Au cours des dernières échauffourées, samedi 7 février, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants qui se dirigeaient vers le palais présidentiel.
« Une cinquantaine de personnes ont été tuées et environ un millier ont été blessées », a dit à IRIN Claude Rakotondranja, président national de la Croix-Rouge malgache. « Les hôpitaux sont pleins à craquer et en pleine effervescence. Ils sont submergés et se débattent pour faire face à la situation ».
Environ 80 personnes ont déjà trouvé la mort au cours d’un certain nombre de rassemblements, organisés depuis le 26 janvier pour protester contre le gouvernement et qui ont donné lieu à des émeutes à Antananarivo, la capitale.
Madagascar, île de l’océan Indien, est en effet le théâtre d’une lutte pour le pouvoir qui oppose le président du pays, Marc Ravalomanana, à son rival, Andry Rajoelina, principal leader de l’opposition, récemment démis de ses fonctions de maire d’Antananarivo.
Samedi, les manifestants se sont réunis sur la place du 13 mai, dans le centre de la capitale, pour un rassemblement de l’opposition. Encouragés par l’appel de M. Rajoelina à la formation d’un gouvernement de transition - qu’il dirigerait lui-même -, des milliers de partisans de l’opposition se sont dirigés vers le palais présidentiel.
La confrontation avec la garde présidentielle s’est d’abord déroulée paisiblement, mais une avancée soudaine de la foule aurait déclenché l’attaque.
A la Une des médias locaux, l’événement était qualifié de « carnage », de « bain de sang », de « boucherie », et la journée, baptisée « samedi noir », était considérée comme l’atrocité politique la plus dramatique depuis l’indépendance du pays en 1960.
Accusations
Madagascar n’en est pas à ses premières violences politiques et rien ne porte à croire que la crise actuelle pourrait bientôt être désamorcée. « Pour être honnête, je ne sais pas si la situation va s’améliorer rapidement », a dit à IRIN Jacqueline Rabesahala, enseignante retraitée qui habite à Antananarivo.
« Les [manifestations] montrent que les gens veulent que le pays s’améliore du point de vue social et économique », a-t-elle ajouté, notant que le pays était secoué depuis plusieurs décennies par les bras de fer politiques.
Malgré de récentes améliorations socioéconomiques, Madagascar se classe encore à la 143e place seulement sur 177, à l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
Lorsque le président Ravalomanana est apparu à la télévision nationale à la suite des échauffourées, il a fermement accusé M. Rajoelina, reprochant sévèrement à son opposant d’avoir incité les foules à la violence.
M. Rajoelina a quant à lui fait une apparition sur son propre réseau de télévision privé déclarant, selon l’Associated Press : « Je vous condamne, M. Marc Ravalomanana. Y avait-il une vie à protéger dans ce palais ? Est-ce que défendre un bureau réclamait de faire couler le sang ? ». Il a également juré qu’il continuerait de lutter « jusqu’à la victoire finale ».
M. Ravalomanana lui-même est arrivé au pouvoir à la suite d’un bras de fer prolongé entre Didier Ratsiraka, le président de l’époque, et lui-même, qui avaient tous deux revendiqué une victoire aux élections de 2001.
M. Ravalomanana n’avait pris le contrôle du pays qu’après la fuite de Didier Ratsiraka en France, mais il affirme que son ancien adversaire politique est derrière la campagne politique de M. Rajoelina.
Impasse
Les deux hommes ont d’abord refusé toute négociation, mais les diplomates occidentaux ont continué à faire pression pour que des pourparlers soient engagés.
Sur l’invitation du gouvernement malgache, Haile Menkerios, secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires politiques, est entré en liaison à la fois avec M. Ravalomanana et M. Rajoelina, pour évaluer la situation et les amener à la table des négociations.
M. Menkerios a rencontré les deux hommes le 9 février, à l’heure où les habitants d’Antananarivo étaient de nouveau rassemblés sur la place du 13 mai, cette fois-ci, pour rendre hommage aux victimes de la fusillade.
« Est-ce que cela va s’arrêter ? C’est une question très difficile », a estimé M. Rakotondranja, président de la Croix-Rouge. « Cela dépendra du gouvernement ; nous devons attendre ».
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