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Flambées de violence et tensions ethniques à Karachi

A la suite d’une vague de violences politiques survenue au cours du week-end dans la ville de Karachi, dans le sud du Pakistan, l’ONG International Crisis Group (ICG), sise à Bruxelles, a mis en garde, lundi, contre de nouvelles tensions ethniques.

« Il ne s’agit pas d’un risque de tensions ethniques – ça y est, le mal est fait », a déclaré Samina Ahmed, directrice de la branche pakistanaise d’ICG, depuis Islamabad, la capitale. « Les graines d’un conflit ethnique ont été semées », a-t-elle déploré.

Ses propos font suite aux affrontements politiques les plus sanglants survenus au Pakistan depuis deux décennies ; plus de 40 personnes y ont trouvé la mort et des dizaines d’autres ont été blessées en deux jours, dans la plus grande métropole du pays, donnant lieu, ce lundi, à une journée de deuil national et à la fermeture des commerces, ainsi qu’à un sévère renforcement de la sécurité.

Au moins 34 personnes ont été tuées et plus de 130 ont été blessées, samedi, après qu’Iftikhar Muhammad Chaudhry, président déchu de la Cour suprême, a été retenu à l’aéroport de Karachi par des membres du mouvement pro-gouvernemental Muttahida Qaumi (MQM), qui dirige la ville. L’ancien magistrat de la Cour suprême, qui devait livrer un discours devant l’association du barreau de la Haute-Cour du Sind, a ainsi été dans l’incapacité de le faire.

Le MQM est principalement composé de Mohajirs – un groupe ethnique – originaires d’Inde et ayant immigré au Pakistan à la suite de l’indépendance de 1947.

Sept autres personnes ont été tuées et douze autres ont été blessées dimanche, au cours de nouveaux affrontements de rue qui ont opposé les membres de l’opposition politique au MQM, agitant le spectre du conflit ethnique qui avait hanté Karachi – la capitale de la province du Sind– dans les années 1980 et 1990.

Le Pakistan comprend au moins cinq grands groupes ethniques. La grande majorité des 158 millions d’habitants du pays sont des Pendjabis, le groupe ethnique qui tient les rênes de l’armée pakistanaise. Viennent ensuite les Pachtounes, les Sindhis, les Mohajirs, les Seraikis et les Baloutches – un grand nombre d’entre eux étant entrés en conflit les uns avec les autres par le passé.

Les Mohajirs constituent près de la moitié de la population de Karachi, les Pendjabis et les Pachtounes représentant eux aussi un nombre non-négligeable des habitants de la ville.

Selon plusieurs témoins qui se trouvaient sur place, des militants du MQM ont rassemblé des groupes d’habitants et ont tenté de les exécuter, simplement parce qu’ils ressemblaient à des Pachtounes ou des Pendjabis.

La plupart des affrontements qui ont opposé les membres de l’opposition au MQM au cours du week-end ont eu lieu dans des régions peuplées majoritairement de Pachtounes.

Des « lignes de combat » déjà définies

« Les lignes de combat politiques ont été définies », a affirmé Mme Ahmed, faisant allusion au face-à-face entre le MQM et le parti au pouvoir, d’un côté, et l’opposition, de l’autre.

M. Musharraf, qui dirige le parti au pouvoir, a suspendu le premier juge du pays de ses fonctions en mars dernier, pour « mauvais usage » présumé de son autorité – une mesure qui a incité un grand nombre des 158 millions d’habitants du pays à exiger la fin du régime militaire.

« Il s’agit d’une agression préméditée contre la société civile », s’est indignée Asma Jahangir, présidente de la Commission pakistanaise des droits de l’homme (HRCP), depuis la ville pendjabi de Lahore ; pour Mme Jahangir, le chef des forces armées pakistanaises, qui s’était emparé du pouvoir en 1991, à la suite d’un coup d’Etat sans effusion de sang, ainsi que les membres du MQM et du gouvernement provincial du Sind sont directement responsables des flambées de violence survenues ce week-end.

« C’était un acte militant destiné à priver le peuple de sa liberté d’expression et de son droit d’opposition », a-t-elle enchéri. Selon Mme Jahangir, « placer des barrages sur les routes, donner des armes aux militants du MQM postés aux barrages routiers stratégiques, et ignorer les ordres donnés par la Haute-Cour du Sind… ces actions ont été menées par le gouvernement ».

Au sujet du rassemblement de masse tenu à Islamabad samedi, en soutien à M. Musharraf, Mme Jahangir a déclaré : « Seul un gouvernement insensible, irresponsable et non-représentatif aurait pu faire la fête à Islamabad, alors que Karachi était en train de brûler ».

« Les événements qui se sont déroulés à Karachi montrent que le gouvernement, de connivence avec le MQM, souhaite replonger Karachi dans les hostilités ethniques et utiliser la politique du parti-pris pour parvenir à ses fins », a-t-elle commenté, appelant le gouvernement à respecter la liberté de circulation et le droit d’association du peuple, et à désarmer tous les partis politiques, y compris le MQM.

« Je ne suis pas optimiste, car je pense qu’ils [le gouvernement] sont prêts à tout », a déploré Mme Jahangir, qui occupe également le poste de Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion.

Dimanche dernier, le gouvernement a autorisé ses troupes paramilitaires à tirer sur quiconque se livrerait à des actes de violence graves à Karachi, une ville qui, par le passé, a été maintes fois ravagée par des querelles ethniques sanglantes entre différentes factions politiques ethniques.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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