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Les Zimbabwéens se plaignent des frais de rapatriement des corps

Flower vedors outside a funeral parlour, Bulawayo IRIN
Cynthia Ndlovu, une mère célibataire de 30 ans originaire de Bulawayo, la deuxième ville du Zimbabwe, est employée comme femme de ménage dans un hôtel de luxe de Johannesburg, en Afrique du Sud. Elle est trop occupée à économiser de l’argent pour sa famille pour s’inquiéter de la possibilité de mourir loin de chez elle.

« Je ne peux pas perdre mon temps à penser à ma mort. Dieu prendra soin de moi lorsqu’elle viendra. Le plus important pour l’instant, c’est de gagner autant d’argent que possible pour payer les frais de scolarité de mon fils, le nourrir et envoyer de l’argent à mes parents restés à Bulawayo », a dit à IRIN Mme Ndlovu.

Mme Ndlovu, qui travaille de longues heures à l’hôtel, vend aussi de la nourriture à la gare routière de Parktown, située dans le centre de Johannesburg, et travaille en tant que blanchisseuse pour compléter son salaire qui n’atteint pas 200 dollars par mois.

Bon nombre de ses amis se sont joints à des sociétés funéraires qui prendront en charge les frais de rapatriement de leur corps au Zimbabwe ainsi que les frais d’obsèques, s’ils venaient à décéder, mais Mme Ndlovu estime que le montant des cotisations mensuelles généralement demandées par ces sociétés – 50 rands (5 dollars) – est trop élevé.

« Je dois économiser chaque centime gagné grâce à mon emploi régulier et à mes emplois à temps partiel, sinon ma vie serait trop difficile. La meilleure façon de ne pas causer de problèmes à sa famille lorsque l’on meurt est de rentrer au Zimbabwe dès que son état de santé se dégrade », a dit Mme Ndlovu.

Mais un décès n’est pas toujours causé par une maladie, en particulier pour les migrants installés à Johannesburg, une ville qui affiche un taux de crimes violents élevé. Stanley Moya, 28 ans, originaire d’Harare, capitale du Zimbabwe, a été victime d’une agression alors qu’il regagnait son domicile à Berea, dans la banlieue de Johannesburg, après une journée de travail. Il a été tué et son corps a été abandonné dans un fossé proche du lieu du crime, où il a été découvert le lendemain matin. Plus d’un mois plus tard, son corps se trouve encore dans une morgue de Johannesburg.

M. Moya n’était pas membre d’une société funéraire, et ses amis ne savent pas comment contacter ses parents restés au Zimbabwe pour les prévenir de sa mort. Le jeune homme était entré illégalement en Afrique du Sud et ne possédait pas de passeport. Même si l’on pouvait retrouver ses parents, le fait que M. Moya ne disposait pas de documents d’identité rendrait probablement impossible le rapatriement de son corps.

« Stanley sera peut-être enterré ici, par le gouvernement sud-africain, et ses parents et proches penseront probablement qu’il est encore en vie pendant plusieurs années. Bon nombre de Zimbabwéens installés ici ne pensent pas qu’il est important de préparer sa mort, et cela crée tout un tas de problèmes », a dit Tichaona Chidziva, un barman de Berea qui connaissait M. Moya.

Rapatriés illégalement pour être enterrés

Innocent Makwiramiti, économiste basé à Harare et ancien directeur général de la Chambre de commerce nationale du Zimbabwe, a dit à IRIN que les millions de Zimbabwéens qui ont quitté le pays depuis 2000 pour échapper à la crise politique et économique qui sévit dans leur pays mènent un combat quotidien pour leur survie, ce qui empêche bon nombre d’entre eux de préparer leur mort.

Sans contrat de prévoyance, les parents des migrants décédés rencontrent de graves difficultés pour rapatrier leur corps au Zimbabwe. Ils ont parfois recours à des moyens illégaux, a dit M. Makwiramiti.

Au début de l’année 2012, Gibson Mudhokwani*, un enseignant à la retraite de 70 ans qui vit à Harare et perçoit une retraire dérisoire, a dû se résoudre à transférer illégalement le corps de sa fille qui travaillait en tant que vendeuse à Pretoria avant de mourir d’une maladie inconnue. Il n’avait pas les 10 000 rands (un peu plus de 900 dollars) nécessaires pour faire rapatrier son corps légalement.

« Je n’avais pas d’argent pour effectuer les formalités et couvrir les frais de transport du corps, alors nous l’avons caché dans le camion de [mon voisin] et payé 20 dollars à la frontière pour que le véhicule ne soit pas fouillé », a dit à IRIN M. Mudhokwani.

Il a emmené le corps de sa fille chez lui, dans son village de Mhondoro, situé à 90 km au sud-est de la capitale, et l’a fait enterrer sans avoir obtenu un permis d’inhumer, comme le demande pourtant la loi.

Ses deux fils travaillant au Botswana, M. Mudhokwani a décidé de souscrire une assurance funéraire qui, s’ils venaient à mourir, couvrirait les frais de rapatriement et d’inhumation.

« J’ai demandé à mes fils de m’envoyer 20 dollars chaque mois pour payer l’assurance funéraire », a-t-il dit.

Sociétés funéraires

Des migrants zimbabwéens ont toutefois décidé de ne pas laisser à leur famille le soin de régler la question de leurs funérailles. Nombre de ceux qui se sont installés en Afrique du Sud ont établi leur propre société funéraire, recrutant des membres au sein de leur communauté d’origine pour contrôler les frais de transport.

« On peut mourir à tout instant et les gens doivent mettre la main à la poche ; ma famille n’en a pas les moyens »
« On peut mourir à tout instant et les gens doivent mettre la main à la poche ; ma famille n’en a pas les moyens », a dit Dorcas Dube, 54 ans, une travailleuse domestique de Johannesburg qui est membre d’une société funéraire comptant environ 200 personnes originaires de la même zone rurale proche de la frontière entre le Zimbabwe et le Botswana depuis 1999.

Elle paye une cotisation annuelle de 200 rands (20 dollars) et 70 rands supplémentaires (7 dollars) en cas de décès d’un autre membre. Si elle meurt, la société funéraire couvrira les frais de rapatriement de son corps jusqu’à son village – soit quelque 14 000 rands (1 395 dollars) – et organisera un « enterrement décent ». Sa famille recevra en outre 3 500 rands (349 dollars).

Les membres ont été répartis dans 17 groupes. Si l’un des membres du groupe de Mme Dube vient à mourir, elle devra se joindre à 11 autres membres pour accompagner le corps du défunt jusqu’à son domicile. Le corps sera transporté dans la remorque d’un minibus loué par l’entrepreneur de pompes funèbres. Après un voyage d’une nuit et d’une journée ou presque, les membres du groupe aideront la famille du défunt à préparer les funérailles et assisteront à l’enterrement avant d’entreprendre le long voyage qui les ramènera à Johannesburg.

Kingdom Mpofu, porte-parole de la société funéraire dont Mme Dube est membre, est âgé de 57 ans. Il est membre de cette société depuis 22 ans. Il considère qu’adhérer à un groupe est une responsabilité sociale. « Si vous ne rejoignez pas une société funéraire, vous serez une charge pour votre famille. Plus [vous adhérez] tôt, mieux c’est […] pour donner l’exemple à vos enfants ».

L’adhésion présente des avantages pratiques et financiers. Non seulement l’entrepreneur de pompes funèbres organise le transport, mais il se charge aussi de remplir les documents nécessaires pour le rapatriement du corps. « On peut organiser le transport soi-même, mais remplir les papiers, c’est un problème », a dit M. Mpofu. « Il faut un certificat de l’entrepreneur et un certificat de décès. Sans cela, vous ne pouvez pas franchir [la frontière] ».

« Enterrer une personne [au pays] est très important – pour qu’elle rejoigne ses ancêtres », a-t-il ajouté.

Plusieurs sociétés d’assurance-vie du Zimbabwe ont également mis en place des programmes pour faciliter le rapatriement des corps. La société d’assurance funéraire Nyaradzo, l’une des sociétés d’assurance-vie les plus connues du Zimbabwe, a établi des partenariats avec des funérariums en Afrique méridionale et en Europe, où les Zimbabwéens ont migré en nombre. Les funérariums remplissent les documents nécessaires et Nyaradzo organise le transport routier ou aérien et prend en charge les frais d’inhumation du rapatrié décédé.

« Nos régimes de primes répondent aux besoins de toutes sortes de personnes, des groupes à revenus faibles aux personnes aisées, et nous acceptons des cotisations modiques de dix dollars par mois. Nous organisons jusqu’à cinq enterrements de personnes installées à l’étranger par semaine », a dit Phillip Mataranyika, cadre dirigeant de la société.

*Nom d’emprunt

fm/ks/rz-mg/ld


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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