«Les Français ont tiré sur la foule. Il y a quatre morts, deux civils et deux membres des forces de l’ordre,» a déclaré à IRIN Désiré Tagro, le porte-parole du président Laurent Gbagbo.
«Il y a des blessés tout autour de moi, je ne peux pas les compter,» a t-il ajouté alors qu’il se trouvait au pied de l’hôtel Ivoire où des milliers de manifestants anti-français s’étaient rassemblés toute la journée.
A en croire le directeur du centre hospitalier de Cocody, sept corps ont été transportés à l’hôpital depuis 15 h et son personnel médical a déjà accueilli au moins 200 blessés, dont certains dans un état grave, et évacué 100 autres vers d’autres hôpitaux.
Les autorités militaires françaises à Abidjan n’ont fait aucun commentaire, mais l’ambassade de France a confirmé que quatre Ivoiriens avaient été tués.
Selon des témoins présents sur les lieux, des ambulances filaient sur la voie qui longe la lagune tous feux allumés et on pouvait voir de gros nuages de fumée s’échapper de l’hôtel Ivoire situé dans le quartier de Cocody, à proximité de la résidence résidentielle.
«Les gens sont en train de piller l’hôtel, il n’y a plus de militaires, ils sont seuls,» a indiqué un résident.
Les manifestations ont commencé samedi après que les troupes françaises aient détruit la quasi-totalité des moyens aériens des forces armées ivoiriennes en représailles au bombardement d’une base militaire française installée dans le Nord de la Côte d’Ivoire.
Des messages de haine diffusés à la radio et à la télévision nationales traduisaient le sentiment anti-français et des manifestants en colère sont descendus dans la rue pour saccager les maisons et les commerces des expatriés. Les troupes françaises ont investi la ville pour sécuriser les principaux carrefours, les ponts et l’aéroport.
Les responsables de l’opération Licorne ont réfuté l’idée selon laquelle les forces françaises ont tenté de renverser le président Gbagbo, expliquant que leur action visait plutôt à protéger les ressortissants étrangers.
Selon des agences humanitaires internationales, le nombre de blessés enregistré les trois premiers jours des émeutes se situait entre 600 et 700, mais elles ont admis qu’il était difficile de confirmer ces chiffres.
Les émeutes ont éclaté mardi peu de temps après la rencontre entre Mbeki et Gbagbo. L’entretien des deux Présidents a duré plus de trois heures et portait sur les solutions à trouver pour résoudre la crise en Côte d’Ivoire.
Premier producteur mondial de cacao, la Côte d’Ivoire est coupée en deux depuis septembre 2002 entre une région sud contrôlée par le gouvernement actuel et le nord aux mains des forces rebelles. Le fragile cessez-le-feu, signé il y a 18 mois, a été rompu jeudi lorsque les forces armées de Côte d’Ivoire ont lancé une offensive sur le nord dans le but de réunifier le pays.
«Le président Mbeki a loué les efforts accomplis par le gouvernement ivoirien pour atteindre certains objectifs des accords de Linas-Marcoussis et d’Accra III,» a indiqué à IRIN le porte-parole du président sud africain à l’issue de l’entretien.
Certains diplomates ont fait part de leur scepticisme quant aux résultats que le président sud africain, mandaté par l’Union Africaine, pouvait obtenir.
«On n’a pas avancé du tout,» a confié à IRIN un diplomate ouest-africain, en poste à Abidjan. «Mbeki a donné sa position, qui est connue depuis longtemps : faire abstraction de la constitution, pouvoir la modifier ou utiliser les articles qui permettent d’adopter rapidement les réformes politiques.»
Selon les termes de l’accord de paix, le gouvernement était censé adopter une série de réformes politiques -- notamment le très controversé amendement à apporter à la constitution afin d’élargir les conditions d’éligibilité à la présidence de la République -- et les forces rebelles devaient désarmer le 15 octobre.
Mais chaque parti est resté campé sur ses positions, s’accusant mutuellement d’être responsable de l’échec de l’application de l’accord de paix de Linas-Marcoussis signé en 2003 sous l’égide de la France.
Mardi, Guillaume Soro, chef des Forces Nouvelles, a déclaré qu’il n’y avait qu’une seule solution pour faire avance le processus de paix.
«Je n’accepterai pas d’autres solutions que le départ de Gbagbo. C’est fini,» a t-il confié à IRIN au téléphone depuis Bouaké.
La France tente actuellement d’avoir le soutien du Conseil de sécurité des Nations Unies pour faire passer une résolution qui imposerait un embargo d’un an sur toute livraison ou vente d’armes à la Côte d’Ivoire, une interdiction de voyager et le gel des avoirs pour toute personne qui bloquera l’application de l’accord de paix.
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