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Interview avec Antoanella-Iulia Motoc, la rapporteuse spéciale des Nations Unies pour les droits de l'Homme

[DRC] Antoanella-Iulia Motoc, the UN special rapporteur on the human rights situation in the Democratic Republic of the Congo, 30 Aug 2003.
IRIN
Antoanella-Iulia Motoc, the UN special rapporteur on the human rights situation in the Democratic Republic of the Congo.
Antoanella-Iulia Motoc, la rapporteuse spéciale des Nations Unies pour les droits de l’Homme en République Démocratique du Congo (RDC), a achevé samedi dernier une mission de 10 jours sur le territoire congolais. Elle s'est rendue à Kinshasa, la capitale, à Bunia et à Bukavu dans le Nord-Est et l'Est du pays.

Antoanella-Iulia Motoc, une Roumaine, a été nommée rapporteuse spéciale en décembre 2001. Elle a remplacé Roberto Garreton qui avait démissionné le 17 octobre en raison de ses nouvelles responsabilités en tant que conseiller des droits de l'Homme au sein de la Commission Economique pour l'Amérique Latine et des Caraïbes.

Antoanella-Iulia Motoc est avocate et professeur. Elle a travaillé depuis 1996 au sein de la sous-commission des Nations Unies pour la promotion et la protection des droits de l'Homme avant de présider l'institution de 2000 à 2001.

IRIN a eu l'opportunité de s'entretenir avec Antoanella-Iulia Motoc à la fin de sa mission.

QUESTION: Vous venez d’effectuer une mission de plus d’une semaine en RDC. Que retenez-vous de votre visite?

REPONSE: C’est la troisième visite que j’effectue en RDC en tant que rapporteuse spéciale des Nations Unies pour les droits de l’Homme. Les violations massives des droits de l’Homme, perpétrées en Ituri et dans l’Est du pays étaient au centre de cette visite. Il convient de mettre fin à toutes ces atrocités, de rendre justice aux victimes et de réconcilier les populations locales qui vivaient en bon voisinage depuis très longtemps.

Q: Quels sont les sujets que vous avez abordés avec les autorités congolaises lors de vos rencontres?

R: Nous avons abordé avec les autorités congolaises les questions des violations des droits de l’Homme mais surtout celles de l’impunité. Je leur ai fait savoir mon désaccord concernant la nomination de personnes, impliquées dans certains crimes ou violations des droits de l'Homme, au sein des institutions transitoires; comme cela c'est produit dernièrement ! Je leur ai répété ce que j’avais mentionné dans un rapport que j’ai remis au parlement de la transition et à la commission des droits de l’Homme. Les noms de Tango Fort [alias Gabriel Amisi] et de Laurent Nkunda sont cités.(1)

Des institutions sont actuellement impliquées dans le processus démocratique, au nombre desquelles se retrouvent l’Observatoire national des droits de l'Homme et la Commission vérité et réconciliation.(2)

J’estime que ces institutions doivent protéger les lois et que les personnes nommées dans ces commissions doivent être des personnes crédibles. Je souhaite que ces institutions soient indépendantes.

Nous avons également évoqué la Cour d'ordre militaire et le procès de l’assassinat de l'ancien président de la RDC, Laurent-Désiré Kabila. J’ai visité les détenus le dernier jour de mon séjour dans le pays. Ma conclusion est que les détenus de ce procès doivent bénéficier des mêmes conditions de détention que tous les autres. J’ai enfin demandé aux autorités congolaises de réviser ce procès. Une commission, chargée d'étudier la question, a été créée m'ont affirmé les autorités congolaises.

Q: Vous souhaitez voir les violations massives des droits de l’Homme s’arrêter notamment en Ituri et dans l'Est de la RDC. Que préconisez-vous concrètement pour stopper cette situation qui perdure, malgré les efforts de la communauté internationale ?

R: Il faut tout d'abord mettre fin aux conflits entre les différents groupes. Tous les miliciens doivent cesser d’agir contre la population civile et respecter leurs droits humains. Il faut ensuite que le travail de réconciliation commence et que la justice soit réinstaurée.
Cette justice doit être indépendante et impartiale. Les auteurs d'infractions doivent être traduits en justice et condamnés.

Les exécutions extrajudiciaires, perpétrées dans le Sud-Kivu et même dans l’Est du pays, doivent cesser. La liberté d’expression, la liberté de la presse, les droits de partis politiques, le droit à la défense doivent être respectés sur l'ensemble du territoire national.

On doit achever le processus de démobilisation des enfants soldats, conformément au protocole international sur les droits de l’enfant que la RDC a signé. J’ai proposé également que les pratiques appliquées aux enfants dits "sorciers", cessent.

Les droits des personnes déplacées doivent être respectés et leur retour doit être organisé dans les meilleures conditions. Dans ce prolongement, il convient aussi de respecter les droits des peuples autochtones comme les pygmées.

J’ai également demandé la révision des procès de Gbadolite et de Kisangani par des cours indépendantes et impartiales.(3)

Les coupables doivent être jugés par une justice civile. La peine de mort doit être abolie. Les autorités de la RDC doivent revenir au moratoire sur la peine de mort. Elles m’ont d'ailleurs assurée que la Commission des droits de l’Homme étudiait la question.

Q: Parmi les institutions d’appui à la démocratie, vous citez la Commission vérité et réconciliation et vous évoquez la nécessaire réconciliation des populations. Cela signifie-t-il que les crimes commis durant plus de quatre années de guerre doivent être amnistiés?

R: La Commission vérité et réconciliation doit répondre à toutes les conditions pour remplir correctement sa mission. L'amnistie ne devra cependant pas concerner les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité qui sont imprescriptibles. Les coupables de tels crimes devront être jugés et punis.

Q: Pensez-vous qu’il faille créer un tribunal international pour les crimes commis en RDC comme au Rwanda ou en ex-Yougoslavie?

R: A partir de juillet 2002, la Cour Pénale Internationale [CPI] est entrée en fonction. Elle a affirmé que les violations des droits commises en RDC depuis 2002 seraient sa priorité. La CPI a demandé au Haut Commissariat des droits de l’Homme des Nations Unies et à la MONUC [la Mission des Nations Unies en RDC] de réunir et de lui fournir les éléments sur les violations du droit humanitaire international et des droits de l'Homme. Plus de trois millions de personnes sont mortes.

Q: Quels sont les efforts entrepris aujourd'hui pour restaurer l'appareil judiciaire en RDC?

R: C’est là un projet de l’Union européenne. J’en ai parlé avec le représentant. Des initiatives ont déjà été engagées, notamment avec la France à Bunia. Mais la Belgique et d’autres partenaires interviennent aussi dans le domaine de la justice. La prison de Bunia a été reconstruite et nous sommes en train de convaincre les juges de revenir à Bunia car ils avaient fui.

NOTES:

(1) Ces deux officiers du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), un ancien mouvement rebelle, ont été récemment nommés au commandement de l'armée unifiée de la RDC, malgré leur implication dans des violations des droits de l'Homme.

(2) Le dialogue inter-congolais, à l’occasion des discussions sur le partage du pouvoir, avait décidé de créer cinq institutions d’appui à la démocratie: la Commission nationale des élections, la Commission vérité et réconciliation, la Haute autorité des médias, l’Observatoire national des droits de l’Homme et la Commission d’éthique et de lutte contre la corruption.

(3) Le procès de Gbadolite avait été initié par Jean-Pierre Bemba, le leader du Mouvement de libération du Congo (MLC), au début de cette année à la suite d'accusations concernant des actes de cannibalisme attribués aux membres du MLC à Komanda, en Ituri dans le Nord-Est de la RDC. Le RCD-Goma avait fait de même, en organisant un procès après les massacres à Kisangani.




This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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