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Améliorer les programmes de lutte contre le paludisme

MSF medical staff performs a rapid test for malaria on a child at an MSF clinic in a refugee camp on the outskirts of Pauktaw Township, 3 February 2013 Kaung Htet/MSF
Le Royaume-Uni (RU) est un acteur important dans les programmes de lutte contre le paludisme. Il a dépensé près de 400 millions de dollars l’an dernier et les augmentations prévues pour l’année prochaine porteront ce montant à près de 750 millions de dollars, faisant du même coup du pays le troisième bailleur de fonds international après les États-Unis et le Fonds mondial. Il s’agit d’une somme importante, et le Bureau national d’audit (National Audit Office, NAO), l’organisme de surveillance des dépenses du RU, a cherché à déterminer si elle était bien dépensée ou si elle pourrait être mieux utilisée.

Le RU dépense son argent de la même façon que la plupart des bailleurs de fonds, c’est-à-dire qu’il finance la recherche et l’achat de moustiquaires, de tests de diagnostic rapides et de médicaments abordables. Les auteurs du rapport du NAO estiment que les programmes bilatéraux du RU sont bien choisis, mais ils identifient certains points faibles au niveau des interventions. Ces points faibles sont communs à tous les acteurs et ne concernent pas seulement le Royaume-Uni, mais les auteurs pensent qu’il est possible de faire mieux.

Le rapport traite par exemple de la question des moustiquaires. L’argent de l’aide britannique a permis de financer l’achat de près de 25 millions de moustiquaires traitées depuis 2010. Le nombre de moustiquaires distribuées fait l’objet d’un suivi et d’une surveillance. Tout va bien jusqu’ici. Le problème, c’est que le fait de posséder une moustiquaire ne signifie pas nécessairement qu’on l’utilise. En examinant de plus près la situation dans des pays spécifiques, les auteurs du rapport ont constaté que le nombre de familles tanzaniennes et nigérianes dont les jeunes enfants utilisaient effectivement les moustiquaires avait très peu augmenté alors même que celui des ménages possédant des moustiquaires avait monté en flèche.

Il est évident qu’on ne peut forcer quelqu’un à dormir sous une moustiquaire ou à l’utiliser pour protéger ses enfants, mais les auteurs du rapport estiment que la fourniture de moustiquaires devrait être « plus systématiquement accompagnée de campagnes d’information opportunes destinées à en généraliser l’usage ».

Il y a aussi le problème de la durabilité des moustiquaires, qui doivent être remplacées au bout d’un certain temps. Les organisations qui les distribuent devraient prévoir une stratégie pour leur remplacement. Les auteurs du rapport estiment qu’il y a là une sorte de trou noir. « Au Nigeria, les bailleurs de fonds ont presque atteint leur objectif, qui était de fournir à la population quelque 60 millions de moustiquaires gratuites […] les premières moustiquaires distribuées en 2010 arrivent déjà à la fin de leur durée de vie prévue et il devient urgent de les remplacer. Nous n’avons trouvé aucun élément permettant de prouver qu’une stratégie de remplacement claire et dotée des ressources suffisantes était en place au moment où cette distribution massive a été planifiée », ont-ils écrit.

Les moustiquaires gratuites sont-elles synonymes de faillite pour les fabricants ?

Ce qui est pire encore, c’est que les auteurs du rapport ont découvert que la distribution gratuite de moustiquaires avait amené les bénéficiaires à croire qu’elles leur seraient toujours fournies gratuitement. La demande pour les moustiquaires disponibles dans le commerce a fortement diminué et certains fabricants ont dû cesser leurs activités. Les auteurs évoquent cependant une initiative lancée en Tanzanie qui pourrait contribuer à résoudre le problème. Il s’agit d’un système de bons permettant aux bénéficiaires d’acheter les moustiquaires à des commerçants et de payer un petit supplément pour avoir accès à une gamme plus large. Le succès du projet n’a cependant pas encore été évalué.

David Schellenberg, qui donne le cours « Paludisme et santé internationale » à l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres (London School of Hygiene and Tropical Medicine), a dit à IRIN que ce débat ne datait pas d’hier. « Quand le Fonds mondial n’existait pas encore, on sentait qu’il fallait soutenir le secteur privé pour fournir des moustiquaires traitées aux populations. Après sa création toutefois, lorsqu’on a pris conscience de l’efficacité des moustiquaires, il y a eu un éloignement soudain par rapport au secteur privé. L’objectif était de faire de la possession de moustiquaires un droit humain, ou presque, un peu comme la vaccination… Or, il est impossible d’avoir un tableau complet de la situation si on ne prête pas attention au secteur privé. »

Le rapport du NAO se penche également sur la question de l’implication du secteur privé dans la vente de médicaments et de tests de diagnostic. Les nouvelles trousses de diagnostic rapide sont très simples à utiliser. Au Sénégal, par exemple, où elles ont été très largement adoptées, l’identification des personnes atteintes du paludisme a permis de réduire de 57 pour cent le nombre de patients auxquels on a prescrit des antipaludiques. Cette diminution signifie que les patients atteints ont obtenu un meilleur traitement et suppose des économies considérables. Malheureusement, les tests ne sont pas aussi largement disponibles qu’ils pourraient l’être, même dans les établissements de santé publics. Les pharmacies privées les utilisent très rarement. Dans certains pays, le personnel des officines privées n’a pas le droit de pratiquer des tests, mais, dans des pays comme le Nigeria et la République démocratique du Congo (RDC), qui sont fortement touchés par le paludisme, environ 90 pour cent des patients obtiennent leur traitement dans les pharmacies privées.

« Il est très facile d’investir beaucoup d’argent dans les outils les plus rentables, et ceux-ci auront de véritables effets lorsqu’ils seront utilisés. Mais dès qu’on relâchera la pression, le paludisme reviendra en force. »
« Pour améliorer la situation, il faut convaincre les autorités des pays d’autoriser les vendeurs [de médicaments] à pratiquer les tests », indique le rapport. « Nous considérons que le Département (pour le développement international – DFID) devrait adopter aussi rapidement que possible des plans spécifiques établissant des objectifs quantifiés pour une mise en oeuvre à l’échelle nationale. »

Viabilité des programmes

Le professeur Schellenberg voit dans le rapport du NAO une tension sous-jacente entre la volonté de voir le RU, en tant que bailleur de fonds, fournir aussi efficacement que possible les marchandises nécessaires – moustiquaires, médicaments, trousses de test –, et la prise de conscience de la nécessité de mettre en oeuvre des programmes viables à long terme. Le rapport indique qu’environ 73 pour cent des coûts des programmes de lutte contre le paludisme sont actuellement déboursés par des bailleurs de fonds internationaux. Il note aussi qu’il y a récemment eu un déclin du financement par rapport aux premiers jours du Fonds mondial – un développement inquiétant lorsque l’on sait que le paludisme réapparaît dès que l’on met fin aux programmes de contrôle. La viabilité des programmes « dépend du renforcement de la capacité des systèmes de santé publique à contrôler le paludisme et d’un changement de perspective des bailleurs de fonds, qui doivent s’appuyer sur les ressources de santé des pays en développement plutôt que de tenter de s’y substituer », indique le rapport.

M. Schellenberg est du même avis. « Ces systèmes ne seront jamais viables si les gouvernements nationaux ne sont pas encouragés à en prendre le contrôle dès le départ », a-t-il dit à IRIN. « Il est très facile d’investir beaucoup d’argent dans les outils les plus performants, et ceux-ci auront de véritables effets lorsqu’ils seront utilisés. Mais dès qu’on relâchera la pression, le paludisme reviendra en force. On a besoin de ces outils ; ils sont nécessaires, mais ils ne sont pas suffisants. On peut faire mieux en adoptant une perspective à long terme et en aidant les gouvernements à développer des systèmes leur permettant de fournir et distribuer ces produits grâce à leurs propres ressources. »

eb/cb-gd/ld


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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