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Une bouée de sauvetage pour les « réfugiés climatiques » ?

[Somalia] Women wash clothes in the flood-waters at an internally displaced persons camp in Arare, 12 km from Jamame, southern Somalia, 15 December 2006. Thousands of Somalis have been displaced by what is described as the worst floods in the country in 1 Manoocher Deghati/IRIN
Women wash clothes in floodwater at an IDP camp in Arare, 12km from Jamame, southern Somalia. December 2006
La communauté internationale a longtemps esquivé la question de la reconnaissance et de la protection des « réfugiés climatiques » - des personnes forcées de quitter leur pays en raison des risques et dangers associés au changement climatique. La première initiative mondiale destinée à étudier les réponses humanitaires vient d’être lancée et des discussions axées sur les États de l’océan Pacifique seront bientôt organisées.

Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, la législation internationale sur les droits de l’homme, et plusieurs droits nationaux protègent les droits des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays du fait de catastrophes naturelles, mais les personnes forcées à quitter leur pays ne bénéficient d’aucune protection et sont particulièrement vulnérables.

« Certains des mandats confiés aux agences [d’aide humanitaire] pour répondre aux déplacements transfrontaliers sont ambigus, car aucune ONG [organisation non gouvernementale] ou agence n’a la responsabilité de surveiller la situation des personnes déplacées par les catastrophes naturelles », a dit Walter Kaelin, ancien représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) et défenseur de longue date des personnes déplacées en raison de catastrophes naturelles extrêmes.

M. Kaelin est également le représentant du président de l’Initiative Nansen, une initiative intergouvernementale nommée en l’honneur de l’explorateur polaire Fridtjof Nansen, premier Haut Commissaire aux réfugiés nommé par la Société des Nations en 1921. Le « passeport Nansen » a été créé à son initiative pour venir en aide aux apatrides.

Rolf Vestvik, du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), indique que l’absence de statut juridique empêche des agences comme la sienne de collecter des fonds pour leur venir en aide. Le NRC et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ont joint leurs efforts pour faciliter les efforts de l’Initiative, qui ont été mis en œuvre au début de l’année 2013.

Certains pays et certaines agences hésitent à s’engager dans un nouveau processus - éventuellement long - mondial pour traiter les questions juridiques relatives à la fourniture d’une assistance aux personnes déplacées à l’extérieur de leur pays en raison de catastrophes naturelles.

« Les États n’ont tout simplement pas envie de s’engager dans un processus formel aujourd’hui, et l’Initiative Nansen essaye d’arriver à un consensus nécessaire sur ce qu’il importe de faire dans un processus intergouvernemental », a dit à IRIN M. Kaelin.

Même la Conférence de Cancun de 2010 sur la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) - la première à évoquer la possibilité de « déplacements de population induits par le changement climatique » - n’a pas apporté de réponse sur la façon dont cette question devrait être traitée.

L’Initiative Nansen a été lancée par la Norvège et la Suisse en 2012 afin de sortir de cette impasse et de dégager un consensus global sur la meilleure façon de traiter la question des personnes déplacées par les chocs soudains ou par les catastrophes à évolution lente, comme la sécheresse. « Cette première étape est nécessaire et pourrait déboucher sur un nouvel accord », a noté M. Kaelin. « Il n’y a pas d’accord dont les pays pourraient s’inspirer ».

L’Initiative s’appuiera sur les trois piliers identifiés dans l’« Agenda pour la protection » : la coopération et la solidarité internationales ; les normes de traitement des personnes affectées liées à l’admission, au séjour, au statut ; les réponses opérationnelles, y compris les mécanismes de financement ; et la responsabilité des acteurs internationaux de l’aide humanitaire et de l’aide au développement.

Les travaux seront supervisés par un Groupe Directeur composé de représentants des gouvernements des pays en développement et des pays développés, y compris l’Australie, le Bangladesh, le Costa Rica, l’Allemagne, le Kenya, le Mexique et les Philippines. La première consultation concernera les États insulaires de l’océan Pacifique, dont l’existence est menacée par l’élévation du niveau des océans. M. Kaelin a dit à IRIN qu’elle pourrait avoir lieu la dernière semaine du mois de mai.

Le premier cycle

En 2012, la Nouvelle-Zélande a rejeté la demande de statut de réfugié du climat déposée par un habitant des îles des Kiribati.

L’Australie est voisine de plusieurs îles de l’océan Pacifique. Selon un rapport publié dans le journal The Guardian, le Conseil australien pour les réfugiés avait exhorté son gouvernement à devenir le premier pays à reconnaitre officiellement les personnes qui se déplacent pour échapper aux impacts du changement climatique en créant une nouvelle catégorie de réfugiés, qui permettrait à ces derniers d’accéder à la protection et à l’aide.

« Certains des mandats confiés aux agences [d’aide humanitaire] pour répondre aux déplacements transfrontaliers sont ambigus, car aucune ONG ou agence n’a la responsabilité de surveiller la situation des personnes déplacées par les catastrophes naturelles »
La réticence des pays à aborder ces questions est apparue à l’occasion de la Réunion ministérielle organisée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) de 2011 pour commémorer le 60ème anniversaire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le 50ème anniversaire de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, a écrit M. Kaelin dans la Revue sur les Migrations Forcées de 2012.

Le communiqué ministériel adopté lors de la réunion n’a pas directement fait référence aux déplacements transfrontaliers entraînés par des catastrophes liées au climat et d’autres catastrophes naturelles. « Il ne s’agissait pas d’un accident, mais plutôt de l’expression d’un manque de volonté de la part d’une majorité de gouvernements, que ce soit pour des raisons de souveraineté, de priorités concurrentes ou de rôle prépondérant du HCR dans le processus », a dit M. Kaelin.

Koko Warner, qui mène une recherche sur la migration environnementale à l’Institut de l’université des Nations Unies (UNU) pour l’environnement et la sécurité humaine de Bonn, a dit à IRIN : « Il y a un espace politique pour la discussion … si les États trouvent leur propre intérêt dans cette question, ils trouveront peut-être davantage de raisons de s’engager ». Les scénarios dans lesquels des millions de personnes sont obligées de quitter leur lieu de résidence en raison du changement climatique ont soulevé des inquiétudes dans les pays développés.

Joe Aitaro, négociateur de l’Alliance des petits États insulaires et représentant de l’île de Palau, située dans l’océan Pacifique, à la CCNUCC, parlant en son nom propre, a souligné que « Nous avons besoin de la présence et de l’engagement des principaux pays développés dans un processus qui permettra de compenser nos pertes ».

M. Kaelin a dit que la consultation avec les pays insulaires de l’océan Pacifique porterait sur trois questions clés : comment aborder la question du déplacement des personnes dans les projets d’adaptation et l’accès au financement ; comment protéger l’identité culturelle, les terres et les propriétés en cas de déplacement, de migration volontaire et de relocalisation planifiée ; quel est le rôle du Forum des îles du Pacifique et d’autres institutions régionales dans la résolution de ces problèmes.

M. Aitaro a indiqué que le processus doit également prendre en compte la perte des sources de revenus et des moyens de subsistance tirés des richesses minérales et de la pêche en cas de submersion des îles.

Steven Rahmstorf, scientifique de l’Institut de recherche de Potsdam et expert des impacts du changement climatique sur l’élévation du niveau de la mer, estime que les océans pourraient monter de plus d’un mètre au cours de ce siècle et soutient que les États insulaires de faible altitude du Pacifique devraient être abandonnés.

« Je pense que les relocalisations planifiées seront une réponse aux effets du changement climatique sur certains pays », a dit Elizabeth Ferris, agrégée supérieure et co-directrice du projet mené par l’Institution Brookings et l’école d’économie de Londres (London School of Economics, LES) sur le déplacement interne.

« Il convient de veiller à ce que la participation des collectivités au processus de [relocalisation] soit garantie, à ce que des terres sûres soient trouvées pour la réinstallation des populations et à ce que les moyens de subsistance soient rétablis. Relocaliser les populations tout en assurant le maintien de leurs droits et de leur dignité est une entreprise coûteuse qui nécessite un engagement, une expertise et avant tout une volonté politique. On ne devrait y avoir recours qu’en dernier lieu ».

D’autres solutions pourraient être mises en place. L’île de Palau a demandé à la Cour internationale de Justice si les pays avaient la responsabilité juridique de garantir que leurs émissions de gaz à effet de serre n’affectent pas d’autres pays. L’avis de la Cour n’aurait pas de valeur juridique contraignante, mais elle pourrait favoriser l’adoption de lois internationales et ouvrir la voie au versement d’indemnisations, peut-être pour marquer la reconnaissance officielle des populations déplacées par les catastrophes naturelles extrêmes.

Mme Warner de l’UNU et son équipe de recherche cherchent des liens entre les évènements naturels extrêmes et les déplacements pour aider les pays à obtenir des indemnisations pour les pertes et dommages provoqués par le changement climatique. Lors de la réunion organisée par la CCNUCC à Doha en 2012, les participants ont décidé que la question de la création d’un mécanisme chargé de répondre aux pertes économiques et non économiques et de la mise en œuvre d’éventuelles interventions technologiques serait abordée lors de la réunion qu’elle organisera en Pologne en 2013.

Identifier la cause

Dans le cas des îles qui disparaissent sous les eaux, il serait relativement facile d’attribuer le déplacement de leurs populations au changement climatique ou aux catastrophes naturelles extrêmes, mais il serait plus difficile de le faire dans les cas où des facteurs complexes, comme la sécheresse et le conflit, entrent en jeu, comme en Somalie pendant la famine de 2011.

« Il n’est jamais… facile de comprendre les causes du déplacement des populations », a dit M. Vestvik du NRC. La diversité d’origine des personnes qui traversent chaque jour la Méditerranée en témoigne. « Toutefois, avec les bons outils, … il est possible d’identifier les diverses causes de déplacement et donc les besoins des personnes concernées en matière de protection ».

jk/he-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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