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Entretien d'IRIN avec John O'Shea, directeur exécutif de GOAL.

L'organisation non gouvernementale GOAL, sise à Dublin, est l'une des organisation humanitaires internationales engagées en Sierra Leone. Son directeur exécutif, John O'Shea, a visité récemment ce pays ouest-africain. Dans un entretien avec IRIN depuis Dublin, M. O'Shea a déclaré que la Sierra Leone demeure fragile et qu'en conséquence, la communauté internationale devait maintenir son engagement « comme elle l'a fait au Timor Oriental ». Ci-après le texte de l'entretien:

Q: Vous venez juste de rentrer de la Sierra Leone. Quelles sont vos impressions générales concernant le pays après les récentes élections présidentielles et parlementaires?

R: Tout d'abord, un soulagement que la guerre civile ait fini. Les personnes qui ont tant souffert pendant les 10 ou 11 dernières années ont maintenant une chance de vivre une vie normale. Mais comme nous l'avons vu dans beaucoup de pays africains, le fait que la guerre civile soit finie ne garantit par le retour du pays à la normale. Toutefois, le fait que la communauté internationale soit si fortement impliquée en Sierra Leone suscite un certain degré d'espoir pour le futur.

Q: La communauté internationale commence à reconsidérer la nature de sa présence continue après les élections réussies, en disant aux Sierra Léonais, voici votre nouveau bébé (votre nouveau gouvernement). Craignez-vous qu'un retrait de la communauté internationale dans quelque temps puisse constituer un pas en arrière ?

R: Il ne fait aucun doute qu'il pourrait mettre la situation en péril. Le gouvernement de la Sierra Leone se trouve dans une situation très fragile. Il ne semble pas avoir de richesse en dépit du fait que le pays a des diamants en abondance. A cause de la guerre civile, il existe une question sérieuse qui consiste à se demander qui contrôle les minerais du pays - s'agit-il de personnes à l'extérieur du pays ? S'agit-il d'hommes d'affaires à l'intérieur du pays ? Est-ce un gouvernement à l'extérieur du pays ? Les chefferies ? Il semblerait que ce n'est pas le gouvernement et ceci signifie que les chances que les profits des minerais bénéficient à la population sont très minces. Cela ne veut pas dire que si le gouvernement avait le contrôle total, les profits iraient au peuple car la corruption est un énorme problème qui n'a pas été traité non plus. Il y a beaucoup de problèmes complexes qu'il faudrait traiter et la communauté internationale doit rester engagée jusqu'à ce qu'elle puisse faire confiance au gouvernement. Elle doit faire ce qu'elle a fait au Timor oriental.

Q: Auriez-vous un calendrier pour cet engagement. Combien de temps pensez-vous que la communauté internationale devrait rester engagée de la même manière qu'elle l'a été, durant la période post-électorale en Sierra Leone ?

R: Il n'y a pas de calendrier car nous devons voir jusqu'à quel point le nouveau gouvernement est sincère pour ce qui concerne l'aide à son propre peuple. Nous devons attendre et voir s'il peut ôter le contrôle des minerais à quiconque qui le détient en ce moment, et voir si le gouvernement a la capacité de fournir une infrastructure pour ramener une économie de marché dans le pays. En fin de compte, la communauté international devrait se soucier des existences des gens et pas de qui est au pouvoir. La communauté internationale doit apporter son appui durant la période initiale, de 3 à 6 mois, et on aura alors une idée sur le sérieux du gouvernement. Si le gouvernement choisit d'être corrompu, la communauté internationale doit trouver un autre moyen d'apporter de l'aide à la population qui en a désespérément besoin.

Q: L'un des problèmes majeurs auquel la Sierra Leone est confrontée réside dans la réconciliation de sa propre population, y compris des groupes variés qui se sont battus les uns contre les autres durant les guerres. Pensez-vous que les Sierra Léonais sont réconciliés et qu'ils vont oublier le passé ?

R: La question est juste de savoir à quel point le gens sont mûrs et si oui ou non ils sont préparés à mettre les intérêts du pays en premier. C'est bien facile pour des outsiders comme moi-même de faire des commentaires. Je n'ai pas perdu un frère ou une épouse dans un conflit. Je n'ai pas eu ma jambe gauche tranchée. Donc, je ne pourrais pas avoir d'idée sur la manière dont des personnes qui ont tant souffert dans l'une des guerres civiles les plus brutales que le monde ait connu, vont agir avec des gens qui, il n'y a pas si longtemps, essayaient de les tuer.

Q: Durant votre visite, avez-vous vu des signes de réconciliation réelle ?

R: Je n'y ai pas été assez longtemps. Le sentiment que j'ai eu était d'espoir et de soulagement. Les Sierra Léonais sont un type de personnes charmantes et heureuses et j'ai trouvé surprenant qu'ils regardent tant vers le futur plutôt que de se poser des questions sur les atrocités du passé. L'impression , et je précise que ce n'était qu'une impression que j'avais, était qu'il y a de l'espoir. Ils ont fortement voté en faveur du nouveau gouvernement mais aussi pour que la communauté internationale reste en Sierra Leone.

Q: Le conflit continue au Liberia pour le moment. Quelle sera, selon vous, l'importance de l'impact sur la Sierra Leone de la continuation du conflit dans les Etats voisins.

R: C'est une autre tâche pour la communauté internationale qui a si lourdement investi en Sierra Leone. Le conflit au Liberia est déjà devenu un facteur sérieux en Sierra Leone. Les nombres des réfugiés ont une incidence sur la stabilité de la Sierra Leone, en plus de la contrebande illicite de diamants. Dans un monde idéal, la communauté internationale s'en prendra au Liberia pour deux raisons: d'abord parce que ce qu'ils font est mal, et ensuite pour offrir à la Sierra Leone une chance réelle. Avoir une guerre civile à sa porte n'est pas exactement ce qu'il faut à la Sierra Leone en ce moment.

Q: La communauté internationale traite déjà sévèrement le Liberia. L'ONU a récemment révisé certaines sanctions en vigueur contre le gouvernement de Monrovia.

R: Il faudrait en faire bien plus car les gars avec les armes font comme il leur plaît. Des appels à la paix, ce n'est pas assez.

Q: Plusieurs initiatives de paix en rapport avec le Liberia ont commencé. Les Etats ouest-africains, sous la houlette de la CEDEAO, ont lancé récemment une série d'efforts pour tenter de résoudre la crise au Liberia. Il y a également l'initiative marocaine.

R: Je ne connais aucun pays ou seuls des appels (à la paix) se sont avérés réussis. Il n'y a qu'à voir le Congo oú tout le monde appelle l'Ouganda, l'Angola, le Zimbabwe etc, à s'en aller. Ce qu'il faudrait c'est qu'une importante armée descende au Congo et s'assure que les combattants soient désarmés et renvoyés dans leurs pays. Mais il risque d'y avoir des victimes. Au Liberia, des vies humaines sont sacrifiées. Il faudrait garantir la souveraineté des êtres humains dans ce pays.

Q: Que fait GOAL en Sierra Leone?

R : Nous travaillons à Freetown et dans le district de Kenema, oú nous avons des services de santé pour des centaines de milliers de personnes. Nous avons également reconstruits des cliniques, des orphelinats et des maisons. A Freetown, notre principale activité est centrée sur les enfants de la rue et sur les jeunes filles qui se prostituent. Nous tentons d'éloigner les jeunes filles du Sida et de leur donner l'occasion de vivre une vie normale. Nous y sommes depuis quatre ans maintenant et resterons engagés aussi longtemps que le peuple de la Sierra Leone aura besoin de nous.

Q: Quel travail faites-vous avec les déplacés et les autres groupes vulnérables.

R: Nous aidons beaucoup de personnes déplacées à Kenema. Nous espérons obtenir un peu d'argent pour l'éducation. Les enfants sont anxieux de retourner à l'école et GOAL s'emploiera à aider les gens à sortir de la situation cauchemardesque qu'ils ont vécue pendant les guerres. Nous nous concentrons sur les personnes oubliées.

Q: La semaine dernière, vous avez été cité dans un communiqué de GOAL disant que la douleur et les souffrances continuent en Sierra Leone. Qu'entendiez-vous exactement par là?

R: Si la communauté internationale ne continue pas d'apporter son appui, le nouveau gouvernement à lui-seul, étant donné la litanie de problèmes auxquels il fait face, ne peut avoir un impact immédiat. Les dégâts occasionnés par la guerre civile sont si importants, physiquement et psychologiquement, que le peuple de la Sierra Leone aura besoin d'un énorme appui. Ceci ne peut venir que d'un effort conjugué de la communauté internationale et du gouvernement. Je m'inquiète que la communauté internationale envisage de se dégager de la Sierra Leone. Il faudrait qu'elle reste engagée jusqu'à ce que la Sierra Leone aille de l'avant.



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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