d’enseignants compétents », reconnaît Paulo Sambo, inspecteur d’académie à Sao Domingos.

Selon M. Sambo, de moins en moins de diplômés choisissent l’enseignement parce que le métier est mal payé et que les conditions de travail sont mauvaises, surtout dans les zones rurales. Et la situation se dégrade un peu plus chaque année avec l’accroissement de la population.

D’après les statistiques de la Banque mondiale, la population de la Guinée Bissau croît chaque année de trois pour cent, ce qui signifie que la population double tous les vingt-trois ans.

« Même les très jeunes filles ont des enfants. Je pense que cela est dû au fait que le niveau de l’illettrisme est très élevé », explique M. Sambo. « Une femme instruite n’aurait pas eu des enfants si tôt ».

Près de 70 pour cent de adultes bissau-guinéens ne savent ni lire ni écrire, et les jeunes garçons ont plus de chance d’être scolarisés que les soeurs. Mais les difficultés ne se limitent pas là. Dans les classes, par exemple, les élèves ont du mal à comprendre les leçons parce que les cours sont en portugais, une langue qui n’est parlée que par sept pour cent de la population, selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF).

Les enfants de paysans ne sont pas les seuls à se battre pour revendiquer le droit à une bonne éducation. Le problème est national et touche également Bissau, la capitale, où vit près de la moitié des 1,4 millions d’habitants que compte le pays.

Un problème national

Chaque mois, le gouvernement a des difficultés à payer les salaires de ses fonctionnaires et des quelques rares enseignants diplômés, ce qui explique l’absence de motivation et les fréquents mouvements de grève en Guinée Bissau. Situé au sud du Sénégal, ce petit pays ne s’est pas encore remis de la guerre civile qui a ravagé le pays et qui a pris fin en 1999.

Domingos Amelia Mango dans une salle de classe en chaume de l’école primaire Escola 8 de Marco à Bissau, la capitale

Domingos Amelia Mango est maître à la «Escola 8 de Marco », la plus ancienne école primaire du quartier défavorisé de Bairro-Militar, à Bissau. A 52 ans, il est père de sept enfants et enseigne depuis 24 ans. Son salaire mensuel n’est que 40 000 CFA francs (80 dollars américains), mais il reste souvent de longs mois sans percevoir son salaire.

« Ma dernière paie remonte au mois de mars, c’est-à-dire à trois mois », explique Mango, vêtue d’une vieille chemise élimée. « Mais nous avons connu pire. L’année dernière, nous sommes restés neuf mois sans solde »!

M. Mango estime avoir de la chance d’être un fonctionnaire l’Etat et d’être payé un peu moins d’un dollar de l’heure pour vingt heures de cours par semaine. Pour palier la pénurie d’enseignants, le gouvernement fait appel à des maîtres contractuels, souvent peu qualifiés, qu’il paie un peu plus d’un dollar de l’heure.

Pour subvenir aux besoins de sa famille, M. Mango cultive du riz, du manioc et des haricots dans le champ de son oncle situé à une demi-heure de marche de son établissement.

L’école de Domingos Amelia Mango compte 600 enfants répartis en trois groupes de 200 écoliers, chaque groupe ayant droit à quatre heures de cours par jour. Et la liste d’attente pour les inscriptions est longue.

« Chaque année, le nombre d'élèves à scolariser est supérieur à la capacité de l’école », explique M. Mango, malgré la construction de deux nouvelles salles de classe il y a deux ans.

« Et lorsque ces écoliers ne sont pas inscrits, ils reviennent l’année suivante ou finissent pas travailler ».

L’accès à l’éducation n’est pas un nouveau problème

Pendant la saison des pluies, l’eau passe à travers le toit de cette classe de l’école Escola 8 de Marco à Bissau

L’accès à l’éducation n’est pas un nouveau problème en Guinée Bissau, selon la pédagogue Mariama Manga, qui avait 15 ans lorsqu’elle a été scolarisée.

« Beaucoup de parents – comme les miens – ne sont pas instruits et ne comprennent pas l’importance de l’éducation », souligne Mme Manga. « Quand j’étais enfant, mon père avait refusé que j’aille à l’école, car il pensait qu’une fois mes études achevées je partirais du village pour ne plus revenir. Je regardais alors les autres enfants aller à l’école et j’essayais de suivre les leçons qu’ils apprenaient ».

Agée de 49 ans, Mme Manga doit son éducation à la mission catholique qui s’est installée dans son village lorsqu’elle était adolescente et que la Guinée Bissau était encore une colonie portugaise. Les sœurs ont réussi à persuader son père de laisser sa fille aller à l’école, ce qui a ensuite rendu très difficiles les relations entre Mme Manga et son père.

Et comme le présentait son père, Mme Manga a quitté le village après ses études. Elle n’y est jamais retournée.

« Il a finalement reconnu que l’éducation était une bonne chose, lorsque mon premier salaire d’enseignante a servi à acheter des tôles et remplacer le toit en paille de la maison familiale », a-t-elle commenté ironiquement. « Il était très content ».


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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