« Personne n’est prêt à nous héberger, car les gens pensent que nous sommes des sympathisants des militants qui se battent contre les troupes gouvernementales », a expliqué Wazirullah Mehsud, âgé de 60 ans.
Il croit également que les hôtes potentiels hésitent à héberger les personnes qui fuient la zone de combats car ce sont des Mehsud, de la même tribu que les chefs des talibans opérant dans le Sud-Waziristan.
« Le problème c’est que certaines personnes provenant du Sud-Waziristan pourraient être des militants. De nombreux attentats à la bombe et autres incidents violents ont eu lieu à Dera Ismail Khan ces dernières années. Nous avons peur d’accueillir des personnes du Sud-Waziristan, surtout lorsque beaucoup d’entre eux sont des hommes, car ils peuvent avoir des liens avec les militants », a remarqué Salim Khan, un commerçant de la région.
Le général de division Athar Abbas, un porte-parole de l’armée pakistanaise, a dit aux médias : « des militants rasent leur barbe et se mêlent aux civils pour essayer de fuir ».
Les attaques incessantes viennent ajouter aux appréhensions de la population. L’explosion d’une voiture piégée au milieu de la foule dans un marché de Peshawar, la capitale de la province de la Frontière du Nord-Ouest, a tué plus de 100 personnes le 28 octobre.
Peur
« De telles nouvelles nous font peur, même si nous voulons aider les gens en difficulté », a expliqué Aleem Ahmed, électricien à Dera Ismail Khan. Il a ajouté qu’il « réfléchissait » à la demande d’un ami d’héberger une famille de déplacés.
Photo: Abdul Majeed Goraya/IRIN |
Des habitants du Sud-Waziristan continuent de fuir les zones de conflit et se dirigent vers les districts voisins |
« J’ai eu beaucoup de mal à trouver ne serait-ce qu’une chambre à louer. Comme je suis seul avec mes deux fils, les gens pensent que nous sommes peut-être des militants », a raconté Asad Mehsud, âgé de 60 ans. Sa femme et ses belles-filles se sont installées à Peshawar, où vivent des membres de leur famille.
D'autres personnes déplacées, notamment celles qui ont de la famille proche à Dera Ismail Khan, ont moins de difficultés. « Mon cousin et sa famille se sont bien occupés de nous. Même s’ils ont cinq enfants et qu’il n’a pas été facile d’en ajouter sept dans la maison, ils ont été gentils et nous ont accueillis, » a dit Saifullah Mehsud.
« Pour autant que nous sachions, les personnes déplacées sont toujours hébergées dans des familles d’accueil », a dit à IRIN Billi Bierling, chargée de l’information pour le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Islamabad.
Elle a ajouté que le nombre total enregistré de familles déplacées provenant du Sud-Waziristan avait atteint 33 371. À Dera Ismail Khan et Tank, 1 689 familles déplacées ont été recensées le 28 octobre, alors que des personnes continuent d’affluer depuis les zones touchées par le conflit. Aucun camp de déplacés officiel n’a encore été mis en place.
Choc culturel
Pour certaines personnes déplacées, surtout des femmes qui, dans de nombreux cas, n’avaient encore jamais quitté leurs villages, l’expérience est déroutante. « Je n’avais jamais vu de l’eau couler d’un robinet à l’intérieur d’une maison, ni utilisé des toilettes avec une chasse d’eau », a raconté Waseefa Bibi, âgée de 25 ans et mère de deux enfants. Elle s’est dite également ravie des couches qui lui ont été données pour son bébé de trois mois : « maintenant, je sais comment en mettre une ».
Cependant, Waseefa et d’autres femmes déplacées connaissent également quelques problèmes : « nous vivons dans une maison qui appartient à nos hôtes, avec 13 personnes dans quatre pièces. Nos hôtes ne sont pas des proches et il est difficile pour ma belle-soeur et moi de respecter la purdah [pratique religieuse observée par certaines femmes et consistant à s’isoler des hommes qui ne sont pas parents de sang]. Nous sommes aussi très intimidées par le fait d’aller aux toilettes lorsqu’il y a des hommes autour », a dit Waseefa à IRIN.
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