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Des rumeurs de fraudes avant le référendum sur la limitation du mandat présidentiel

[Chad] Chad President Idriss Deby. BBC
Un nouveau mandat de cinq ans pour le Président Déby
Les résultats du référendum qui aura lieu la semaine prochaine devraient être favorables aux partisans du Oui et permettre au président tchadien Idriss Déby de briguer un troisième mandat, bien que pour certains diplomates, défenseurs des droits de l’homme et partis d’opposition, cette consultation sera entachée de nombreuses irrégularités et l’issue connue d’avance.

Lundi prochain, le peuple de ce pays enclavé sera appelé à se prononcer sur la suppression de l’article de la constitution qui stipule qu’un président ne peut être réélu qu’une seule fois. Or, le deuxième mandat de Déby expire en 2006.

"Les résultats ne font aucun doute. La campagne pour le Oui l’emportera car les inscriptions sur les listes électorales ont déjà été réglées", a confié la semaine dernière au téléphone à IRIN un diplomate occidental depuis N’Djaména, la capitale tchadienne.

"Les autorités n’ont fait que du porte-à-porte, de sorte qu’elles n’ont inscrit que les personnes qu’elles ont choisies. Et si vous habitez dans un quartier de l’opposition, personne ne viendra frapper à votre porte", a ajouté le diplomate.

Selon la Commission électorale nationale du Tchad, 5,6 millions d’électeurs ont été enregistrés pour le referendum du 6 juin prochain, mais ce chiffre est très largement contesté.

"Statistiquement, ce n’est pas possible. Le Tchad a une population d’environ neuf millions d’habitants, mais seuls 45 pour cent des tchadiens ont plus de 18 ans et son en âge de voter", a indiqué le diplomate.

La Coordination des partis pour la défense de la constitution (CPDC), une coalition d’environ 30 partis a reconnu que le nombre officiel d’électeurs inscrits était faux.

La publication du fichier est une preuve patente de la tricherie à grande échelle organisée par le Mouvement patriotique du salut (Mps)", a expliqué Ibni Saleh, le porte-parole du CPDC. "Avec plusieurs centaines de milliers d’électeurs fictifs, aucune élection crédible ne peut avoir lieu", a-t-il ajouté.

Alors que de nombreux posters jaunes sont affichés un peu partout dans N’Djaména par les partisans de Déby exhortant la population à "Voter oui pour un Tchad harmonieux", l’opposition a appelé les Tchadiens à boycotter le référendum portant sur l’amendement de la version 1996 de la constitution.

Au cours de ce référendum, les électeurs seront aussi appelés à se prononcer sur la suppression éventuelle du Sénat qui sera remplacé par le Conseil économique, social et culturel dont tous les membres sont nommés par le président.

Les ambitions d’une dynastie

Mais à N’Djaména, le sujet qui préoccupe tout le monde est la suppression de la limite des mandats présidentiels.

"La révision constitutionnelle vise à instaurer un régime dynastique au Tchad, à maintenir Déby et les siens au pouvoir" a indiqué Saleh du CPDC. "Voilà pourquoi nous appelons les Tchadiens à rester chez eux, à observer un deuil national pour montrer à la communauté internationale que ce référendum n’est pas démocratique".

Selon le gouvernement, la constitution doit être modifiée pour corriger ses imperfections. Des amendements y ont déjà été apportés à deux occasions, en 1989 puis en 1996.

"Notre constitution a montré qu'il lui manque des choses et il y a aussi des dispositions qui ne s'adaptent pas à nos réalités" a déclaré à IRIN Mahamat Barada, un membre du MPS.

Cette proposition est largement soutenue par les députés de l’Assemblée nationale où le parti de Déby, le MPS, détient 113 des 155 sièges que compte l’institution. Il y a un an, l’Assemblée nationale avait approuvé à la quasi-unanimité les récents amendements constitutionnels que le peuple tchadien doit à présent ratifier pour leur donner force de loi.

Mais les groupes de défense des droits de l’homme craignent que l’unité spéciale de la police créée par la France, l’ancienne puissance coloniale, pour assurer la sécurité pendant le référendum, n’intimide les électeurs partisans du Non.

"C’est une forme de répression qui a été créée à dessein pour le référendum. Ca fait partie du système des menaces", a expliqué à IRIN Tenebaye Massalbaye, le président de la ligue tchadienne des droits de l’homme.

"Hors des grandes villes, surtout dans la brousse, les autorités vont obliger les citoyens a aller voter", explique-t-il. "Il y a des bulletins blancs pour voter Oui, et des bulletins noirs pour voter Non; et il n’y aura que des bulletins blancs dans certains endroits".

Autre fait inquiétant pour les observateurs, la décision prise par le Haute autorité de la communication d’interdire aux radios privées et communautaires de retransmettre les débats politiques pendant la campagne qui s’achève samedi.

Alors que la polémique grandit, le débat politique reste pour de nombreux tchadiens le dernier sujet de préoccupation. Survivre : voilà tout ce qui compte.

La nourriture préoccupe plus que par la politique

Près de 80 pour cent de la population vivent avec moins d’un dollar par jour et se battent pour obtenir de la nourriture et avoir de l’eau potable et de l’électricité. Pour les populations de l’Est qui partagent leurs maigres ressources avec les quelque 200 000 réfugiés de la région du Darfour, à l’Ouest du Soudan, la situation est particulièrement catastrophique.

"La grande masse des Tchadiens tire le diable par la queue", indique l’Hebdo, un hebdomadaire indépendant de N’Djaména, dans son récent éditorial. "C’est à ce moment que le pouvoir trouve qu’il est plus important d’organiser un référendum au lieu de penser à la masse".

Survivre dans un Tchad aride et enclavé
La vie est dure, même pour les personnes ayant un emploi, comme Allangar, 40 ans et professeur qui avoue ne pas être concerné par le référendum de lundi.

"Pourquoi voulez-vous que j’aille voter ? Je ne crois plus aux élections dans ce pays", a-t-il confié à IRIN". Et puis j’ai beaucoup de problèmes. Je n’ai pas perçu mon salaire depuis deux mois. Je crois avoir mieux à faire que de perdre mon temps à faire la queue pour rien".

Selon Joab Gozzo, professeur à l’Université de N'djamena, le parti au pouvoir exploite la misère du peuple.

"Vous verrez que ceux qui sortent pour participer aux manifestations organisées par le MPS n’y vont que pour avoir de quoi se mettre sous la dent. Un peu de sucre, ou un billet de banque peut soulager, mais aucun d’eux ne croit au MPS", a-t-il ajouté.

Le diplomate occidental a confirmé que cette stratégie était employé à petite échelle.

Mais Déby, la cinquantaine, s’est fait discret pendant la préparation du référendum de lundi prochain, arguant qu’il n’est pas l’organisateur de cette consultation.

Lors de sa dernière campagne présidentielle en 2001, il avait déclaré à la presse française : “Je ne serai pas candidat aux élections présidentielles de 2006. Je ne changerai pas la constitution, même si j’ai une majorité de cent pour cent”. Depuis, il n’est plus revenu sur cette déclaration, mais son parti plaide en faveur d’une modification de la constitution.

Une victoire du camp du Oui la semaine prochaine amènerait Déby à revenir sur sa position et à se présenter pour un troisième mandat en 2006. Selon l’opposition, c’est exactement ce qu’il compte faire pour en définitive permettre à son fils Brahim de lui succéder; mais pour certains observateurs, il ne faudrait pas conclure trop vite.

Les jeux ne sont pas encore faits

"Il n’est pas dit qu’il se présentera en 2006. Il y a encore beaucoup de facteurs qui pourraient l’en empêcher", explique le diplomate occidental.

"L’un de ces facteurs est sa santé. On la dit pas très bonne, mais personne ne sait de quoi il souffre. L’autre facteur est que les personnes qui ont tenté de l’assassiner en mai dernier lui feront savoir qu’elles ne 'veulent pas de lui'. Je pense que l’homme à peur et qu’il subit beaucoup de pression".

En mai 2004, des militaires mécontents s’étaient mutinés, avaient tiré à l’arme lourde sur la capitale et avaient fait couper pendant plusieurs jours les réseaux de communication des téléphones mobiles. Selon certains diplomates, les prétendus putschistes seraient membres de l’ethnie des Zagawa à laquelle appartient Déby.

Déby, qui a pris le pouvoir en 1990 à la faveur d’un coup d’état, semble être très préoccupé par les tentatives de renversement de son régime. Il se montre plus discret dans la capitale et ses déplacements sont entourés d’un grand mystère pour semer la confusion sur ses véritables destinations.

Il y a deux mois, N'djamena a accusé le Soudan de soutenir quelque 3 000 rebelles opérant à la frontière entre le deux pays dans le but de déstabiliser le Tchad.

La menace venant de l’opposition est probablement la plus faible. D’après certains observateurs, l’opposition est bien trop divisée pour offrir une alternative crédible et efficace, comme le prouvent les messages contradictoires qu’elle laisse entendre avant la tenue du référendum.

Ainsi, certains partis appellent à boycotter le référendum et les inscriptions sur les listes électorales, alors que d’autres, par crainte de voir les listes électorales utilisées lors des prochains scrutins, appellent plutôt leurs partisans à s’inscrire, mais à ne pas voter.

Des observateurs politiques se demandent toutefois s’il serait si catastrophique pour ce pays d’Afrique centrale, ravagé par la guerre civile pendant les quatre dernières décennies, de laisser Déby se présenter pour un troisième mandat l’année prochaine.

Champs pétrolifères dans le sud du Tchad
Il a présidé aux destinées du pays pendant les périodes les plus stables des 45 années d’indépendance du Tchad et cela pourrait rassurer la France dont certaines anciennes colonies comme le Togo et la Côte d’Ivoire ont sombré dans la violence depuis plusieurs mois.

Et les compagnies pétrolières qui exploitent depuis deux ans le pétrole brut de ce nouveau producteur africain ne verraient aussi aucun mal à ce que Déby prolonge son mandat, expliquent les observateurs.

"Le compagnies pétrolières se préoccupent plus de la stabilité des régimes. Et même si elles ne refusent de l’admettre publiquement, ces compagnies appliquent l’adage on sait ce qu’on perd on se sait pas ce qu’on trouve", a indiqué Keith Myers, un analyste de la production pétrolière chez Chatan House, un groupe de recherche anglais.

"Le Tchad est un pays qui a toujours été instable et il faut le reconnaître au président Déby, depuis qu’il est président, le pays connaît une période de stabilité. Le question clé est de savoir s’il gouverne par consensus ?"

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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