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Interview avec Marcel Munga, leader du mouvement politique Mayi-Mayi

Padiri Bulenda, un des principaux responsables de la milice traditionnelle Mayi-Mayi, a été promu général-major le 20 août dernier. Il commande également une région militaire de l’armée unifiée de la République Démocratique du Congo (RDC).

Après avoir prêté serment, vendredi dernier, pour accéder à ses fonctions, il a délégué la direction de son mouvement à son ancien chef d’état-major particulier, Marcel Munga. Ce dernier a accordé une interview à IRIN, vendredi dernier. Marcel Munga explique la mutation d'une milice en un mouvement politique qui fait désormais partie du gouvernement d'union nationale avec tous les anciens belligérants, l'opposition non armée et la société civile.

QUESTION: Le général Padiri Bulenda vous a présenté comme le nouveau responsable politique du mouvement Mayi-Mayi. Comment envisagez-vous l'évolution de votre mouvement?

REPONSE: Nous menions une lutte armée. Nous avions un mouvement politico-militaire. Désormais, nous nous organisons en mouvement politique avec un projet de société pour transformer la nation congolaise.

L'installation de l’état-major général et du commandement de l’armée signifie pour nous la réunification du pays, la voie vers la paix, la concrétisation de la souveraineté nationale et la mise devant leurs responsabilités de certaines autorités.

Q: Le général Padiri a toujours été présenté comme le leader des Mayi-Mayi. Qu'adviendra-t-il maintenant qu'il a été nommé général-major et commandant d’une des régions militaires au sein de l’armée unifiée?

R: Le général Padiri est le chef charismatique des Mayi-Mayi. Pour le moment, nous organisons les Mayi-Mayi en un mouvement politique qui pourra avoir des aspirations et une expression à faire valoir au sein de la nation congolaise. Les Mayi-Mayi restent un seul mouvement. C’est ailleurs ou en occident qu’on a une mauvaise image de nous. Une image qui nous présente comme des groupuscules armés. Mais nous savons, nous, que dans la pratique les Mayi-Mayi sont unis.

Q: Votre participation au sein des institutions de la transition signifie-t-elle pour vous la fin de la lutte armée?

R: Des éléments sont intégrés dans les forces armées de la RDC. D’autres seront incorporés dans la police nationale et bien d’autres peuvent être démobilisés. Il revient maintenant au gouvernement de prendre ses dispositions pour gérer tous ces éléments.

Q: De combien d’éléments disposez-vous?

R: D’habitude, nous ne divulguons pas les chiffres exacts des effectifs militaires pour des raisons stratégiques. Mais nous sommes quand même quelques dizaines des milliers.

Q: Vous luttiez contre l’occupation rwandaise en territoire congolais. Vous vous battiez également contre le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), un allié du Rwanda. Quels sont aujourd'hui vos rapports avec le RCD-Goma maintenant que vous faites tous parties des institutions de la transition et du gouvernement d’union nationale?

R: Quels rapports pouvons-nous avoir particulièrement avec le RCD? Le RCD est devenu un mouvement politique. Les éléments ayant appartenu au RCD ont intégré l’armée nationale comme les troupes de toutes les autres composantes. Les éléments Mayi-Mayi et ceux du RCD-Goma constituent maintenant un seul corps.

Q: Pourtant des combats continuent entre vos deux camps dans la province du Sud-Kivu. Comment allez-vous réaliser cette symbiose sur le terrain?

R: Je pense que l’on doit établir les responsabilités en déterminant ceux qui combattent encore. Les autorités militaires provenant du RCD-Goma sont nombreuses. Elles participent au commandement, c’est à eux de prendre leurs dispositions en tant que responsables et de savoir qui livre les attaques et de réagir en conséquence.

Les officiers de l’état-major général et du commandement de l’armée ont prêté serment. Ils connaissent les responsabilités qui sont les leurs. Ils doivent maintenant s’affirmer sur le terrain. La RDC est un état qui doit sauvegarder son intégrité nationale.

Q: Quelle est actuellement la situation sur le terrain?

R: Des combats nous ont été signalés vers Bunyakiri et dans d’autres lieux. Les autorités militaires sur le terrain doivent éclairer le gouvernement sur la situation. Lorsque des combats éclatent, les responsabilités des belligérants doivent être établies. Les éléments du RCD-Goma sur le terrain doivent toutefois essayer d’être transparents et de dire exactement si des troupes rwandaises sont présentes. Car, les militaires rwandais n’ont jamais quitté en totalité le territoire congolais.

Q: Savez-vous où sont localisées les troupes rwandaises? Combien sont-elles?

R: Ce n’est pas à moi de le savoir. Nous, nous combattions et observions la présence des militaires rwandais. Nous ne connaissons pas leur nombre. Ils sont très nombreux là-bas, c’est tout.

Q: Disposez-vous de preuves pour étayer une telle affirmation?

R: C’est un secret de polichinelle. Les déploiements ne peuvent pas passer inaperçus et ce, quelles que soient les précautions prises. Je pense que la MONUC parviendra à rétablir les responsabilités des uns et des autres. Ce sont eux [la MONUC] qui surveillent ce qui se passe sur le terrain.

Q: Vous attendez que le RCD-Goma ordonne à ses troupes d’arrêter les combats. Pourtant, le RCD-Goma, de son coté, vous accuse aussi d’attaquer. Avez-vous déjà ordonné à vos troupes de stopper les hostilités? Peut-on affirmer que ceux qui se battent encore échappent à votre contrôle ?

R: Les Mayi-Mayi n’ont jamais attaqué. Ils ont fait l'objet d'attaques et se sont défendus. C'est de la légitime défense.

Q: Beaucoup d'autres groupes armés sont apparentés aux Mayi-Mayi, tout en restant distincts de votre mouvement. Le général Padiri représente peut-être uniquement les Mayi-Mayi, mais on peut également lister les Mudundu 40, les Mayi-Mayi du Nord-Katanga que l’on accuse d’être cannibales et le groupe de Patrick Masunzu et d’autres encore. Quelles sont les relations entre ces différents groupes d’autodéfense ? Se sentent-ils représentés par vous au sein du gouvernement ou de l’armée ?

R: Les Mayi-Mayi sont un seul et même mouvement. Mais pour les Mayi-Mayi du Nord-Katanga, nous devons essayer de les aider à comprendre l’importance de ce qu’ils doivent faire comme devoir pour la nation congolaise. Nous apprenons que des exactions sont commises. Nous devons fournir des efforts pour les aider à quitter ces aspects négatifs. Concernant les autres groupes, je pense que nous ne devons pas parler de groupes. Les Mudundu 40, par exemple, sont des enfants égarés, mais qui sont rentrés au bercail. Avant que nous ne venions ici, au mois de mai, Odilo, le chef des Mudundu 40, est venu nous rencontrer et se rallier avec tous ses éléments. Et, nous l’avons laissé à Lolingo. A Fizi, il y a d’autres Mayi-Mayi avec lesquels nous entretenons de bonnes relations. Il n’y a pas de problème pour les Mayi-Mayi.

Q: Et, avec Masunzu?

R: Nous devons travailler étroitement avec toutes personnes capables de ramener la paix en RDC. Quelqu’un qui est en arme et qui est à vos cotés... Je pense que ce n’est pas le moment de régler tel ou tel problème.

Q: Vous aviez l'appui de l’ancien gouvernement dont vous étiez l'allié. Maintenant qu'un gouvernement d'union nationale a été formé, qui sera votre soutien? Joseph Kabila vous soutiendrait-il si vous deviez continuer à vous battre?

R: Nous soutenions Laurent-Désiré Kabila depuis longtemps. Jusqu'à sa mort, nous l'avions soutenu parce qu'il partageait notre politique nationaliste. Son fils s'inscrit également dans la même ligne. Nous n'avons en revanche jamais reçu aucune aide du gouvernement. C’est par principe que nous l'avons aidé.

Q: On vous accusait parfois d'organiser des blocus à l’encontre des activités de la population en dehors des zones que vous contrôliez. Selon la MONUC, vous aviez aussi empêché l’accès de l’assistance humanitaire à Kindu et à Bukavu. Comment réagissez-vous à ces accusations? Que faites-vous pour améliorer l’accès de la population à l’assistance humanitaire?

R: C’est vous qui me dites ça. Moi, je pense que notre population a été sinistrée durant cinq ou six années. Nous avons toujours invité le personnel humanitaire à venir secourir nos populations. C’est le RCD qui empêchait l’accès à nos populations.

Comment pouvions-nous empêcher l’atterrissage des avions humanitaires à Shabunda, lorsque nous étions là-bas, alors que nous étions dans le besoin. Posez la question à Médecins Sans Frontières ou à Action contre la Faim, ils vous témoigneront de l'attitude et du climat de collaboration que nous avions avec eux. Ils avaient regretté que nous abandonnions le terrain.

Q: On vous accuse parfois aussi de piller, de violer et d'incendier des villages entiers.

R: Si on nous accuse, c’est parce que nous sommes des sans voix. Même le RCD n’a pas d’éléments aussi disciplinés que les Mayi-Mayi. Vous êtes maintenant chez nous, avez-vous constaté un élément indiscipliné?

Q: Le RCD-Goma vous a toujours accusé de complicité avec les ex-Far et Interahamwe [les combattants de l’ancienne armée rwandaise et les miliciens accusés du génocide rwandais en 1994]. Le processus de désarmement, démobilisation, rapatriement, réinsertion et réintégration (DDRRR) doit être renforcé. Que deviendront alors vos rapports avec les Interahamwe et ex-Far?

R: Vous parlez d’Interahamwe. Qui est Interahamwe? Nous, dans l’entité d’où nous venons, il y a des réfugiés rwandais. C’est nous qui avions initié le projet DDRRR avec la MONUC. C'est nous aussi qui les avions mis en oeuvre. Un groupe est parti de Bukavu vers le Rwanda. Toute la presse était à Ruzizi pour ce grand départ. Mais par la suite, qui a empêché ce DDRRR de continuer? N’est-ce pas que c’est l’Armée patriotique rwandaise (APR) et le RCD-Goma? Je pense que le fait d’être accusé découle de ce que nous n’avions pas les médias de notre coté.

Q: Des rapports d'ONG font état de tueries. L’ONG Héritiers de la justice a dénoncé récemment des recrutements d’enfants soldats, notamment à Idjwi. Quelles sont vos réactions à ces accusations?

R: Même dans l'hypothèse d'une réconciliation nationale et d'un pardon, il demeure des faits qui ont été commis par des personnes bien connues. Je pense que les auteurs de crimes ne doivent pas rester impunis. Pour les Mayi-Mayi, pouvez-vous nous donner des preuves sur ce que nous avons fait? Nous contrôlions très bien nos troupes, mais nous avons manqué de journalistes comme vous pour couvrir nos faits et gestes, là où nous étions.

De toute façon, le rapport concerne Héritiers de la justice et le RCD-Goma. C’est à eux de tirer les conclusions. Le gouvernement d’union nationale a des responsables qui doivent s’occuper de la sécurité des populations et de leurs biens.

Q: Que deviendront alors les enfants soldats présents dans vos rangs? Pensez-vous les démobiliser?

R: C’est une question à laquelle nous pensons depuis longtemps. Chez nous, il n’y a pas d’enfants soldats. S’il y en a, le nombre est minime. Peut-être une dizaine seulement.

Je crois que nous n’avons pas de soldats à démobiliser. Nous attendons leur intégration [dans l'armée unifiée] et que le gouvernement prenne ses responsabilités. Avant de venir à Kinshasa, nous avions pris toutes les précautions, il n’y a rien que nous puissions nous reprocher.

Q: Une légende fait passer les Mayi-Mayi pour les gris-gris ou une puissance mystico-magique. Qu’en est-t-il?

R: Vous savez, dans chaque troupe, dans chaque corps d’armée, il y a des techniques. Si on doit parler d’invulnérabilité, ce sont des techniques, des tactiques de combats que nous ne sommes pas obligés de dévoiler sur la place publique. Nous ne sommes pas des féticheurs, nous sommes chrétiens.

Q: Le problème des nationalités aux frontières de l’Est du pays est récurrent. Certaines souches, qualifiées de rwandaises, d'ougandaises et de burundaises ne sont pas acceptées par d’autres en raison de leurs phénotypes. De quelle manière cette question peut-elle être solutionnée?

R: Je pense que toutes ces questions relèvent de l’administration. Ce sont des questions administratives qui ne concernent pas tout le monde. Le parlement doit se prononcer.

Q: Etes-vous prêts à accepter les Banyamulenge comme Congolais?

R: Ce n’est pas à moi de les accepter. La nation congolaise a ses lois. Et les lois en matière de naturalisation sont claires. Ce n’est pas à nous de les clarifier. Un parlement a été installé, c'est à lui de décider.




This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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