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Cinquante nuances d'aide - Trouver l'amour sur le terrain

Couple - for generic use lst1984/Flickr
S'il est un sujet qui intéresse les travailleurs humanitaires et les acteurs de l'aide en général - outre évidemment les questions relatives au renforcement des capacités et à l'aide alimentaire - c'est bien celui du défi que représente la rencontre d'un éventuel partenaire sur le terrain.

Le travail humanitaire est devenu beaucoup plus dangereux au cours de ces vingt dernières années, et les acteurs de l'aide ont plus de difficultés à rencontrer l'âme sour en raison des restrictions liées à la sécurité.

« On vit dans une enceinte, on voit les mêmes personnes tous les jours - on travaille, on vit avec les mêmes 10 ou 15 personnes. Bien sûr, cela affecte les chances de trouver un partenaire », a dit à IRIN Lala Ahmadova, Conseillère du personnel de la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).

« De l'extérieur, le travail humanitaire a une image très glamour. Tout le monde s'attend à rencontrer une personne formidable, comme par exemple un docteur français de MSF [Médecins Sans Frontières], avec qui partir pour un merveilleux voyage romantique autour du monde », a dit Julia*, une travailleuse humanitaire qui venait de quitter Haïti après une longue période d'affectation et qui s'est dite prête à vivre une relation stable. « Cela arrive parfois, mais quand je regarde mes collègues qui travaillent dans ce secteur, beaucoup se sentent seuls et abattus. C'est souvent le cas ».

Si les raisons de fréquenter un travailleur humanitaire ne manquent pas - le célèbre blog « WhyDev » présente une liste des arguments les plus évidents (votre partenaire ne vous fera jamais écouter Bono - après tout, que connait-il à l'aide humanitaire ?) - il s'avère difficile d'entretenir une relation avec un acteur de l'aide.

Dans les pays comme l'Afghanistan, où les travailleurs vivent dans des enceintes protégées, un nouveau visage - un partenaire potentiel - ne passe pas longtemps inaperçu.

« Le problème, c'est le manque de choix. Parfois, vous n'avez pas ce que vous voulez. Une nouvelle collègue va bientôt arriver ; est-ce que ça pourrait marcher ? », a demandé Giaco*, un Italien qui travaille dans le nord de l'Afghanistan.

Les considérations de sécurité n'affectent pas seulement les chances de rencontre : « Imaginez deux acteurs humanitaires qui travaillent à Gaza : ils veulent passer la nuit ensemble, mais ils ne vivent pas sous le même toit ; ils vont devoir prendre contact avec le personnel de la sécurité pour qu'il sache où ils se trouvent. C'est une situation un peu bizarre », a dit John*, un travailleur des Nations Unies qui intervient dans le Territoire palestinien occupé.

Une autre possibilité consiste à fréquenter « quelqu'un du coin », mais cela peut entraîner des complications supplémentaires en raison des dynamiques de classe et de race, et soulever des suspicions d'exploitation.

« Humanitarian Dating »

Robert Simpson, auteur d'un blog satirique, a inventé une parodie de site de rencontres, « Humanitarian Dating », avant de réaliser que ce portail répondait à un vrai besoin. Lancé sur Internet en 2007, il compte aujourd'hui plusieurs milliers de membres à la recherche de l'âme sour.

Le livre « Il faut sauver la planète ! Trois idéalistes dans l'enfer humanitaire » relate l'histoire de trois membres du personnel des Nations Unies qui participent à des opérations de maintien de la paix. Les auteurs de ce livre, qui a été lu par bon nombre de travailleurs humanitaires, évoquent le besoin d'intimité croissant ressenti par les travailleurs confrontés à des situations stressantes sur le terrain. Rebecca,* qui a passé huit des dix dernières années sur le terrain et qui travaille actuellement en Afghanistan, connaît bien ce sentiment :

« Tout le monde s'attend à rencontrer une personne formidable, comme par exemple un docteur français de MSF [Médecins Sans Frontières], avec qui partir pour un merveilleux voyage romantique autour du monde »
« J'ai entamé beaucoup de relations quand j'étais sur le terrain et, rétrospectivement, je me rends compte que cela ne serait pas arrivé dans des circonstances "normales". Certains m'ont convaincue que nous allions nous marier et que nous allions avoir des enfants. Mais il suffit que l'un de nous deux parte ou que nous partions tous les deux . pour réaliser que nous n'allons pas si bien ensemble. Sur le terrain, on a tendance à se sentir plus seul et isolé, et on s'accroche plus rapidement qu'on ne le ferait dans d'autres circonstances ».

Elle qualifie ces couples improbables de « relations sur location », car ils se retrouvent dans un endroit spécifique, sur le terrain, où l'expérience commune suffit souvent à rapprocher les gens.

« La vie que nous menons ici est très artificielle. C'est peut-être la raison pour laquelle ceux qui partent veulent se détacher le plus rapidement possible », a dit Mme Ahmadova.

Même dans les meilleures circonstances, avoir une relation avec un autre travailleur humanitaire crée des problèmes supplémentaires - au-delà des commérages qui peuvent exister au sein des petites communautés fermées dans lesquelles vivent les expatriés.

« Il faut prendre des décisions importantes rapidement », a dit John. « On se rapproche plus rapidement, mais les limitations apparaissent plus rapidement aussi. L'un des deux part. L'histoire s'arrête-t-elle ici ? Doit-on quitter son travail ? Emménager ensemble ? ».

Changer fréquemment de lieu d'affectation est difficile à vivre, et trouver un travail adapté aux qualifications de son partenaire n'est pas toujours possible. L'un des partenaires doit parfois mettre sa carrière entre parenthèses.

« Les temps changent. Pour les diplomates comme pour les travailleurs humanitaires. Il y a vingt ans, votre femme vous aurait suivi. Cela arrive toujours, mais de moins en moins », a dit John.

Skype ne suffit pas

Les moyens de communication modernes sont utiles lorsque votre partenaire ne vous suit pas, a dit Martin Knops, Conseiller du personnel pour Oxfam GB. Mais « cela n'est pas vraiment la même chose que de partager un quotidien », a noté Mme Ahmadova. Bien souvent, les acteurs humanitaires pensent qu'il est préférable de trouver un partenaire qui travaille dans un secteur différent.

Selon Mme Ahmadova, bon nombre de travailleurs humanitaires quittent la profession. Julia a continué à travailler au sein de son organisation, mais elle vient juste de retrouver son pays, car elle sentait qu'elle ne trouverait pas de partenaire avec qui fonder une famille en travaillant sur le terrain.

« Les personnes que j'ai fréquentées sur le terrain me ressemblaient beaucoup trop », a dit Julia à IRIN. « Mon conjoint actuel travaille dans un secteur très différent, ce que j'apprécie énormément. Nous avons une vision différente des choses. Nous ne manquons pas de sujets de discussion. Nous parlons tout le temps, mais nous n'évoquons pas le travail, c'est fantastique ».

Décider d'avoir des enfants est particulièrement difficile sur le terrain. Les travailleurs humanitaires signent souvent des contrats à durée déterminée pour mener à bien un projet particulier. Les congés de maternité/paternité de longue durée ou le travail à temps partiel sont difficiles à mettre en place. John pense que, tôt ou tard, les hommes seront confrontés aux mêmes problèmes que les femmes.

« Je vois des femmes qui sont restées sur le terrain trop longtemps et qui réalisent qu'il est trop tard pour avoir des enfants ou trouver un compagnon. Les hommes peuvent continuer un peu plus longtemps, mais au bout du compte, ils devront eux aussi prendre des décisions importantes ».

Et alors que bon nombre de travailleurs humanitaires cherchent une relation stable avec un partenaire qui pourrait les accompagner à travers le monde, d'autres ne sont pas intéressés par cette stabilité. Le travail change-t-il la personne, ou la personne est-elle attirée par le travail en raison de sa personnalité ? ».

Bon nombre de travailleurs humanitaires se trouvent peut-être entre ces deux extrêmes, idéalisant la relation qu'ils n'ont pas.

« Je suis parfois jalouse de mes amis qui travaillent dans un domaine ennuyeux », a dit Rebecca. Mais après sa dernière relation, qui ne s'est pas déroulée sur le terrain de l'aide humanitaire, « j'ai fini par laisser tomber, car si j'étais restée, j'aurais probablement fini par en vouloir à cet homme et je lui aurais reproché de ne plus prendre part à toutes ces aventures - que je déteste et que j'aime à la fois - pour mener une vie de banlieusards dans le cul-de-sac dégueulasse d'une petite ville américaine. Cette pensée m'était insupportable ».

*nom d'emprunt

kb/cb/oa-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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