Les civils employés par les organisations non gouvernementales (ONG) en Afghanistan sont inquiets des conditions d’insécurité grandissante dans lesquelles ils travaillent, les travailleurs humanitaires étant de plus en plus souvent pris pour cibles par des bandes de criminels et d’insurgés talibans.
Ahmed Shah Shierzai, médecin, travaillait pour une ONG locale ; il a démissionné de son poste suite à sa libération par les insurgés talibans, survenue le 20 octobre dans la province de Kandahar, dans le sud de l’Afghanistan.
Le 16 octobre, deux autres hommes et lui-même, qui travaillaient dans un service médical de proximité, ont été enlevé à l’extérieur de la ville de Kandahar par des hommes armés liés aux rebelles talibans.
« Nous avons imploré les talibans [en leur disant] que nous n’étions que des professionnels de la santé et que nous voulions seulement aider les patients déshérités », a-t-il dit. « Ils voulaient nous tuer car ils disaient que ceux qui travaillaient pour le gouvernement d’Hamid Karzai ou pour les organisations étrangères méritaient la mort », a raconté M. Shierzai.
Seule une médiation menée par des leaders tribaux ainsi qu’une forte somme d’argent versée par la famille de M. Shierzai a permis sa libération, a-t-il dit à IRIN.
Avant de le laisser partir, les talibans l’ont forcé à prêter serment : « J’ai juré de ne plus travailler ni pour le gouvernement ni pour des ONG étrangères », a-t-il dit.
L’Office de sécurité des ONG en Afghanistan (ANSO en anglais) a indiqué en octobre que depuis janvier 2007, 106 crimes et incidents concernant la sécurité des ONG avaient touché ces organisations à travers tout le pays.
Anja de Beer, directrice d’un collectif d’ONG appelé ACBAR, a expliqué que les ONG étaient prises pour cible tant par des bandes criminelles armées que par les forces anti-gouvernementales.
Photo: ANSO |
Les incidents criminels contre les ONG en Afghanistan en 2007 |
Conséquence de la faiblesse du système judiciaire, les bandes organisées impliquées dans des attaques et des incidents liés à la sécurité des ONG ne sont pas poursuivies et n’ont rien à craindre de la justice.
« Cette impunité criminelle constitue une menace pour les ONG dans le nord et le nord-est du pays au même titre que l’insurrection dans le sud ou sud-est de l’Afghanistan », a indiqué à IRIN à Kaboul Nic Lee, le directeur d’ANSO.
Enlèvements en hausse
Selon M. Lee, dans la plupart des cas d’agressions et de vols armés qui touchaient les convois humanitaires et leurs équipements, les meurtres ou les enlèvements de travailleurs humanitaires restaient jusque là rares. Cette année néanmoins, il y a eu un changement notable.
« Les enlèvements sont devenus de plus en plus fréquents », a-t-il indiqué. « Les bandes criminelles pratiquent de plus en plus les enlèvements de travailleurs d’ONG dans le but d’obtenir de l’argent ».
En 2007, les force anti-gouvernementales ont enlevé plus de 60 travailleurs d’ONG et les bandes criminelles en ont enlevé 20, selon l’ANSO.
Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a indiqué qu’entre janvier et septembre 2007, sept travailleurs humanitaires internationaux ainsi que 34 Afghans avaient été tués après avoir été enlevés par des hommes non identifiés.
Photo: ANSO |
Les incidents impliquant des groupes armés contre les ONG en Afghanistan en 2007 |
De nombreuses organisations humanitaires qui travaillent en Afghanistan dépendent des communautés et des pouvoirs non militarisés et extra gouvernementaux afin d’assurer leur protection et leur sécurité.
« Nous considérons que l’acceptation de nos organisations par les communautés est notre barrière de protection », a dit M. De Beer d’ACBAR.
Afin de garder et d’afficher leur statut de neutralité et d’indépendance, et ainsi éviter de devenir « des cibles légitimes » pour les parties belligérantes, la plupart des ONG ont refusé d’être escortées par des convois de protection gouvernementaux afghans.
Il y a cependant eu certaines demandes pour que le gouvernement intervienne. « Nous avons demandé au gouvernement afghan d’assurer notre sécurité », a indiqué Gunendu Roy, coordinateur d’une organisation bangladeshi de développement, le BRAC.
Le BRAC, qui gère différents programmes de développement rural et urbain et assure aussi un programme de microassurance dans 25 des 34 provinces afghanes, et qui compte plus de 3 500 employés afghans et 180 bangladeshi – a perdu un des ses membres dans la province du nord-est du pays, le Badakhshan, le 12 septembre, lors d’une attaque.
Un de ses autres employés est retenu prisonnier depuis le 15 septembre par des hommes non identifiés dans la province de Logar, selon l’organisation.
Photo: Samad Nademjo/IRIN |
La sécurité se détériore aussi pour les civils. Plus de 18 écoliers sont morts et 40 autres ont été blessés dans une attaque suicide le 6 novembre |
Un futur incertain
Les Nations Unies, les ONG ainsi que d’autres organisations internationales s’accordent à dire qu’en termes de sécurité, l’année 2007 a été la pire des années pour les travailleurs humanitaires.
Les problèmes grandissants d’insécurité ont rendu des zones inaccessibles, ce qui, selon le Comité international de la Croix-Rouge et les Nations Unies, a fait basculé des millions d’Afghans déjà pauvres dans une situation de crise humanitaire d’urgence.
Pour M. Lee, qui surveille de près la sécurité des ONG, la situation se détériore et pourrait s’aggraver bien plus encore.
Mme De Beer d’ACBAR dit que la situation actuelle pouvait évoluer de deux manières différentes : « Espérons que la sécurité s’améliorera », a-t-elle dit.
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