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La capitale s’attaque à la gestion de ses déchets

Depuis les années 1970, Nouakchott, la capitale de la Mauritanie, a connu une croissance explosive. Aujourd’hui, cette ville insalubre, où se côtoient des baraques déglinguées recouvertes de toits en tôle ondulé et des édifices en béton, compte un million d’habitants. Mais les réseaux d’assainissement n’ont pas suivi et la capitale mauritanienne ressemble plus à une poubelle à ciel ouvert qu’à la vitrine du pays.

Les conditions d’hygiène font courir de graves risques pour la santé et les maladies respiratoires sont fréquentes. Mais les nouvelles autorités, élues en mars 2007, semblent avoir pris conscience de l’ampleur du problème. Leur crédo : « Une ville propre pour tous ».

« Notre souci est de faire de l'assainissement une priorité pour que nos populations vivent dans de meilleures conditions d'hygiène et de salubrité », affirme Yaye N’Daw Coulibaly, le maire de Tevragh Zeina, l’une des neuf communes qui composent Nouakchott.

Pourtant, la croissance anarchique de la ville, couplée à un laisser-aller des autorités, a rendu ingérable la collecte des déchets.

« Cela faisait des années que les bailleurs de fonds poussaient les autorités à élaborer une stratégie durable de collecte et de retraitement des déchets solides », explique Alain Gayrard, conseiller auprès du président de la Communauté urbaine de Nouakchott (CUN).

Aujourd’hui, les choses bougent enfin. Maître d’œuvre du projet de gestion des ordures ménagères à Nouakchott, la CUN a délégué ces compétences à l’Agence de développement urbain. Suite à l’appel d’offre lancé en 2006, le groupe français Pizzorno Environnement a remporté le contrat de collecte, de nettoiement et de transport des déchets solides jusqu’au centre d’enfouissement technique.

Ce centre, situé à une trentaine de kilomètres de la capitale, est entouré de grilles et de barbelés.

La notion de déchet

« Ville nouvelle », Nouakchott n’existait pratiquement pas avant 1960, année de l’indépendance de la Mauritanie vis-à-vis de la France. A cette époque, on recensait en ville environ 5000 habitants. Cinquante ans plus tard, la capitale flirte avec le million d’habitants et est au bord de l’asphyxie.

Ce sont les vagues successives de sécheresse, dans les années 70 et 80, qui expliquent en grande partie ce phénomène d’exode rural massif. Les nomades, en quête de moyens de subsistance, ont dû quitter leurs campements et sont venus grossir les rangs des bidonvilles de Nouakchott.

« Nous sommes un peuple de bédouins », explique posément Ahmed Hamza, le président de la Communauté Urbaine de Nouakchott. « Les nomades avaient l’habitude de jeter leurs déchets n’importe où et de déplacer leurs tentes dès que les poubelles devenaient trop volumineuses. Or, les citoyens doivent comprendre qu’on ne vit pas de la même manière en brousse et en ville ».


Photo: Manon Riviere/IRIN
A Nouakchott, capitale de la Mauritanie, les ruelles sont jonchées d'ordures
Une nouvelle gestion des ordures

Depuis le début du mois de septembre, des groupes de balayeurs en uniforme bleu et jaune arpentent les rues de Nouakchott, sous l’œil surpris des habitants. Ce sont les nouveaux salariés de la société Dragui-Transport (qui appartient au groupe Pizzorno Environnement), désormais chargée de la propreté de la capitale.

« Les nouakchottois n’en croient pas leur yeux », s’amuse Elymane Diallo, qui dirige une équipe d’une douzaine d’éboueurs. « C’est la première fois qu’une entreprise s’attaque à la question cruciale des déchets ici. En plus, c’est une entreprise française, sérieuse ».

Il serait faux de dire que rien n’existait auparavant dans ce secteur. Plusieurs systèmes parallèles de ramassage des déchets cohabitaient, mais ils étaient défaillants.

« Il y avait les enfants, qui opéraient une petite collecte de proximité à l’aide de charrettes, il existait aussi quelques petits contractants privés et enfin les mairies des neuf communes de Nouakchott sous-traitaient également cette activité à des sociétés privées », rappelle Serge Tiran, le responsable d’exploitation de Dragui-Transport en Mauritanie.

« Mais ce n’était pas efficace. La ville ressemblait à un vaste dépotoir ».

Jusqu’ici, les habitants de Nouakchott soucieux de leur hygiène n’avaient souvent pas d’autre choix que de confier leurs poubelles à un charretier, qui passait une fois par semaine.

« Pour 1 500 ouguiya (quatre euros), un type emportait nos déchets, explique Moussa, qui vit avec sa femme dans un quartier résidentiel. « J’avais bien conscience que ce n’était pas une solution et que nos poubelles finissaient sur les plages ou sur la route de Nouadhibou ! ».

Avec un objectif de 650 employés, l’entreprise Dragui Transport devrait maîtriser à terme l’ensemble du cycle d’assainissement : de la collecte à l’enfouissement. Fini les odeurs pestilentielles dues aux poubelles éventrées en pleine rue. Fini peut-être aussi les maladies dues à cette négligence sanitaire.

Risques d’infections

Le quartier de Sebkha, qui longe quasiment la mer, fait partie des zones d’habitat populaire. Ici, pas de tout à l’égout. Les rues sont inondées à la moindre pluie. Les enfants pataugent dans une eau saumâtre où flottent canettes, sacs poubelles et excréments d’animaux.

Les déchets envahissent même le Centre de santé du quartier.

« Chaque année, quand arrive la saison des pluies, on observe une recrudescence des maladies dues à l’insalubrité », constate le professeur Abdel Khader ould Ahmed, cadre au ministère mauritanien de la Santé.

« On trouve d’abord les maladies hydriques comme les diarrhées aiguës et les dysenteries. Puis, en raison des vents de sable chargés de saletés, les infections respiratoires aiguës sont légions, surtout chez les enfants. Avec des bronchites et même des pneumonies ».

L’absence de gestion des déchets hospitaliers à Nouakchott constitue aussi une source d’inquiétude. « Les déchets biomédicaux ne sont pas traités de manière efficace et radicale, ce qui pose bien entendu des problèmes au niveau de la transmission des maladies », souligne M. Ahmed.


Photo: Manon Riviere/IRIN
Les déchets font courir de graves risques pour la santé. Les maladies respiratoires sont fréquentes lorsque les vents de sable, chargés de saletés, soufflent sur la ville
En Mauritanie, la diarrhée est la première cause de mortalité, suivie des infections respiratoires aiguës. « Mais si nous parvenons à maîtriser l’hygiène, la mortalité baissera c’est certain », estime encore ce spécialiste en santé publique. Une gestion pérenne des déchets aurait aussi des répercussions économiques, car la santé coûte très cher aux familles. « L’argent économisé pourrait servir à d’autres choses, comme à l’éducation par exemple ».

Un défi majeur

Pour le professeur Ahmed, même si les mentalités se mettaient soudainement à changer, il persistera toujours certaines contraintes structurelles.

« Le sable est partout ici et constitue une source de microbes. De la même manière, les marchés de poissons et de viandes continueront à rejeter leurs résidus organiques dans les rues et à attirer les parasites ».

Spécialiste en assainissement urbain auprès d’une ONG française, Bénédicte Château est elle aussi sceptique :

« Je pense que Pizzorno parviendra sans trop de mal à nettoyer le centre-ville. En revanche, l’entreprise rencontrera certainement plus de difficulté dans les zones reculées et dans les ruelles ensablées des bidonvilles. Là, je pense qu’ils seront obligés de trouver des accords avec les charretiers pour espérer remplir leur contrat ».

«...En revanche, l’entreprise rencontrera certainement plus de difficulté dans les zones reculées et dans les ruelles ensablées...»
Chauffeur et balayeur chez Dragui-Transport, Mohammed Mangane est lui plus optimiste.

« Je suis certain que l’on peut rendre la Mauritanie propre ! », s’exclame-t-il avec fierté. « Bien sûr, il va falloir qu’on éduque les gens pour qu’ils cessent de mettre leurs poubelles partout et utilisent les conteneurs. Mais certains ont déjà commencé à nous aider et ça c’est vraiment encourageant ! »

Aujourd’hui, le contrat signé par la société française concerne la capitale et cinq kilomètres aux alentours. Question financement, l’Etat a accepté de se substituer à la Communauté urbaine de Nouakchott et de rémunérer durant un an Dragui-Transport.

« Toutefois, pour avoir de bons services publics il faut repenser le système fiscal, car aujourd’hui les recettes de l’Etat sont loin d’être maximisées », souligne Géza Strammer, actuellement chef de délégation par intérim de la Commission européenne en Mauritanie.

Les autorités mauritaniennes, elles, espèrent pouvoir tirer un premier bilan de cette nouvelle politique de gestion des déchets ménagers au printemps 2008.

mr/nr/ha/ads/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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