Bon nombre d’entre eux ont également été victimes de la tempête, connue localement sous le nom de Yolanda et dont le bilan s’élève à 5 000 morts et plus de 1 500 disparus. Plus de 14 millions de personnes ont été touchées et plus de 3,5 millions ont été déplacées.
IRIN a rencontré Marilou Nacilla. Âgée de 56 ans et mère de quatre garçons, elle travaille dans le secteur de la protection sociale et compte parmi les milliers de travailleurs humanitaires locaux dans la zone touchée par le typhon. Elle a participé à l'évacuation de milliers d'habitants avant l'arrivée de la tempête de catégorie 5. Elle est toujours sur le terrain et continue de faire ce qu’elle sait faire de mieux : aider les gens.
« La veille du typhon, je suis allée dans nos bureaux de l'Office du développement de la protection sociale à Tacloban, situés sur l’avenue Magsaysay. À ce moment-là, nous étions 10 travailleurs dans le bâtiment, et d’autres étaient affectés dans les centres d'évacuation un peu partout dans la ville.
J'ai décidé de dormir au bureau pour éviter d'être prise dans la tempête, qui devait se lever en début de matinée.
Les autorités municipales avaient annoncé l’évacuation préventive de milliers d'habitants potentiellement en danger, surtout ceux résidant le long de la côte, et nous (les travailleurs sociaux) avons été affectés à cette tâche. Nous avons travaillé 24 heures par jour et nous étions divisés en deux équipes : une qui travaillait le jour ; l’autre la nuit. J’ai été affectée à l’équipe de jour.
Lorsque le typhon a frappé, le vent et la pluie étaient si violents que tout le bâtiment a tremblé. Presque toutes les vitres des fenêtres de l'immeuble se sont brisées, tandis que le toit a commencé à se désintégrer. C'était terrifiant ! Certains d’entre nous sont allés se réfugier dans les toilettes des dames au rez-de-chaussée, avant qu’une onde de tempête ne nous oblige à fuir de nouveau. Cette fois, nous sommes montés au troisième étage. À un moment donné, j'ai cru que nous allions tous mourir.
Quand tout s’est arrêté, j'étais choquée. Nous avons eu du mal à reconnaître notre environnement. Une heure plus tard, la mer a commencé à se retirer du bâtiment et nous avons commencé à apercevoir plusieurs cadavres qui flottaient. C’est à ce moment-là que les survivants ont commencé à arriver.
Même si je n'avais aucune idée de ce qui était arrivé à ma famille, et sans moyens de communication, je savais que je devais mettre tout ça de côté et commencer immédiatement à aider les gens autour de moi. Ce n’est que plus tard, lorsque mon mari a franchi la porte, que j'ai appris que toute ma famille avait survécu.
Je portais encore les vêtements dans lesquels j’avais nagé pour survivre quelques heures auparavant, mais je ne suis pas retournée chez moi, car je voulais aider le plus grand nombre de personnes possible.
Plus tard, j'ai appris qu'une de mes collègues, âgée d’une vingtaine d’années et affectée dans un des centres d'évacuation était portée disparue.
Durant la semaine qui a suivi, la plupart des gens qui venaient présentaient de graves éraflures et coupures. D'autres venaient simplement chercher de la nourriture et de l’eau pour leurs familles. Nous leur avons donné ce que nous avons pu, tandis que les vivres commençaient à arriver lentement.
Je ne suis pas rentrée à la maison tout de suite parce que nous essayions tous d'aider les personnes qui avaient été déplacées. Comme nos bureaux étaient détruits, nous nous sommes installés temporairement dans un bâtiment adjacent à l'Hôtel de Ville. Pendant les trois premiers jours, nous étions seulement cinq à travailler, y compris notre responsable Liliosa Baltazar, directrice des affaires sociales.
Pendant ce temps, certains de mes collègues sont retournés chez eux pour prendre des nouvelles de leurs familles, mais je suis restée.
Ce n’est qu’après deux semaines, quand j'ai été chargée de livrer du lait aux habitants d’un village à l’extérieur de la ville, que j'ai finalement pu voir ma famille. J’ai supplié le chauffeur du camion de me donner au moins quelques minutes.
Quand les membres de ma famille m’ont aperçue, ils se sont mis à pleurer, mais j'ai essayé de contrôler mes émotions, car je savais que je devais rester forte pour eux. Notre maison était complètement détruite.
“À quoi cela sert-il de pleurer ? Est-ce que pleurer fera réapparaître notre maison ?”, leur ai-je demandé. “Tant pis pour la maison, l’essentiel c’est que nous soyons tous en vie”, ai-je ajouté. Au fond de moi, j’en reste convaincue, et cela me permet d’avancer aujourd’hui.
On nous a donné une seconde chance dans la vie ; c'est pourquoi désormais nous devons aider les autres. Nous (les travailleurs sociaux) sommes comme des soldats. Il est de notre devoir d'aider les gens, même si nos familles doivent passer après. »
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